[Quête initiatique - Olgah] La terreur des mers

Vous trouverez ici la quête initiatique qui permettra à Olgah d’obtenir la carte du sept de Trèfle. Celle-ci se déroulera sur forum dans son intégralité. Les Têtes et Compagnons seront les seuls « maître du jeu » de cette aventure. Sans plus tarder, passons à l’histoire. Bonne lecture ou bonne écriture !

À la poupe du Phare Ahon, Olgah profitait de l’air salé et de la brise marine qui caressaient son visage et faisaient voler ses cheveux. Comme d’autres avant elle, comme Madden ou Bonzi, elle faisait maintenant partie de ces agents du Trèfle qui voguaient sur les flots. Cette atmosphère paisible était entrecoupée par un marin en manque d’attention qui entretenait la conversation.

« Z’allez sur Toutougras ? Pour sûr, z’allez y trouver d’la liberté. Un peu trop, même… L’île dégueule de vermines et de pirates sans cœur. Un mot mam’zelle et j’vous y accompagne. Pourriez z’avoir b’soin… »

Clic-clac, quelques claquements de talons grimpaient l’escalier. Ce n’était pas le bruit de bottes usées par les embruns ou rongées par l’eau de mer. C’était des chaussures neuves, probablement trop chères pour un simple matelot et qui suffirent à chasser le marin bavard. Le six de Trèfle devina sans mal pourquoi Kalirr venait à elle, lui qui n’avait presque pas décroché un mot du voyage.

« Ils ont mis le petit voilier à l’eau, les mercenaires t’attendent.  Scriabine a mis ton interlocuteur en de bonnes dispositions et tu sembles correspondre à ses goûts d’après elle... Cela devrait faciliter les négociations. Si ça tourne mal, on s’en tient au plan. Je fais voile sur l’île de la Cawotte mettre en place la solution de secours. »


Le Phare Ahon s’éloignait à vue d’œil, emportant avec lui le Valet de Trèfle vers sa délicate opération chez les Wabbits. Plus le navire s’éloignait, plus l’île se rapprochait. À quelques encablures de Moon, le frêle esquif faisait cap sur Toutougras, l’île du chienchien obèse, repaire des pirates et des parias. Et tandis que ses mercenaires ramaient, Olgah se souvenait des mots de Scriabine avant son départ.

« Les pilleurs des mers n’admettent aucun roi, mais ils reconnaissent le capitaine Sam, dit le Noir, comme un adversaire imposant et coriace. Sa flotte est vaste, son armurerie inépuisable et son navire amiral imprenable. L’évocation de son nom suffit généralement à provoquer la reddition des navires adverses qui livrent leur butin sans effusion de sang. »

Le lointain banc de sable était, maintenant, suffisamment proche pour percevoir un port entouré d’habitations et, de part et d’autre, deux gros bastions sûrement armés de canons et de mortiers. La terre n’était pas encore à portée, ce qui laissa encore un peu de temps à Olgah pour poursuivre sa remembrance.

« J’ai obtenu un accord de principe. Le Capitaine Sam accepte notre offre à condition que nous soyons généreux. Restons réalistes, néanmoins, et essayons de tirer le meilleur parti de cette histoire. Enfin, je laisse cela à la discrétion du Trèfle… C’est toi qui iras négocier. Le Noir semble aimer la musique, si la conversation déviait sur ce terrain, tes connaissances pourraient mettre le capitaine dans de bonnes dispositions. »

L'embarcation entra dans le port sans dommage. En vérité, personne ne semblait prêter attention aux nouveaux arrivants. La partie venait de commencer. Olgah se concentra rapidement sur sa mission, se rappelant les paroles de Kalirr.

« Nous avons déjà pu subir de lourdes pertes suite à l’attaque de pirates. Avant, c’était un problème mais pas assez important pour justifier qu’on s’en préoccupe. Les chargements transitaient par de multiples voies et sur des navires différents. Avec la réorganisation d’aujourd’hui, si le Phare Ahon coule ou son chargement disparaît, c’est la quasi-totalité des revenus de la Main sur plusieurs mois qui s'envole. Nous ne pourrions pas nous relever après une telle défaite. Il nous faut l’appui de ce Sam à tout prix. »

Les quatre mercenaires avaient arrimé le bateau et attendaient sur le port. La violoniste sortie de ses pensées et de l’embarcation dans le même temps. Il faisait brun et les différents commerces allumaient des torchères pour attirer, chez eux, les clients tels des insectes nocturnes. Un homme, court sur pattes mais à la bedaine charnue, arriva vers les voyageurs. Il se décoiffa et salua dans un geste exagéré, raclant le sol de son tricorne.

