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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid

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Message par Le Valet Noir 01.06.20 2:44

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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid 283424HRP

Ce sujet est la suite de la quête majeure Un temple à fortifier. Il n'est pas nécessaire d'avoir participé à cette dernière pour suivre cette quête-ci. Elle se déroulera intégralement sur forum à la suite de ce message. Toutes les enseignes et tous les personnages ne seront pas amenés à agir en même temps ou dans le même but. 


Amusez-vous bien, c'est l'heure de la revanche ! À moins que...




Image : Owl par Drkav


Dernière édition par Le Valet Noir le 26.09.21 22:39, édité 1 fois
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Message par Le Valet Noir 01.06.20 2:48

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Cinq heures sonnaient. Depuis la secrète buanderie, on pouvait entendre l’horloge de la grande salle frapper, prise d’une quinte de coup. Tout le Cœur s’était dépêché pour se réunir. Petit déjeuner avalé en vitesse, tenue plus ou moins soignée et cheveux à peu près peignés. Il manquait toutefois l’essentiel, celui et celle qui les avaient conviés. Le Roi et la Dame étaient absents.
 
Dix minutes passèrent sans qu’un mot ne soit échangé. Le coulissement du faux mur rompit le silence. À défaut d’une Tête, ce fut un spectre qui entra.
 
« Navré de vous avoir fait attendre, messieurs, dames. Il y a avait un client, commença l’ancien propriétaire des lieux reconverti en majordome crapuleux. On m’a demandé de vous remettre ceci, ajouta-t-il en déposant une petite clé cuivrée sur la table centrale, et de vous indiquer ce coffre-là. »
 
L’ectoplasme inclina sa tête translucide, signalant qu’il prenait congé, et repartit dans la salle principale, refermant le mur derrière lui.
 
La curiosité étant la principale qualité des Doigts présents, le plus rapide d’entre eux se saisit de la clé et ouvrit le coffret. Au milieu de quelques fioles, attendait une lettre à la calligraphie soignée, reconnaissable par quelques-uns :
 
Il est temps d'agir pour la cause qui nous rassemble toutes et tous. Vous devez armer la Main d’informations fiables et complètes. Nous avons identifié une cible prioritaire grâce aux renseignements obtenus lors de la détention de Mademoiselle.
 
Shin Tow le Maître-Brasseur est votre nouvelle perspective de recherche. Vous pouvez abandonner vos travaux en cours, nous nous chargeons d'Astrub. Nous savons qu’il doit se rendre à la prochaine foire aux Vins de Sufokia, comme tous les ans. Un tel personnage ne devant pas passer inaperçu, nous vous chargeons de faire le tour des exposants avant la tenue de l’évènement. Complétez sa fiche de renseignements avec Mademoiselle qui en a l'expérience la plus concrète.
 
Votre objectif est d’identifier un lieu et un moment qui seraient propices à son enlèvement, de préférence loin de la foire et de sa populace – évitons au maximum les regards indiscrets. Tout autre renseignement est également bon à prendre, vous avez carte blanche.
 
Pour commencer votre enquête, nous vous recommandons les exposants les plus réputés pour la qualité de leurs boissons. Le Trèfle a pu nous en donner trois : madame Dumidi, productrice de vins de pêche dans l’ouest de la péninsule des Gelées ; monsieur Diézelle, producteur de vins pétillants « fastes et ferreux comme chacun sait » au nord de la Plaine des Scarafeuilles ; les sœurs Belgelet, productrices et alchimistes au sud des Champs de Bonta, connues pour leurs vins aux arômes changeants chaque année.
 
Pour vous aider dans votre tâche, trouvez dans ce coffre quelques préparations. De votre rapidité et de vos compétences dépendent beaucoup.
 
En souhaitant que votre réussite soit complète.
 
Le coffre était, en effet, rempli de quelques fioles correctement étiquetées : six potions de rappel, deux poudres somnifères, deux potions de touflage, une potion de charme mineur et une potion de pieds légers.
 
Le Cœur avait maintenant toutes les cartes pour débuter son opération, ne restait plus qu’à savoir comment procéder.
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Message par Kaleilah 01.06.20 16:35

Kaleilah finit de lire la lettre avec ses camarades d’enseigne, un air à la fois perplexe et concentré sur son visage.

- Shin Tow … C’est un disciple de Pandawa bon vivant qui en vaut bien 3 ou 4, vu sa taille … enfin, plutôt son tour de taille. Vous comprendrez tout de suite si on le croise. Il était bien venu me voir pendant ma détention … Comme c’est dit, il est brasseur de cet alcool de riz et ne semble avoir d’intérêts que pour les autres boissons qui circulent à travers les terres. Peut-être même qu’il tiendra un stand à cette Foire. Il connaît et travaille avec les Pandits et les Opalins, même s’il ne fait certainement partie d’aucuns de ces deux groupes.

Elle s’empare de quelques fioles, les rajoutant aux côtés de celles de son propre cru dans sa sacoche.

- Je propose de nous dépêcher et de partir dès maintenant. Comme demandé, tâchons de savoir quelle route il prendra pour venir jusqu’à Sufokia, ou bien où il séjournera pendant son passage.

Kucci retint un soupir d'agacement à la vue des somnifères. Il répondit à Kaleilah :

- Qu'est-ce qu'il avait dit quand il était venu te voir ? Il a connaissance de la Main ? Il te reconnaîtrait ?
Si c'est le cas ça va pas être une mince affaire de passer inaperçus. Pour ce qui est du plan d'action, on se pointe chez un exposant en se faisant passer pour des clients ou des admirateurs amateurs de ses boissons ?


