[Quête d'initiation] Kaleilah

par **Kalirr** 09.08.19 15:10

Kaleilah a écrit:La jeune femme, assise en face d'une fenêtre donnant sur un ciel étoilé, relisait un parchemin. Sur ce dernier, elle venait de rédiger les mots suivants :

Cher tenancier du Lepreux Chauve,

Je m'appelle Kaleilah Nae'Dekh, nous nous sommes déjà croisés. Je vous ai laissé cette lettre afin de vous faire part de ma candidature pour devenir serveuse au Lepreux Chauve. Je ne sais pas si vous recrutez, mais je tente ma chance !

J'ai, par le passé, déjà travaillé un peu plus d'une année comme telle à Amakna, à la taverne du Père Paindu. En plus du service, j'y ai également appris comment tenir un inventaire et dispose de plusieurs contacts à Amakna chez qui je pourrai obtenir des matières premières à bas prix ! Cependant, j'ai naguère dû démissionner en raison d'un différend avec le patron de cet établissement ...

Je pensais à vous faire part de cette demande depuis quelque temps, et les événements récents dont vous avez eu vent me confortent dans l'idée qu'il me faut un endroit où je puisse m'entourer. Même Astrub n'est apparemment plus sûre.

Je ferai de mon mieux pour que ma présence rajoute un peu de vie à la taverne (sans vouloir offenser Camille).

Si je vous intéresse, je vous prie de me contacter par tofu, je reste pas loin à Astrub !

Une fois la lettre soigneusement signée, pliée, et rangée dans son sac, elle enfila sa cape et descendit dans les rues d'Astrub. Elle fit un crochet rapide par le Lepreux Chauve, seulement occupée par le serveur fantomatique à cette heure tardive, pour y déposer sa missive derrière le comptoir. La douceur de la nuit et un chacha noir passant par là raccompagnèrent Kaleilah jusqu'à l'auberge. Sur le chemin du retour, elle fredonnait l'air d'une chanson qui relatait des aventures d'un certain Valet, qu'elle entendait parfois venant de ses anciens clients.

par **Kalirr** 09.08.19 15:11

par **Kalirr** 09.08.19 15:12

Ils terminaient de grimper les quelques marches conduisant à l’étage du Lépreux Chauve. Outre l’abondante quantité de poussière, des livres et des documents étaient déposés en vrac, tantôt sur le sol, tantôt sur des étagères.

Le Valet de Trèfle invita Kaleilah à s’installer au bureau tandis que lui s’appuya contre les boiseries du lit, laissant la lumière de la lune, qui passait par l’œil de Moogrr, lui donner un air lugubre.

« Pourquoi cette candidature aussi spontanée qu'inattendue ?

– Eh bien, pour faire rapide, ma situation actuelle ne me convient pas. Je vis de troc et de petites ventes qui me permettent de quoi me payer des nuits à l'auberge. Après avoir découvert votre établissement, cela m'a remémoré mon ancienne occupation. Bien que mon ancien service se soit plutôt mal terminé, j'ai toujours cette envie d'œuvrer en tant que serveuse. Ce métier me plait, vraiment.

– Mal terminé, c'est-à-dire ?

– Oh et bien ... Le service se passait bien, la clientèle était régulière, mais le tenancier de l'établissement où je travaillais s'était dit qu'on pouvait faire encore mieux. Mais la seule idée qui lui est passé par l'esprit était de faire porter des uniformes. Par uniformes, entendez là des tenues bien trop courtes pour aguicher une clientèle encore plus facile. Bien évidemment, j'ai refusé. Suite à ça il y a eu une légère altercation.

– Je vois, je vois. »

La candidate au poste de serveuse ne semblait pas à son aise face à cet homme au regard de marbre. Il faut dire que ce dernier savait jouer de ses avantages pour paraître impressionnant et mener la barque où il le souhaitait, c’est ainsi qu’il enchaîna.

« Pourquoi le Lépreux Chauve ? Ce n'est pas les tavernes qui manquent sur Astrub. Surtout après ce que vous avez vécu ici, j'aurai pensé...

– Vous avez raison, au début c'est ce que je me suis dit. Mais c'est ici que j'ai rencontré le plus grand nombre de mes connaissances depuis que je suis à Astrub. Il y a également ici une atmosphère que je n'ai jamais connue ailleurs.

– Et que pensez-vous pouvoir apporter à mon établissement ? Il n'y a pas foule et Camille se débrouille extrêmement bien.

– MER-I MONS-euuuuh, résonna une voix spectrale en bas des escaliers.

– Son côté fouineur mis à part...