« Son altesse a fait bonne route ? Le capitaine Sam le Noir, seigneur de ces terres, se morfond en son palais. Si vous v’lez bin suiv’e. »

Ses quatre gardes derrière elle, Olgah emboîta le pas de l’inconnu. Ils passèrent par une grande artère populeuse où les cris des parieurs se mêlaient à ceux des rixes et des ivrognes. Le six de Trèfle n’avait jamais imaginé qu’une ville puisse contenir autant de tavernes, de lupanars et de salles de jeux. On arriva, finalement, devant le « palais » du capitaine Sam : La Guibole Acharnée.

À l’intérieur, il y avait un grand comptoir en bois derrière lequel s’affairaient quelques petites mains qui servaient des chopes et des godets à tour de bras. Sur la gauche de l’établissement, des tables – pour la plupart rondes – accueillaient des joueurs de cartes ou des buveurs. Sur la droite, de grandes banquettes supportaient des hommes et des femmes s’adonnant à des amusements d’une nature plus lubrique, accompagnés par un duo de musiciens – l’un au violon, l’autre à la guitare.

« À l’étage, c’est la porte du fond. Par contre, vos bouchers restent ici. »

D’un signe de tête, Olgah indiqua à ses gardes du corps que tout allait bien et elle monta seule les escaliers. La partie supérieure du bâtiment était plus silencieuse, preuve d’un choix de matériaux convenant à l’isolation. Une montagne de muscles séparait la violoniste de la porte indiquée. Cependant, elle n’opposa pas de résistance et laissa entrer l’agent de la Main.

La pièce était de taille plus modeste. Deux grands fauteuils étaient disposés de part et d’autre d’une table carrée tandis qu’au fond de la salle, une paillasse accueillait un homme et deux femmes dont les vêtements étaient en boule sur le sol. Le bruit de la porte fit s’arrêter tout ce petit monde.

« On remet ça à plus tard. Voilà une visiteuse que j’attendais. »

La femme qui prononça ces mots avaient la peau cuite par le soleil de jouiller et des cheveux d'un noir de jais. Elle enfila un pantalon et une chemise de toile tandis que ses distractions quittaient la pièce, leurs vêtements sous le bras. La femme s’installa dans un des deux grands fauteuils et invita Olgah à faire de même.

« Ne perdons pas de temps en mondanités. Je vous écoute. »

Avant que la disciple du Trèfle ne puisse poursuivre son discours, le capitaine la coupa d’un index pointé vers le plafond.

Une certaine rage animait son discours, une lueur conquérante brillait dans ses yeux. Elle était loin de l’image du pirate ordinaire qui ne pensait qu’à l’or et à la bière. Ne pouvant tenir en place, elle se leva pour observer par la petite lucarne qui donnait sur l’extérieur. Elle l’ouvrit, laissant pénétrer les rires et le jurons, les cris et les chants qui s’élevaient dans la cité et venaient s’engouffrer dans ce petit local. S’asseyant sur sa fesse droite, elle prit la table pour fauteuil et poursuivit.

Elle était redevenue calme. Imprévisible et changeante comme l’océan, l’étincelle dans ses yeux avait laissé sa place à une certaine forme de tendresse. Elle observait Olgah, attendant qu’elle formule sa demande.

Un silence tomba et, bien qu’il fût lourd et pesant, il arriva sans bruit. La capitaine observait la violoniste de bas en haut, considérant cette femme qui lui parlait sans détour. Elle rompit le silence, un sourire passant sur ses lèvres.

Après avoir enfilé une paire de bottes et entourée sa taille d’une ceinture – de laquelle pendait un sabre d’abordage – Sam descendit les escaliers. Elles repassèrent dans la taverne et se dirigèrent vers la porte. Faisant chemin inverse, elles arrivèrent à l’océan. Puis, Sam conduisit lesix de Trèfle vers l’un des deux bastions qui encadraient le port.

Ils étaient façonnés dans une pierre noire et grossière rappelant quelques constructions primaires des Landes de Sidimote. Olgah grimpa les escaliers dans l’obscurité la plus totale, s’aidant de sa main gauche pour suivre la paroi et éviter les canons qui pointaient à travers les meurtrières.

Les deux femmes arrivèrent au sommet et se placèrent sur la pointe d’un triangle équilatéral dont les angles brûlaient par le truchement d’un brasero. D'un signe de tête, Sam fit redescendre les quatre plantons et se retrouva seule avec Olgah.

« Là-bas, c’est la queue du chienchien, commença la capitaine en pointant l’ouest. C’est majoritairement une jungle épaisse. Elle nous fournit du bois, un terrain de chasse agréable et une bonne cachette en cas d’ennui. Ensuite, il y a là où nous sommes. Dans le creux de la patte arrière, ce qui explique sûrement le stupre et la débauche de mes semblables… »

La capitaine passa d’un pas rapide vers un autre point du triangle. Elle avait, visiblement, décidé d’impressionner son hôte ou de lui vendre son île.