- Il voulait simplement en savoir plus sur l'absinthe ou tout autre alcool qu'on pourrait vendre. Il sait qu'on est tout un groupe qui vendons des produits de façon plus ou moins douteuses, mais pas plus que ça.

Elle passe une main sur son couvre-chef pour l'enfoncer un peu plus sans même s'en rendre compte elle-même.

- Il m'avait vu avec des vêtements complètement différents ... et sans mon bonnet. Il me reconnaîtrait certainement, oui, mais uniquement de face, et vu sa corpulence, j'aurai le temps de le voir venir avant ça, je pense.

Le regard de la jeune fille se fait vague un instant. Elle secoue légèrement la tête puis elle reprend :

- C'est un habitué de la Foire, on doit le connaître là-bas. Allons voir ces trois commerçants-ci, on pourra se faire passer pour des journalistes qui se renseignent pour sortir une édition spéciale de l’événement avec des présentations des exposants.

Elle scrute à nouveau ses deux camarades. Le Compagnon lui indique par son mutisme et sourire habituel qu'il n'a rien a rajouter. Ils sont prêts. Passage au zaap et, un écran turquoise plus tard, ils se retrouvent dans les plaines aux créatures cuirassées. C'est ce monsieur Diézelle que les agents du Cœur vont voir en premier. Les passants et autres voyageurs du coin leur indiquent bien vite la bonne direction à prendre, et très vite le petit groupe se retrouve devant la bâtisse du vigneron. La demoiselle sort un calepin, de quoi noter, et ils toquent finalement à la porte.
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Message par Le Valet Noir 01.06.20 19:06

Le domaine de Champ-Bagne avait été bâti sur le sol d'anciens gisements de fer dont les Doigts pouvaient observer des vestiges au milieu des cépages. À la fin des années 560, les filons arrivant à l’épuisement, la Couronne ferma ses mines et envoya les bagnards vers d’autres travaux. La famille Diézelle acheta les terrains pour une poignée de kamas, engageant ainsi la production du plus célèbre des vins pétillants.
 
À l’ouest des Plaines des Scarafeuilles, à proximité de terres hostiles et des territoires ennemis, la famille Diézelle avait construit un véritable château-fort pour protéger ses bouteilles des pillages. Le Cœur marchait à travers la longue allée au milieu des vignes, la forteresse pour seul objectif.
 
Passant un pont qui enjambait une rivière, ils se retrouvèrent au pied de la muraille. La herse était levée, aussi entrèrent-ils dans la cour. Ils purent alors admirer un véritable haras d’une dizaine de dragodindes et, surtout, une collection impressionnante de diligences de luxe, passion d’Irvine Diézelle l'actuel propriétaire des lieux.
 
Ils frappèrent finalement à la porte principale qui conduisait vers l’intérieur de la place forte. Le heurtoir en forme de grappe raisonna lourdement, faisant apparaître un domestique au visage débonnaire, à l’embonpoint naissant et à la mine rougeaude qui contrastait avec sa livrée verte.
 
« Que puis-je pour ces messieurs-dames ? », lança-t-il d’une voix gutturale.
[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Amorosa_winery_by_chateaugrief_db006yn-pre.jpg?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJzdWIiOiJ1cm46YXBwOiIsImlzcyI6InVybjphcHA6Iiwib2JqIjpbW3siaGVpZ2h0IjoiPD05MTUiLCJwYXRoIjoiXC9mXC80NWYyY2I4ZC1mYjYyLTQ1MzItYTQ1NS0wM2E5NmRjZmI2MThcL2RiMDA2eW4tYmYxNTFhN2ItNzE3MC00NGQzLWEzZTItOThlNmNiYmYzNmRiLmpwZyIsIndpZHRoIjoiPD0xMjgwIn1dXSwiYXVkIjpbInVybjpzZXJ2aWNlOmltYWdlLm9wZXJhdGlvbnMiXX0
Image : Amorosa Winerypar chateaugrief
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Message par Kucci 01.06.20 22:55

C'est Varjo qui prit les devants :

- Bonjour, nous sommes des journalistes de la Gazette d'Amakna ! Si nous sommes venus vous voir, c'est car nous préparons actuellement une édition spéciale sur la foire aux Vins de Sufokia. Nous voulions donc en profiter pour faire une présentation des exposants et nous ne pouvions bien entendu pas faire un tel article sans parler de vos célèbres vins pétillants ! Mes collègues, qui ont fait tant d'éloges sur vous et votre renommée, vont d'ailleurs vous dire ce qu'ils apprécient le plus dans votre savoir-faire.

Il ndiqua alors ses deux compagnons de voyage. Kucci prit la parole :

- Bonjour ! Comme l'a dit mon collègue, nous aimerions pouvoir détailler dans notre article la façon dont vos vins si particuliers sont conçus. Comme nous couvrons tout le Royaume d'Amakna, nous aimerions demander à monsieur Diezelle en quoi vos terrains et la région dans laquelle il est cultivé influent sur le goût du vin. Serait-il prêt à nous recevoir ?
Il sourit.
- En tant que grand amateur de vins, c'est vraiment la localité qui m'intéresse, reprit-il pour saisir la perche tendue par son collègue.

