Candidature de Yenepha

- Vous aviez vu juste, au sujet de ce petit groupe de mages ridicules qui jouent aux archéologues oniriques. Les dépouiller fut un jeu d'enfant.

L'homme laisse échapper un rire chargé de mépris mais la belle reste de marbre. Le regard dans le vague, elle fait glisser son index sur les rebords de son verre à pied, lèvres closes. Visiblement, cette conversation ne faisait pas partie de son programme du jour.

- Nous pensons que le disciple de Iop qui vous a sottement mêlée à ces confidences pourrait en savoir davantage concernant la stèle retrouvée.Que diriez-vous, Yenepha, de particip- …

Il se tait, surpris de voir la femme se lever de sa chaise. Debout face à lui elle hausse les sourcils et prend parole de sa voix la plus doucereuse.

- Tout se vend il semblerait, même les histoires à dormir debout... Je suis ravie d'avoir su trouver bon acheteur à ces fables pour écervelés, mais ma participation s'arrête ici. Au cas où vous l'ignorez, j'ai un commerce à faire tourner.

Quelques hommes attablés se retournent sur son passage, la rousse haut-perchée sur des talons couleur or ne passe pas inaperçue. Sitôt la porte de la Taverne de Djaul refermée dans son dos elle est rejointe par un Eliotrope encapuchonné. Il lui rend son arc, fait quelques pas à ses côtés et ensemble sans un mot ils s'éloignent du bâtiment.



Si Brâkmar est silencieuse c'est parce que dans cette Cité chacun sait écouter et le duo est bien placé pour le savoir. Ce n'est qu'à la lueur d'une bougie dans une demeure au sud de l'atelier des bijoutiers que la Crâ s'autorise une confidence.

- J'ai fait une erreur, Kiosh.

Ce serait loin d'être la première fois, mais bien conscient que Yenepha a la flamme facile il garde pour lui sa remarque et feint d'être étonné.

- Et maintenant je suis mêlée à un conflit qui non seulement pour moi est encore incompréhensible, mais en plus de toute évidence n'est pas rentable. Pourtant ça paraissait simple : Me jouer du désespoir de ce garçon prêt à voir en moi le souvenir d'une défunte, le laisser me raconter ses secrets de sous-sols à Bonta et profiter du conflit entre les Cités pour grappiller quelques kamas en échange d'informations farfelues... Résultat les enjeux m'échappent et je ralentis la cadence avec tout ce merdier.

La flamme vacille. Deux étages plus haut on entend le cliquetis des outils destinés à la taille des pierres. Dans cette maison simplement décorée, des sacs s'empilent contre les murs et les fenêtres sont barricadées. Des hommes de main travaillent en silence au troisième étage, fidèles – pour la journée du moins, elle s'en est assurée – à la bijoutière qui depuis une année fait croître sa renommée dans le trafic de joyaux.

Yenepha aime la beauté et les bijoux qu'elle confectionne sont de vraies merveilles, réalisées dans le feu et la passion. L'or tressé et les pierres fines facettées avaient ce pouvoir de faire resurgir en elle une ambition dévorante, parfois destructrice... Des rêves de grandeur mais aussi d'une certaine manière, des désirs de pouvoir. S'épanouir pleinement dans ce milieu de charognards n'est possible qu'à condition de tout donner pour rester dans la course... Et elle ne manquait pas d'imagination pour parvenir à ses fins.

Seulement, et Kiosh le savait, Yenepha était aussi douée quand il s'agissait de s'attirer des ennuis. Trop impulsive, un rien fallait pour l'attirer sur des sentiers dangereux, pour peu qu'il y ait du profit à l'arrivée. Malgré ses 32 ans, la bijoutière lui donnait parfois l'impression de n'être encore qu'une gosse fragile et instable. Elle ne tenait pas en place.

Une petite braise qui se laisse emportée par le vent, avec la fâcheuse tendance de laisser des cendres ici et là sur son passage... - songeait t-il.

- Tu ne devrais pas t'en préoccuper, ils vont t'oublier et bientôt une belle livraison de grenats de Momistik te changera les idées.

- Je suis une cible vulnérable pour eux, une petite criminelle entourée d'imbéciles prêts à trahir pour le plus offrant...

Comme toujours, elle ne l'écoute qu'à moitié.

- Tu serais davantage protégée si tes maris richissimes ne disparaissaient pas tous dans des incendies.

- Je lui avais pourtant dit que cette maison de campagne à Amakna ne m'inspirait pas confiance...