« Par-là, vers la tête, elle montrait maintenant l’est, ce sont des plantations de café et de coton. Nous en consommons une partie ici et le reste est revendu à des marchands peu regardant sur la provenance. Et puis au nord, sur le dos, ce sont de larges plaines qui se terminent par des falaises abruptes. Un endroit magnifique. »

Son regard se porta finalement sur la mer. Les ondulations de l’eau renvoyaient un reflet altéré de la lune tandis que six ou sept silhouettes de bateaux arrivaient vers le port. Sam céda à quelques songes fugaces avant de revenir conclure sa tirade.

Elle s’installa face à la mer, assise au creux d’un créneau, laissant pendre ses jambes dans le vide. Olgah pourrait à tout moment la pousser, la chute sera rapide et, sans aucun doute, fatale. Sam passa une main dans ses cheveux pour se débarrasser d’une mèche récalcitrante. Les ombres de navires se précisaient, ils étaient bien sept.

Elle marqua une courte pause. Six des navires entrant au port arboraient le pavillon noir. Au centre, et malgré la pénombre, Olgah reconnu sans mal le septième bâtiment : le Phare Ahon.

La pirate acquiesça. Elles descendirent jusqu’au port emprunter une petite chaloupe ainsi que deux paires de bras musclés pour la manœuvrer. Ils arrêtèrent l’embarcation à proximité d’un navire aux voiles noirs qui était précédemment en tête du cortège et qui, actuellement, jouxtait le Phare Ahon.

Arrivé sur le pont du navire, Olgah constata que des planches relaient les deux bâtiments permettant de passer plus ou moins aisément de l’un à l’autre. Sam le Noir indiqua la direction du navire de commerce à Olgah.

Olgah enjamba la mer et arriva sur le bateau marchand. L’équipage était assis le long de la rambarde de tribord, mains liées par des cordes nouées. Personne ne semblait blessé – du moins physiquement – ce qui laissait penser qu’ils s’étaient rendus sans combattre.

Au milieu de ses hommes, ligoté comme eux, le commandant Morelle – disciple de Pandawa – tentait de rassurer ses voisins. Kalirr ne semblait pas être sur le pont. Sam revient, guillerette et souriante.

Le capitaine le Noir avait écouté sans broncher. Elle suivait Olgah, observant le navire de fond en cale. De temps à autre, elle s’arrêtait pour gratter le bois du navire de l’ongle de son pouce. Était-ce courant chez les pirates ou révélateur de quelques troubles ?

Sam ne répondit rien. Elle s’avança vers une caisse de laquelle dépassaient quelques bouchons et se saisit d’une bouteille à l’étiquette verte. Saisissant son sabre, elle en fit sauter le goulot comme on le ferait, en d’autres occasions, avec des boissons plus raffinées. Elle s’autorisa deux gorgées avant d’afficher une mine de surprise. Ses yeux revinrent sur l’étiquette : Vinaigre des Quatre Voleurs. Elle s’en débarrassa.

Elle marqua une courte pause pour laisser Olgah répondre avant d’enchaîner. Elle s’appuya contre quelques tonneaux aux pieds desquels gisait un chapeau bleu orné d’une plume de Truchmuche.

Le fils Morelle pausa le regard sur le chapeau à plume bleu qu’elle tenait entre ses mains avant de remonter ses yeux vers Olgah.

Son regard se porta ensuite sur la femme qui remontait par l’escalier. Le capitaine Sam observait les prisonniers ainsi attachés avec une mine assez grave. Elle fut abordée par un matelot qui avait visiblement plusieurs questions à lui poser. Cela devrait laisser un peu de temps au six de Trèfle pour poursuivre sa discussion si elle le désirait.

D’un geste de la main, elle appela une femme qui se trouvait non loin. Cette dernière vint à la rencontre des deux mélomanes.

L’autre s’exécuta tandis que Sam reportait son regard vers Olgah.

La tempête revint dans les yeux du capitaine le Noir. Comment osait-on lui refuser quelque chose. Elle s’en retourna sur le pont du navire aux voiles noires mais avant d’être de loin, elle aboya quelques mots sans se retourner.

Elle monta jusqu’à la barre susurrer à l’oreille du Capitaine Jacques tandis que la violoniste se rapprochait de l’équipage du Phare Ahon et de monsieur Morelle.

Olgah fit claquer ses chaussures dans les allées, à travers les tonneaux et les caisses d’alcool. Elle retrouvait là toutes les boissons qu’elle avait l’habitude de vendre mais c’est bien la première fois qu’elle voyait les chargements d’aussi près. Le six de Trèfle mettait enfin le regard sur ce que représentaient les nombres écrits sur les registres ou les rapports de vente. Elle passa dans un couloir qui sentait un peu plus la bière et splotch !