La demoiselle du groupe sourit poliment, laissant la parole à l'homme et prête à prendre des notes.
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Où la Main fait peau neuve.
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Le deuxième niveau de comédie permet au membre de mener un travail de fond sur son ou ses personnages, leur créer une identité propre, une apparence, des mimiques, un passé, une histoire crédible.
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Le négociateur débutant arpente doucement la voie des mots et de l'entourloupe. Il sera à même de marchander avec le douzien moyen qui a pour habitude de se faire plumer sur les brocantes ou dans les foires.
Mystérieux Papa Nowel
Pour survivre à Nowel, il faut devenir Nowel.
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Si elles apprenaient que vous avez détruit la Main du Valet Noir, toutes les milices du Monde des Douze vous féliciteraient autant qu'elles vous jalouseraient.
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Message par Le Valet Noir 02.06.20 10:16

Le valet de porte cligna plusieurs fois des yeux, observant tour-à-tour les trois journalistes qui, en quelques phrases, avaient dit bien plus de mot que ce que sa tête pouvait contenir.
 
« Je vais voir si monsieur Diézelle est disponible, suivez-moi », dit-il pour seule réponse.
 
Les agents du Cœur entrèrent dans la demeure familiale pour découvrir un large couloir richement décoré où une toile de maître attendait, entre chacune des huit portes, qu’un œil indiscret se pose sur elle.
 
Ils prirent la première porte sur la gauche pour se retrouver dans un petit salon. On les fit asseoir sur un divan et une bouteille de vin fut apportée pour les faire patienter. Ils attendirent ainsi une vingtaine de minutes avant qu’un petit homme ne viennent les retrouver. Vêtu de noir, le crâne complètement chauve, il se plaça au centre de la pièce.
 
« Chers amis, avez-vous fait bon voyage ? J’espère que vous avez pu profiter du climat généreux de la région. Passons dans mon bureau, nous serons plus à notre aise. »
 
Sans revenir par le couloir, ils empruntèrent une porte dérobée et se retrouvèrent dans le bureau du maître des lieux. Il y avait, au centre de cette salle de pierre, un large bureau dont les moulures étaient taillées dans un bois clair. Tout autour, en lieu et place des traditionnelles bibliothèques, étaient disposées des coupes et des bouteilles posées pêle-mêle sur des tables.
 
« Pardonnez l’état de la pièce, j’étais en plein travail, poursuivit-il tout en s’asseyant. Vous auriez dû nous prévenir, nous vous aurions fait préparer une chambre. Enfin, il n’est pas trop tard si vous souhaitez séjourner parmi nous, compléta le producteur en invitant les trois journalistes à prendre un siège. Alors, que puis-je pour vous être agréable ? »
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Message par Kaleilah 02.06.20 21:27

Kaleilah s'assoit tranquillement sur le siège en regardant autour d'elle. Tout cet espace, cette apparente opulence qu'ils avaient traversée pour arriver au bureau de leur hôte. C'est à se demander si ça ne vaut pas mieux de produire et vendre l'alcool de manière tout à fait légal.

Elle avait évité de toucher à la boisson généreusement offerte, connaissant bien sa résistances aux breuvages capiteux.

- Nous vous remercions pour votre chaleureuse proposition, hélas, nous ne resterons pas. Je suis Kaly ! Apprentie de ces messieurs pour la Gazette d'Amakna. Si vous l'acceptez, nous souhaitons dresser un portrait des futurs exposants de la Foires aux Vins de Sufokia, cette année. Parlez-nous un peu de vous, et des produits que vous présenterez. Qu'attendez-vous de cette nouvelle édition ?
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Message par Le Valet Noir 03.06.20 14:10

Le maître des lieux s’enfonça un peu plus dans son fauteuil, laissant courir les doigts d’une main sur son bureau.
 
« Eh bien, rien de plus que chaque année pour tout vous dire. Sufokia a toujours le bon goût d’organiser cette Foire qui gagne en ampleur et en importance. Comme d’habitude, nous serons présents pour y présenter nos meilleures bouteilles issues des dernières vendanges. On m’a, une nouvelle fois, promis le stand quinze qui occupe une place centrale sur l’esplanade. C’est toujours l’occasion de faire adhérer de nouveaux amateurs à nos produits, sans compter que les négociants et les marchands viennent en nombre à cet évènement. Bien sûr, c’est également le moment opportun pour rencontrer des confrères. Et… je ne vois pas bien quoi vous dire de plus sinon que la récolte passée fut d’une grande qualité mais également plus faible. Il faudra donc se battre pour déguster nos meilleurs nectars cette année. »
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Message par Kaleilah 03.06.20 20:47

Après avoir gratté rapidement sur son bloc-note, l'Éliotrope relève les yeux vers l'homme en lui offrant un sourire conciliant.

- Je ne doute pas que les plus amateurs se lèveront tôt pour goûter ça !

Elle croise ses jambes et reprend un air plus sérieux et professionnel.

- En parlant de vos confrères, y en a-t-il que vous attendez au tournant cette année ? Que pensez-vous des boissons plus exotiques, notamment provenances des îles, qui pourraient se démarquer ?
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Message par Le Valet Noir 04.06.20 1:54

« Vous savez, reprit-il, je vois bien là où vous souhaitez en venir. Jusqu’alors les îles ne produisaient que des boissons d’une qualité discutable, tout juste bonne à rafraîchir les soulôts. Nos vins ont des qualités et un raffinement bien supérieur, et une clientèle qui va avec. Certes, l’arrivée de certain cocktail semble plaire dans les soirées mondaines mais un Camp-Bagne, ça reste un Champ-Bagne. C’est un savoir-faire, un métier unique et ce ne sont pas ces mélanges exotiques qui déferont ça. »
 
Il s’arrêta pour laisser le temps à la jeune femme de finir de prendre en note son récit. Faillait-il vraiment être trois pour conduire cette entrevue ? Les deux autres n’ont pas l’air bien passionnés, pensa-t-il.
 