– Eh bien, je pense qu'une personne en ... chair et en os est préférable et bénéfique pour l'accueil des clients.

– Les clients en ont l'habitude. Certain viennent même pour ça, pour voir le « fantomatique serveur ». Et puis lui est là en continu. Il ne dort, il ne mange pas, mieux encore, il n'a pas de salaire. De toute manière, il est coincé ici...

– Justement. Je pourrai l'assister dans les tâches qu'il ne peut justement pas faire, ce qu'il se passe en dehors de la taverne. Comme les courses par exemple !

– J'ai des livreurs. »

Un silence s’installa, offrant une atmosphère gênante que l’Osamodas savoura. Il avait assez joué avec sa proie, c’était le moment de l’achever par un changement d’émotion brutal.

« Bon, arrêtons là la discussion de comptoir, c'était bien plaisant mais parlons de choses sérieuses. Que savez-vous de moi ?

– Qu-Que vous vous nommez Kalirr, bafouilla la femme assise au bureau, que vous gérez cet établissement ...

– C'est correct, mais incomplet, dit-il en ramenant son annulaire à la lueur de la lune. Avec cette unique bague à mon doigt, je pourrais acheter l'ensemble des boissons alcoolisées de la cave du Lépreux Chauve. Je ne m'offre pas ce genre de babiole en gérant une unique taverne. J'ai des commerces et des intérêts un peu partout à travers le monde : Astrub, Amakna, Sufokia... Brâkmar. Il se trouve justement que mon secrétaire s'épuise à la tâche. Je cherche quelqu'un de compétent pour l'assister, quelqu'un qui puisse sortir de cette taverne. Voyez-vous où je veux en venir ?

Elle le voyait parfaitement. L’ambiance avait fait son office ainsi que les deux mille kamas par mois promis à Kaleilah pour assurer ses nouvelles fonctions. Un contrat fut signé et la conversation se clôtura.

Le lendemain, en fin de soirée, Kalirr revint au Lépreux Chauve. Il eut l’agréable surprise de trouver l’étage impeccablement nettoyé et les ouvrages rangés et classés.

par **Kalirr** 09.08.19 17:17

La pièce était rangée, elle sentait un délicat parfum qui avait servi à faire reluire les meubles et à en ôter la poussière. Kaleilah, en cet après-midi, avait entamé la discussion avec le Valet de Trèfle sur quelques soucis qui lui tenaient à cœur.

« Hier, vous m'aviez demandé pourquoi avoir choisi le Lépreux Chauve plutôt qu'un autre mais suite à cela, et en ayant réfléchi à tête reposée, je dois vous avouer ne pas avoir été complètement franche. Vous me faite en partie confiance, je suppose que cela doit être réciproque.

– Alors, quelle est la terrible vérité ?

– Se passe-t-il des choses ici dont je dois être au courant ? Ou plutôt, ne pas être au courant...

– Cela changerait-il quelque chose pour vous ?

– Peut-être, si je ne sais pas de quoi il s'agit, je ne peux pas répondre clairement. Les multiples fois où, de l'extérieur, j'entends du bruit avant de pousser la porte, et qu'il cesse au moment où j'entre. Que tout le monde sorte de la taverne d'un coup, avec des excuses toujours plus farfelues. Sans parler des meurtres…

– Et où voulez-vous en venir ?

– Eh bien, si je devais reformuler, ma question est plutôt : Que se passe-t-il ici ? Je ne peux pas laisser de côté ces petites choses qui s'accumulent toujours plus à chaque passage.

– Le Lépreux Chauve est le centre névralgique de mes activités. Mes employés se mêlent aux clients dans le plus grand des secrets, certains ne se connaissent pas entre eux, d'autres si. J'ordonne mon réseau dans le plus grand des secrets et je suis la seule arakne à en connaître toute la toile car moi seul ai le privilège d'admirer le tableau. Le secret vous fait-il peur ? Travailler pour moi, c'est pourtant aimer le secret : garder les siens, ceux des autres et ne pas chercher à connaître les pièces cachées du puzzle.

– Je suppose cependant que de votre point de vue, pouvoir admirer toute cette toile et en connaitre chaque fil de soie doit être satisfaisant, n'est-ce pas ? Loin de moi l'idée de prétendre à en savoir autant que vous.

– Satisfaisant... En un sens, oui. Mais c'est sécurisant, surtout. Vous m'êtes sympathique, je ne vous délivrerai pas tous mes secrets ce soir, néanmoins, je voudrais que vous passiez une bonne nuit. Dites-moi ce que vous craignez qu'il y ait dans mes petits papiers et mes confidences.