Un tonneau s’était percé durant le voyage et avait vomi son contenu sur le sol de bois. La partie supérieure de se dernier se mit en mouvement et retomba sur le sol laissant émerger le providentiel Valet de Trèfle. Il fallait le reconnaître, dès qu’il s’agissait de fuir, son ingéniosité pouvait se montrer redoutable.

Restant dans son tonneau il ajusta le col de sa chemise. Olgah observa son crâne et les deux petites pointes de kératine qui émergeait au milieu de cheveux en bataille. C’était la première fois qu’elle les voyait, ces dernières étant habituellement dissimulées sous un chapeau bleu à plume. Kalirr eut un sourire embarrassé.

Un silence passa. Il savait que si son Acolyte descendait à la cale c’est bien parce que les choses n’allaient pas comme elle le souhaitait. Il l’invita à tout lui raconter et c’est ce qu’elle fit.

Olgah voulut répondre aux questions qui se pressaient mais elle fut vite arrêtée par un index tendu et le regard insistant de son Valet.

Olgah n’eut pas trop de mal à attirer le pirate solitaire qui venait sûrement de passer plusieurs semaines en mer – du moins, c’est ce que suggérait son odeur. Lui susurrant quelques mots prometteurs, elle l’entraîna dans la cale du Phare Ahon. C’est là qu’une bouteille de Vinaigre des Quatre Voleurs vint arrêter ses doux rêves en percutant sa tempe. Kalirr se saisit aussitôt d’un second flacon mais, voyant son homme à terre, il se ravisa.

Sans pudeur aucune, le Valet de Trèfle se mit à nu devant son Acolyte. Il ne conserva qu’un caleçon de velours – évidemment de couleur bleue – et commença à se vêtir des haillons du matelot qui gisait à terre. Tout en faisant cela, il invita Olgah à répondre aux questions qu’il lui avait posé plus tôt. Une fois fait…

Il était maintenant vêtu des oripeaux du marin complétés par un chapeau de cuir rafistolé à de nombreuses reprises. Autant dire que son charisme en avait pris un coup, autant que son parfum.

Kalirr disparut par les escaliers conduisant au pont.

Un éclair de surprise passa sur le visage du capitaine Sam à l’évocation de son ancien nom. Elle ne répondit rien, constatant l’arrivée de sa chaloupe.

Les deux femmes embarquèrent sur la barque qui avança à la force des bras de deux rameurs. Un nouveau silence prit place durant plus de la moitié de la traversée avant d’être rompu par le Noir.

Sans attendre de réponse, elle enchaîna.

« Bien que les couronnes d’Amakna et de Sufokia nous donnent gentiment leurs bâtiments, reprit-elle avec un sourire mesquin, ça reste nos outils de travail et des objets de grande valeur. J’aurai donc besoin de résultats rapides et vous ne semblez pas vraiment sûre de vous en ce qui concerne mon Agrot. »

La chaloupe heurta les pierres noires du port.

Son attention se porta sur un coup de canon qu’on venait de tirer depuis le bastion qu’Olgah avait visité quelques heures plus tôt. Au sommet, un osamodas en haillon admirait la vue, éclairé par les flammes dansantes d’un brasero. En dessous, un deuxième canon venait de tirer. Le boulet passa à proximité d’un navire imposant.

Tandis que plusieurs pirates tentaient d’enfoncer la porte du bastion, Sam cherchait des réponses du regard. Son champ de vision finit par s’arrêter sur Olgah.

Le Phare Ahon fendait la mer. À son côté, une petite caravelle accompagnait son mouvement. Dans la cabine du capitaine, Kalirr souriait de toutes ses dents. Sur ordre de Sam le Noir, lui et ses mercenaires avaient pu sortir indemne du bastion et retourner aux côtés d’Olgah.

Un verre de Vinaigre à la main, la six de Trèfle était face à lui. La fin des négociations avec celle qu’on surnommait La Terreur des Mers avaient été grandement facilité. Olgah quittait Toutougras avec un navire supplémentaire, dix hommes, des cales remplies de café et de coton ainsi qu’une immunité pour le bateau de monsieur Morelle. En échange, il lui fallait maintenant procéder à la libération de Benjamin Honior – avant son exécution – et réussir le coup d’éclat de dérober un navire à la couronne d’Amakna.

Le visage de l’Osamodas reprit son sérieux habituel. Il fixa Olgah dans les yeux, laissant planer un court silence. Le Valet sortit un objet de sa poche. Un petit morceau de carton qu’il posa sur la table.