« Et puis, vous savez, ils ne sont pas si nombreux à venir des îles. De mémoire, je n’en vois que six. Ceux dont nous parlions, les frères Lagoune des îles Lentilles, et leur fameux cocktail à base de Curare-sous-l’eau. Le domaine du Corailleur Blanc qui vient d’Otomaï, avec un vin blanc assez atypique mais très plaisant. Il y a, aussi, les liqueurs de myrte de la mère Torpille sur l’île Korsika et finalement les trois marchands de rhum, qui viennent tous plus au moins de Moon, mais je ne les ai jamais rencontrés. »
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Message par Kaleilah 04.06.20 21:28

Kaleilah hausse les sourcils, feignant une surprise non dissimulée.

— Et bien, pour être franche je suis surprise de ne pas vous entendre parler de Pandala. Les breuvages y sont pourtant une religion, là-bas !

L’instant d’une réflexion, elle croise les bras et prend son menton entre son pouce et l’index.

— Enfin, en y réfléchissant, j’imagine que l’endroit regorge bien plus de consommateurs que de producteurs assidus… Oh, j’y pense ! Nous avions aussi eu l’idée d’intégrer à l’article des témoignages de réguliers qui ne manquent jamais la Foire. Vous savez, pour offrir différents points de vue sur événement. Sauriez-vous nous guider vers certaines de ces personnes ?
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Message par Le Valet Noir 10.06.20 9:46

Diézelle sourit à la remarque de la preneuse de notes.

« Pandala est à part, vous savez. J'ai tendance à penser que le culte de la Grande Ourse Qui Mousse a tendance à fausser quelque peu le rapport de ses adeptes aux boissons alcoolisées. Attention, je ne dis pas que le peuple Pandawa n'est pas curieux de découvrir de nouveaux breuvages — on voit d'ailleurs certains de ses représentants à la foire de Sufokia — mais force est de constater que ce qu'il consomme majoritairement provient de son île. C'est d'ailleurs un véritable défi, pour d'humbles artisans tels que moi et mes confrères, de parvenir à créer une boisson qui parvient à les séduire. »

L'homme se renfonça un peu dans son fauteuil, se donnant quelques instants pour répondre à la seconde question.

« Assurément, lorsqu'il s'agit d'habitués de la foire, quelques noms me viennent en tête ! Cette brave Vivienne Dumidi dont la renommée n'est plus à faire, bien sûr ! Je ne manque jamais une occasion de lui acheter quelques caisses de son vin de pêche. Il y aurait également Monsieur Emilion, mais il ne fera pas le déplacement jusqu'à Sufokia cette année. Le pauvre homme est souffrant, et ce n'est pas son âge qui risque de faciliter son rétablissement... J'imagine que ses vins rouges seront présents, mais, sans lui pour en parler, l'évènement perdra forcément de son intérêt. Cet homme — autant que son vin — est une institution à lui tout seul ! Ah, bien évidemment, il y a les soeurs Belgelet ! On peut dire ce qu'on veut et les accuser de tous les maux, ce sont de véritables artistes, bien plus que des arrivistes. J'aimerais connaître davantage de productrices passionnées de leur calibre. Ce qu'elles proposent, chaque année, fait se remettre plus d'une personne en question. »
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Message par Kucci 10.06.20 15:00

Kucci fit mine de surveiller sa collègue pendant l'entrevue, comme s'il était le tuteur de la demoiselle, pour appuyer ce qu'elle avait dit plus tôt.
Il prit tout de même la parole pour conclure l'entretien de manière crédible :


- Bien, merci pour vos réponses, monsieur ! Vous pourrez vous vanter d'être dans les premières lignes de notre future grande journaliste ! Il adressa un sourire fier à l'éliotrope. Nous avons globalement ce qu'il nous faut. auriez-vous un dernier mot à ajouter au sujet de vos vins ? Nous sommes avant tou là pour vous mettre en avant, et pour soutenir la foire ! Quelques uns de nos plus jeunes lecteurs pourraient vous découvrir cette année.

L'homme ne doit pas assez connaître Shin Tow voire pas du tout, et parler de lui directement serait suspect, se disait l'écaflip.
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Message par Le Valet Noir 10.06.20 16:31

Diézelle se rengorgea et se caressa le menton avant d'offrir son plus beau sourire au trio de journalistes.

« Ce fut un réel plaisir, mademoiselle et messieurs. Un dernier mot ? Voyons... Eh bien, j'aime à dire que nos vins sont là pour faire davantage pétiller la vie de ceux qui les consomment. Quiconque en boit s'enivre de joie sans maux de tête ! Depuis des décennies, nous sommes les partenaires des grandes occasions et des moments complices. Vous pouvez me citer ! »

Quelques formules de politesse et promesses creuses plus tard, les agents du Coeur reprirent leur route, escortés jusqu'à l'enceinte du château par le serviteur diligent.
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Message par Le Valet Noir 14.06.20 18:48

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid 1592152728-eu29fnnwaaibhdq

Le trajet jusqu'à la péninsule des Gelées se fit sans heurts particuliers et, lorsque le domaine Dumidi fut enfin indiqué, les trois agents du Coeur eurent le plaisir d'apprécier le paysage qui s'offrait à eux.
 