– Bien évidemment, je crains surtout ce qui peut porter atteinte à ma propre sécurité.

– De cela, je m'en porte garant. Mes employés trouvent toujours du soutien auprès de moi et les quelques accidents qui ont pu naître l'ont été par la négligence de quelques-uns de mes subordonnés. Autre chose ?

– Pas pour le moment. »

Kaleilah quitta la pièce un peu plus rassurée mais avec encore plus de questions à l’esprit.

par **Kalirr** 09.08.19 17:18

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par **Kalirr** 09.08.19 17:19

Elle marchait dans le bruit apaisant des vagues venant s’écraser contre les blocs de pierre de la cité des eaux qu’était Sufokia. Se promenant dans le quartier de la Voie du Temple, elle trouva finalement l’homme qu’elle cherchait. Grand, une barbe grise, de hautes cuissardes rouges, un feutre à larges bords et deux pistolets sur la poitrine, Thomas profitait de l’air marin. La petite voix de Kaleilah le sorti de ses songes.

« Bon... soir ?

– Bonsoir. Douce nuit, n'est-ce pas ?

– En effet !

– Vous profitez des embruns ?

– Oui, j'aime l'air de Sufokia.

– Monsieur Dancrage m'envoie pour vous transmettre ceci. »

Saisissant la lettre tendue, il en brisa le sceau de cire bleuté et s’attela à une lecture rapide du document. Hochant la tête, il se rapprocha d’une lourde porte qui possédait un hublot en son centre. Il se mit sur le côté, un pistolet dans la main droite et sa canne dans la gauche.

« Pourriez-vous vous décaler pour ne pas être devant le hublot, s'il-vous-plaît ? Sans vouloir vous commander, madame. »

Il donna trois coups de canne sur la porte. Une tête passa devant la vitre sphérique. Elle attendit un peu avant que la porte ne s’ouvre, et qu’un petit homme en pyjama n’en sorte. Pour empêcher l’huis de se refermer, la canne prit une position adéquate, le pistolet, lui, savait ce qu’il avait à faire. Aussi, il vint se placer sur la tempe de l’inconnu.

« Bonsoir, la nuit est douce n'est-ce pas ? On peut entrer ?

– De... de...

– Merci. »

Poussant l’homme à l’intérieur Thomas pénétra dans le bâtiment. Kaleilah resta figée quelques secondes, les yeux écarquillés. Elle se décida, finalement, à entrer pour ne pas contredire les ordres donnés par Kalirr.

« Bon, alors... Tu sais qui m'envoie ?

– Je... je... je...

– Fais un effort pour faire une phrase claire, je te prie.

– Je ne peux pas, je ne peux vraiment pas !

– Allons, je suis sûr que si moi.

– Non, non !

– Fais un effort !

– Pitié !

– Tant pis.

– Coopérez, s'il-vous-plaît, osa la jeune femme. »

C’est finalement le cliquetis métallique d’un pistolet perdant patience qui délia la langue de l’éveillé en tenue de soirée.

« Noooooon ! Sous l'oreiller !

– Ah... Pouvez-vous vérifier ses dires s'il-vous-plaît, demanda Thomas à Kaleilah.

– O-Oui ! »

Fouillant le lit, elle trouva un sac relativement lourd dont le doux tintement de kamas s’entrechoquant fit sourire le vieil artificier.

« Ah ! Bien, que ça vous serve de leçon, mon employeur déteste les mauvais payeurs. Avisez-vous de recommencer et des gens bien moins sympathiques que moi pourraient revenir. »

Les deux défenseurs de la loi – la loi du plus fort certes, mais la loi quand même – sortirent de la maison pour laisser sommeiller celui qui, maintenant, n’avait plus de dettes.

« Bien, passez mon bonjour à Kalirr.

– A-attendez ... Je peux avoir une explication, au moins !

– Je ne suis pas payé pour expliquer mais pour agir. Si vous voulez en savoir plus, voyez avec la Tête pas avec le bras.

– Hein ? La Tête ? Kalirr ?

– Oui, le cerveau, quoi.

– Tout le monde travaille pour lui dans cette taverne ?

– Non, mais un nombre important tout de même. Si je peux vous donner un conseil... La culture du secret est de mise avec lui. Quand vous croyez tout savoir, c'est probablement que vous ignorez tout.

– Ça j'ai déjà bien cru le comprendre ...

– Si cela vous fait peur, fuyez sans attendre loin, très loin. Sinon, agissez pour l'intérêt du Lépreux Chauve et de ses occupants, il n'y a pas d'entre-deux.