Il roule des yeux et quitte sa chaise. Dans ces moments, mieux valait laisser Yenepha à ses réflexions. Après tout, elle savait où le trouver en cas de besoin.



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Plus tard, au nord de la ville et à la première personne.



Je ne tarde pas à m'endormir, je crois que c'est parce que j'ai hâte de passer à demain.

Je rêve de cet homme, Abaddon, de son Havre-Sac étrange et des sourires sur les visages des gars de Brâkmar lorsque je leur ai parlé des recherches de ces mages proches de l'Ordre Salvateur. Les deux jours qui ont suivi cette bonne idée se sont soldés par des visites insistantes d'hommes en armure.

Il faudrait … Que je songe à jouer de mes relations pour … me dégoter un bourgeois qui me passerait une énooorme commande de colliers de grenats... Puis peut-être qu'ensuite je l'épouserai.

Je rêve que je souris, et je suis sûre que ma frimousse d'endormie sourit elle aussi.
Des images de bijoux scintillants m'apparaissent. Moi, je suis debout, l'or me monte aux chevilles et un homme à quatre pattes vomit des jets de kamas enflammés. C'est incroyable et … un petit peu flippant aussi, mais ça ne m'empêche pas de rire aux éclats.



Un bruit me réveille en sursaut et je ne tarde pas à attraper mon arc posé sur l'oreiller d'à côté, en guise de seul véritable compagnon de vie. Deux types masqués bons pour distribuer des peluches à la Foire du Trool viennent d'entrer dans ma chambre et me menacent d'une dague pas même sertie d'un petit rubis. Je grogne :

- C'était un superbe rêve.

- Pose ton arc...
- Vas-tu nous suivre sans t'agiter ou préfères-tu une fessée sur ton joli petit c-...

J'étais passée championne dans cette discipline, couper la parole à ces types. Le bout de ma flèche s'embrase si violemment que les brâkmariens reculent d'un pas, une erreur à ne pas commettre.

Le coup est tiré, le feu s'empare du premier avant d'immédiatement se propager sur la seconde cible, plus gravement atteinte encore. Il hurle et tombe au sol, une cuisson douloureuse à l'intérieur de cette armure légère.. Les flammes commencent à grignoter le parquet.

Je profite du chaos pour décider de fuir et c'est en passant au travers de ma fenêtre que la morsure d'une dague lancée me prend à l'épaule, en plus de celles des éclats de verre.

J'écarte la douleur avec une ferme résolution et allonge ma foulée pour ficher le camps. J'espère que le petit coup de chaud porté au masqué encore debout me permettra d'aisément le distancer. Ainsi donc maintenant je crame mon propre chez-moi...



Une ruelle, une seconde, j'évite les grandes places, pieds nus et frigorifiée dans ma nuisette. Si je ne grimaçais pas autant je serais probablement en train de rire de ma situation. Je garde le rythme, il m'apparaît plus que clairement qu'il me faut quitter Brâkmar quelques temps, quitte à prendre du retard dans mes affaires.

Je commence à ralentir pour reprendre mon souffle.
Un homme imbibé d'alcool marmonne en titubant, si ivre qu'il ne semble même pas m'apercevoir et je le dépasse sans lui prêter une réelle attention. Enfin ...





Dans la nuit froide je répète tout bas le poème que j'avais déjà eu l'occasion d'entendre. De la bouche de qui ? Probablement un vieillard de la Cité avec lequel j'avais fait affaire.


Mmmh ...


Demain matin, je quitterai la Cité pour une brève retraite du côté d'Astrub, avec de nouvelles résolutions en tête.
À tous les coups, Kiosh dirait que je pars encore en vrille, mais il n'est pas obligé de tout savoir non plus... Ce serait bien, d'avoir de nouveaux amis, une nouvelle … protection, de nouvelles opportunités.


C'est décidé, si elle existe, je rejoindrai la Main du Valet Noir.
Et à moi la riche clandestinité.

Bonsoir !

Eh bien j'ai assez peu de chose à dire. C'est bien écrit, c'est bien rythmé, très agréable à lire ! Le personnage semble réfléchi et équilibré – même si c'est une chose toujours difficile à juger à partir d'une candidature. Les motivations du personnage pour rejoindre la Main sont classiques mais c'est une recette qui fonctionne.

Non, rien à redire ! Je suis donc entièrement pour l'entrée de Yenepha dans la Main du Valet Noir.

À bientôt ici ou en jeu !