Les pêchers s'alignaient à perte de vue, formant un verger à l'intérieur duquel il n'était pas rare de croiser quelques Gelées aventureuses. Les créatures gélatineuses, qui auraient été chassées partout ailleurs, étaient ici considérées comme des indicatrices de la bonne teneur en sucre des fruits. Ces derniers, loin d'être matures, commençaient à se former sur les branches feuillues et taillées qui ne dépassaient guère des allées rectilignes.
 
Le bâtiment principal, chichement ceint d'une barrière suffisamment haute pour empêcher les incursions de Gelées gourmandes, n'avait rien à voir avec la forteresse du domaine de Champ-Bagne et s'étalait plus qu'il ne s'élevait. D'aucuns disaient qu'il fallait y voir le reflet de la personnalité de la propriétaire.
 
Vivienne Dumidi, fille de la terre et ambassadrice de la Péninsule, avait monté son affaire elle-même. A partir de trente pêchers, d'une cahutte modeste et de quelques dames-jeannes, elle avait réussi à se faire une place parmi les producteurs de vins locaux et avait grignoté les terrains environnants, jusqu'à asseoir son autorité en la matière, pour devenir une figure incontournable de la région.
 
Dans le verger de la Pêcheresse, quelques ouvriers s'occupaient, qui des arbres, qui des cubes gélatineux en maraude, et apercevraient sans nul doute le trio du Coeur lorsque celui-ci s'avancerait dans les allées.
 
Kucci prit la tête du groupe. Il avançait dans les allées, à la recherche de quelqu'un pouvant les faire entrer. Il essaya d'abord de se renseigner auprès d'un ouvrier : 

« Bonjour monsieur ! Nous sommes de la Gazette d'Amakna et nous aimerions rencontrer madame Dumidi car nous travaillons sur un article sur la foire de Sufokia et aimerions mettre en avant le domaine. Vous auriez une minute pour nous mettre en contact ? »

L'Ecaflip offrit son meilleur sourire.

« Madame Dumidi ? Vous remontez le chemin jusqu'au bâtiment. Si elle n'est pas dans la cour, elle sera sans doute à l'intérieur. »

Le minet remercia l'ouvrier et se dirigea vers l'entrée indiquée, suivi de ses deux collègues. Il chercha d'abord à trouver la maîtresse des lieux dans la cour.

Une femme d'une cinquantaine d'années se trouvait effectivement dans la cour.
De taille moyenne, les cheveux striés de blanc relevés en chignon et le teint hâlé, elle donnait des consignes à deux hommes bien bâtis et une femme replète. Les trois ouvriers acquiesçaient au gré des paroles de la donneuse d'ordres. Cette dernière était vêtue pratiquement et, si elle ne s'était pas trouvée parmi ses employés, elle aurait très bien pu passer pour l'une des leurs, à ceci près que quelques détails ornementaux de sa tenue trahissaient son rang.

Varjo prit la parole en premier :

« Bonjour, nous sommes des journalistes de la Gazette d’Amakna et nous aurions quelques questions à vous poser si cela ne vous dérange pas ! Quelles sont vos attentes pour cette nouvelle édition de la foire de Sufokia et comment vous êtes-vous préparée pour mettre en valeur tout votre savoir-faire ? »

Ses employés partis, la maîtresse des lieux se tourna vers les nouveaux-venus.

« La Gazette d'Amakna ? Vous devez connaître Mélisse, alors ! Suivez-moi, suivez-moi, allons nous mettre au frais. »

Vivienne Dumidi conduisit les trois enquêteurs à l'intérieur du bâtiment le plus proche. Il s'agissait du comptoir de vente. Quelques banquettes confortables y attendaient les visiteurs, tandis que de hautes tables permettaient aux amateurs de s'accouder et de poser leurs verres durant leurs dégustations.

« C'est curieux, reprit Madame Dumidi, votre consoeur m'avait pourtant donné l'impression d'avoir posé toutes ses questions. Vous buvez ? »

La propriétaire du domaine de la Pêcheresse avait sorti quatre verres et s'apprêtait à extraire une bouteille d'un des nombreux casiers qui recouvraient les murs de pierre assurant une excellente isolation du bâtiment et étant à l'origine de la notable différence de température avec l'extérieur.

La rousse Éliotrope inclina la tête, légèrement perplexe. Ses deux compagnons semblaient tout aussi surpris.

« Orh, c'est pas vrai ... Voyez-vous, nous sommes les trois petits derniers, et c'est déjà arrivé qu'on nous envoie là où d'autres sont déjà allés pour nous tester. Pourtant, moi je trouve qu'on fait du bon boulot ! »

Un sourire revint sur ses lèvres.

« Enfin, je ne dirais pas non à une dégustation. Et maintenant qu'on est là et qu'on sait ça, autant essayer de revenir avec de l'inédit ! Nous ne voulons pas non plus vous faire perdre votre temps à répéter les choses ...! »

Très professionnellement, elle tire son bloc-note de la sacoche à sa ceinture.

« Nous avions eu comme idée, dans la diligence qui nous a menés ici, que nous pourrions interroger également les visiteurs habitués. J'ai d'ailleurs cru entendre parler d'un Pandawa très ... imposant, disons, qui ne manquerait pas une seule édition. Ça vous dit quelque chose ? »

Vivienne Dumidi servit consciencieusement chacun de ses invités.