–Il faut que je m'entretienne avec lui dans ce cas, encore une fois...

– Au revoir, et ne perdez pas le sac... »

Dans le Lépreux Chauve, Kalirr reçut son butin des mains de sa nouvelle secrétaire. La voyant attendre et le regarder avec insistance, il se doutait qu’elle avait encore des questions.

« Mais j'aimerai beaucoup avoir des explications. D'où sortent ces kamas ? Pourquoi cette violence ?

– Vous posez toujours des questions, vous ? Pourquoi cette violence ? Parce que ça fonctionne, en voici la preuve. D'où sortent les kamas ? D'une poche qui n’avait pas payé toutes ses dettes.

– Je ... suis un peu perdue.

– Vous êtes au Lépreux Chauve, Astrub, Monde des Douze, Krosmoz.

– ...au sens figuré du terme.

– Ah, au sens figuré vous êtes perdue, en effet.

– Tantôt vous m'annoncez votre importance dans certains établissements de ce monde, puis me présentez vos acolytes que, de surcroît, je croisais déjà régulièrement. J'étais rassurée, je vous imaginais simplement en tant que marchand dont les affaires précieuses ne devaient pas s'ébruiter. Mais aujourd'hui « ça » !

– Eh bien, qu'est-ce que cela change à la proposition d'avant ? Je suis un marchand et mes affaires sont précieuses.

– Bien sûr, bien sûr, mais je ne pensais pas à ces moyens pour arriver à vos fins.

– Devrais-je mettre des limites aux moyens que j'emploie ?

– Je... n'sais pas. Cela dépend des limites de votre morale, que je ne connais pas non plus mais dont les contours se précisent peu à peu.

– Mais vous connaissez les limites de la vôtre, j'imagine ?

– Vous savez, j'ai déjà été témoins maintes fois de choses peu morales ... à Brâkmar. Je n'ai jamais trop réfléchi à la question mais si vous voulez mon avis, ma limite est atteinte sûrement lorsque ma sécurité l'est également. Je veux dire, on ne pourra jamais arrêter tous les méfaits dans ce monde.

– Les arrêter c'est une chose, les réaliser une autre. Je vais être clair, j'ai quelques principes. Je suis libre, je ne vise que mon propre enrichissement, peu importe le moyen, qu'il soit légal ou non. Mes subalternes ou mes collègues restent en sécurité tant que chacun veille sur l'autre, aucune querelle n'est admise entre nous. Je n'agis jamais contre ma morale, je n'appauvris pas les nécessiteux, je ne cause pas de tort aux gens de bonne foi. Ma parole, je la donne et la respecte, j'attends de tous la même chose. Dernière chose, les intérêts de ceux qui travaillent pour moi sont ma priorité en toutes circonstances. Pouvez-vous vivre avec ça et avec moi ou préférez-vous arrêter là ?

– Vous me promettriez donc ma sécurité contre vos intérêts, si je comprends bien ?

– Non. Si votre sécurité doit mettre en danger mes autres agents, je ne peux la garantir. Cette exception mise à part, je peux faire cette promesse.

– Je suppose que c'est le prix à payer pour découvrir le reste des secrets que cet endroit cache.

– Que ferez-vous une fois qu'ils seront tous découverts, puisque cela semble être votre seul but ?

– « Si vous pensez avoir découvert tous ses secrets, c'est que ce n'est pas le cas. »

– Hum ?

– Ce sont les dires de votre acolyte.

– Laquelle de mes ouailles est si bavarde ?

– La même qui a failli repeindre un mur avec le contenu d'une boite crânienne dans une petite bâtisse à Sufokia. Celle-là même qui m'a conseillé de parler avec la Tête pour en savoir plus.

– Le vieux gentilhomme, bien sûr... Rassurez-vous, je le crois bien incapable de tirer sur un pauvre homme sans défense, monsieur Naubel Terbha a trop d'honneur pour ça.

– Je vois ... Il avait pourtant l'air bien déterminé.

– Il sait se montrer imposant et suivre les ordres. Si vous avez des ennuis, vous pourrez toujours compter sur son appui, croyez-moi. Bref, maintenant que vous savez où vous êtes, il n'y a plus de soucis. Bienvenue au Lépreux Chauve, taverne d'Astrub, sur le Monde des Douze, dans le Krosmoz… bienvenue chez moi. »

Il quitta la taverne sur cette ultime réplique. Néanmoins, il ne laissa pas Kaleilah seule pour autant. En effet, il est possible que la jeune femme se sente épiée dans les jours ou les semaines à venir. Un sentiment plus que légitime.

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