« C'est l'assemblage que je mettrai en avant à la foire. Vous m'en direz des nouvelles. J'espère bien étendre ma renommée avec lui. Je l'ai fait un peu plus sucré, afin de satisfaire les palais de la noblesse amaknéenne. Si je parviens à pénétrer l'enceinte du château royal, j'aurai davantage de commandes. »

La productrice apprécia un fond de vin de pêche, savourant l'alcool en le faisant glisser le long de sa langue. Les lèvres entrouvertes, elle aspirait doucement l'air, permettant aux arômes de remonter jusqu'à ses sinus. Cette dégustation-éclair achevée, elle reporta son attention sur la rouquine.

« Cette description me rappelle quelqu'un, oui ! Le Pandawa dont vous me dressez le portrait ne manque jamais une occasion de goûter mes produits. Je dois dire que son alcool de riz est intéressant également, mais la palette de ses saveurs n'est pas de celles qui me plaisent le plus. »
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Message par Kaleilah 15.06.20 22:14

La demoiselle du Cœur s'était cette fois-ci tentée à la dégustation, en imitant son hôtesse. Ne s'y connaissant pas pour un sou, elle est quand même agréablement surprise par la douceur fruité du breuvage.

« J'en profiterai certainement pour présenter votre stand à mes amies ! Et je ne manquerai pas de demander à Mélisse de tourner votre description de sorte à attirer la clientèle du château ! Concernant cet homme, il fabrique donc de l'alcool de riz, vous dîtes ? Ça explique son intérêt pour la Foire. Sauriez-vous d'ailleurs s'il y a un moyen de pouvoir le croiser sur le continent, avant le début de l'exposition ? Un habitué comme lui aura certainement des informations et anecdotes intéressantes. »

La Pêcheresse fronça les sourcils, leva les yeux au plafond et se mit à réfléchir.

« Il me semble qu'il part pour Sufokia avec ses gens une semaine avant le début de la foire, comme vous, en diligence. De ce que je me rappelle, ils louent une maison en Amakna pour faire une halte au milieu du trajet. Je soupçonne ce grand gaillard d'en profiter pour y goûter les spécialités du cru. »

Cette dernière confidence faite, Vivienne Dumidi ne peut s'empêcher de sourire d'un air complice.

Kucci accepta lui aussi une dégustation. Après les détails donnés par Dumidi, il lança un regard à Kaleilah pour vérifier qu'elle était en train de noter. Il embrailla sur une autre question, pour continuer sur leur idée d'interroger les visiteurs :

- Nous comptons bien creuser cela pour le rencontrer, soyez-en sûre ! Avez-vous d'autres habitués en tête, qui pourraient nous parler de la foire ?

L'ecaflip, qui prenait pour la première fois la parole devant la dame, lui sourit chaleureusement.

« Oh, rougit la cinquantenaire, bien des noms me viennent en tête ! Trop, peut-être, pour tous vous les citer. Peut-être y a-t-il des domaines particuliers qui correspondraient à votre enquête ?

- Eh bien, nous aimerions faire le tour des profils de consommateurs... Mais si je devais en choisir certains, je dirais que la Gazette aimerait entendre la voix des nouveaux arrivés dans le milieu, y-a-t'il de jeunes amateurs s'étant intéressés à vos produits ces dernières années ? »

Vivienne Dumidi écarquilla les yeux.

« Je serais bien en peine de vous donner leurs noms, Monsieur. Je retiens surtout ceux des clients importants et réguliers. »

L'écaflip sembla un peu déçu.

« Eh bien, je ne vois pas quoi vous demander d'autre, notre supérieure a déjà dû vous poser toutes les questions classiques sur les nouveautés de cette année, sur la saison et sur votre spécialité je suppose... Nous allons essayer de suivre le tuyau que vous nous avez donné, alors ! Merci d'avoir quand même pris du temps pour nous.

— Je vous en prie. Si votre article est bon, je vous enverrai une caisse de bouteilles.

— Nous serions les héros du bureau, haha ! Oh, j'ai failli être sotte ! Quel nom pourrons-nous poser sur le visage de ce cher monsieur Pandawa ? »

La Pêcheresse fouilla dans les replis de sa mémoire et parvint rapidement à en extraire l'information demandée.

« Il s'agit de Monsieur Chine Tôt. Je le prononce peut-être mal, s'excusa-t-elle, mais je serais incapable d'écrire son nom car les seules fois où il me l'a montré, il était écrit dans les idéogrammes de l'île de la Grande Ourse Qui Mousse. »

Toujours souriante, Kaleilah répond après avoir pris une note :

« Nous nous en contenterons, vous nous êtes déjà d'une grande aide ! Merci encore, madame Dumidi et bonne continuation. »

La maîtresse des lieux raccompagna les visiteurs sur le pas de la porte, les salua tandis qu'ils s'éloignaient, puis rentra ranger la verrerie souillée. Après quoi, elle écrivit un court message dont elle chargea un petit tofu rosâtre qui prit son envol et fila en direction du ciel.
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Message par Le Valet Noir 18.06.20 14:32

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Dbrfox11

Depuis le centre-ville de la cité Blanche, un fiacre les conduisit à la porte sud, à partir de laquelle ils empruntèrent les routes boueuses des champs. Demandant leur chemin aux quidams qui, les pieds dans la fange, entretenaient les pousses naissantes de céréales ou de tubercules, ils attirèrent l’attention d’un charretier qui les prit en pitié.
 
Ainsi poursuivirent-ils leur chemin, sur une banquette de bois – pour Kaleilah – ou assis dans la paille – pour Kucci et Varjo. Tout en faisant avancer ses montures, le campagnard évoquait la folie des sœurs Belgelet dans un parfait patois local.
 
Les deux frangines avaient, en effet, une certaine notoriété dans la région et de nombreux ragots courraient à leur sujet. Ragots que le brave charroyeur entendait bien partager avec ses invités. Les agents se voyaient donc instruire d’information plus ou moins valables. L’une d’entre-elle évoquait le caractère libertin et dépravé des Belgelet qui, à soixante ans passés, n’avaient toujours pas prit d’époux alors qu’elles avaient chacune une fille – enfantée par Rushu ou un de ses suppôts, probablement. Une autre encore avouait à demi-mot l’organisation de cérémonies secrètes, de sacrifices et autre sorcellerie. En somme, les sœurs étaient devenues la source d’innombrables légendes, plus ou moins fondées, qui étaient d'un précieux secours aux parents dont les bambins se refusaient à manger leur soupe.
 
Ils arrivèrent enfin à destination. À la grande surprise des agents du Cœur, il n’y avait pas de vigne autour du domaine Belgelet. Des champs de blé et d’orge entouraient les hauts murs de pierre recouvert de lierre.
 
Le charretier les laissa devant une grande grille en fer forgé et reprit sa route. Les trois complices entrèrent dans l’enceinte du domaine pour constater qu’il n’y avait pas plus de vigne à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ils avancèrent sur un sentier de cailloux blancs, au milieu des peupliers et des frênes.
 
Au bout de l’allée, face à eux, deux maisons jumelles aux toits de chaume étaient séparées par une grange de laquelle s’échappait un échange des plus courtois.
 
« T’appelles ça un tiers du flacon ? T’as de la fiente de Trool dans l’œil ma pauvre ?!
– Au moins j’en ai pas la crétine cervelle, MOI ! La térébenthine, c’est la moitié du flacon !
– La moitié ? Et t’as vu jouer ça où ? Tu perds complètement la boule ma… »
 
Le trio du Cœur s’étant rapproché à vue, les sœurs arrêtèrent-là leur échange d’opinion. À gauche, devant un alambic d’une taille considérable, une petite dame à la peau usée par le temps et aux cheveux ocres souriait de toutes ses dents. À droite, derrière un établi remplit de fiole et de plantes séchées, une femme semblable mais à la chevelure grenat souriait à son tour.
 
« Eh bien mes enfants, que faites-vous donc là ? »
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Message par Kucci 24.06.20 12:41

Varjo répondit aussitôt à la question des sœurs Belgelet :

« Bonjour, nous sommes des journalistes de la Gazette d'Amakna et nous sommes venus faire un reportage sur votre vin pour présenter les exposants de la nouvelle édition de la foire de Sufokia ! On aimerait en savoir plus sur ce que vous préparez pour vous démarquer et attirer les visiteurs. Il paraît que vos breuvages sont souvent originaux ! »

Le blondinet désigna ensuite Kucci du doigt :

« Notre collègue ici présent est d'ailleurs aussi un de vos plus grands admirateurs et il nous a dit qu'il serait très intéressé de prendre part à vos autres activités... Celles qui ne concernent pas la vigne, bien entendu ! »

Cette précision faite, le blondinet termina les présentations en ajoutant :

« Et je confirme que oui, c'est bien un tiers du flacon, pas de doute là-dessus ! »

La dernière phrase avait laissé de marbre la sœur de droite tandis que celle de gauche conservait son aimable sourire. C'est d'ailleurs elle qui poursuivit.

« Oh, Amakna ! C'est un journal qu'on n'a pas beaucoup par ici. Suivez-moi, allons discuter dans un endroit plus convenable. L'air ici est vicié et la luminosité faible. »

Les deux femmes, suivies des trois Doigts, allèrent dans le parc. Là, sous un grand orme, tous s'installèrent sur des bancs de pierre à proximité d'une petite fontaine. La chaleur de juinsidor et le clapotis de l'eau rendait ce moment des plus agréable.
« C'est déjà la période des journalistes, que le temps passe ! Éternel ballet qui va-et-vient : récréation, réflexion, acquisition, préparation, production, questions, célébration, consommation et, à nouveau, récréation. Bien sûr, nous exposerons à la foire cette année, reprit la dame aux cheveux d'argile.
– Mais comme d'habitude, motus, compléta l'autre.
– En effet, je crains que, tous les ans, vous ne perdiez votre temps. Nous ne parlons jamais de nos produits avant la foire, nous créons ainsi, chaque année, une surprise des plus charmante. Même le directeur de l'évènement n'a connaissance de rien avant son grand lancement, c'est notre petit jardin secret. Nous vous écoutons, toutefois. »

Kucci avait eu un rire jaune suite à la boutade inattendue de son collègue. Il prit la parole après les soeurs, souriant :

« Eh bien, nous cherchons à faire une présentation des exposants afin de les mettre en avant, pour que la foire marche au mieux ! Si vous n'avez pas envie de communiquer sur vos nouveautés, nous n'allons pas vous forcer la main, ce sera une bonne raison pour nos lecteurs de venir les découvrir par eux-mêmes ! À vrai dire, cette année nous nous intéressons aussi à la clientèle. On sait que ces dernières années, les habitants de Pandala se sont ouverts à d'autre saveurs et ont investi la foire, vous pouvez le confirmer ?
- C’est certain, oui. On en voit plus qu’avant, lâcha l’une des sœurs.
– Oh, ça oui ! La clientèle pandalaise a, très longtemps, boudée la Foire. La distance sûrement, mais surtout l’aspect culturel. Il faut dire qu’il y en a déjà pour tous les goûts sur l’île et que les breuvages font généralement partie du culte, ce qui laisse peu de place à la nouveauté. Il y avait deux ou trois curieux de longue date, mais on en voit des nouveaux depuis… deux ans je dirai.
– Oui, deux ans. »

Un chacha vint se blottir sur les genoux de la plus discrète des deux dames tandis que l’autre repris le fil de la conversation.

« Il faut dire que le directeur de la foire – un charmant homme – a vraiment su attirer une nouvelle clientèle. Avant, on se retrouvait surtout entre spécialistes, producteurs et négociants. Aujourd’hui, c’est une véritable fête, une institution. C’est populaire, ça grouille de monde et d’acheteurs ! »

Varjo se pencha pour caresser le chacha puis continua la discussion :

« Oh je vois, cette popularité de l’événement doit attirer de nombreux clients chez vous, quelle chance que ce nouveau directeur ait été un visionnaire ! Avec en plus la publicité que nous ne manquerons pas de faire au sujet de vos vins, je suis sûr que votre stand sera très populaire auprès des visiteurs venant de tous les horizons. En parlant de ça, nous avons entendu parler d’un imposant Pandawa qui, selon les dires des habitués, participerait à chaque édition de la foire. Est-ce qu’il serait déjà passé chez vous, par hasard ? »
« Un imposant Pandawa, ça ne me dit rien. Enfin, on ne connait pas tous les participants de la foire, vous savez, c’est un évènement qui attire beaucoup de monde et nous sommes bien occupées sur notre stand. En parlant du stand…
– Mais si, coupa la frangine qui caressait le félin, il y a bien ce monsieur Shin Tow.
– Oh, c’est vrai ! Charmant homme. Le destin avait entremêlé nos routes car figurez-vous que, l’année passée, nous avions dû faire un détour par Astrub pour aller présenter nos condoléances à l’épouse d’un cousin qui avait convolé en secondes noces avec une couturière. Le pauvre cousin était mort de la fièvre.
– Et en repartant nous avions rencontré monsieur Tow.
– Oui, il nous avait invité dans une petite maison qu’il a, en Amakna, où nous avions soupé et couché. Il nous commande toujours quelques caisses, depuis. Un homme bien agréable et qui connait la valeur d’un vin, sans nul doute. »

Varjo reprit :

« Ça doit être une personne très sympathique en effet, vous avez de la chance de bien le connaître ! Sauriez-vous où nous pourrions le rencontrer, par hasard ? Vous savez, nous récoltons aussi les témoignages des clients et le sien serait précieux pour mettre en valeur vos délicieux vins !
- Ma foi, reprit l’ancienne, s’il y a bien un endroit où vous pourrez le croiser prochainement, c’est bien à la foire. Je ne sais pas où il peut vivre en Pandala et c’est une région du monde qui m’est bien inconnue, je ne saurais vous en dire plus.
– Il y a la résidence d’Amakna, aussi.
– Vrai, une charmante petite maison dans un style exotique. Quand vous arrivez chez la Grande Ourse Qui Mousse, en son temple, continuez de longer la rivière dans le sens du courant. Vous arriverez à un moulin et prendrez plein sud jusqu’à l’habitation. Elle est immanquable tant son architecture est caractéristique de l’île. »

Kucci dégaine son meilleur sourire aux deux soeurs.

« Eh bien, je pense que nous n'allons pas vous embêter plus longtemps. Merci à vous pour vos réponses; nous ne sommes pas déçus du voyage même si on aurait aimé quelques exclusivités, ah ah ! Si mes collègues n'ont rien à ajouter, nous sommes repartis. Merci encore mesdames, nous nous reverrons peut-être à la foire ! »

Les agents du Coeur, après les classiques formules de politesses, reprirent la diligence en direction d'Astrub. Sur le chemin, ils décidèrent ensemble du message qu'ils allaient envoyer par tofu voyageur aux Têtes avant leur arrivée. :

« Voici les informations que nous avons sur ST :
Il sera bien à la foire cette année, et partira une semaine avant celle-ci pour la région de Sufokia. En attendant, il loue une maison amaknéenne où il sera entouré de ses gens. Les soeurs nous ont indiqué aussi une maison amaknéenne, on a sa position exacte.

K, K, V. »
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Millésime 649
Où la Main se pique de noblesse.
Millésime 650
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Millésime 651
Où la Main fait peau neuve.
Comédie II
Le deuxième niveau de comédie permet au membre de mener un travail de fond sur son ou ses personnages, leur créer une identité propre, une apparence, des mimiques, un passé, une histoire crédible.
Réseau (Astrub)
Négociateur I
Le négociateur débutant arpente doucement la voie des mots et de l'entourloupe. Il sera à même de marchander avec le douzien moyen qui a pour habitude de se faire plumer sur les brocantes ou dans les foires.
Mystérieux Papa Nowel
Pour survivre à Nowel, il faut devenir Nowel.
Fossoyeur
Si elles apprenaient que vous avez détruit la Main du Valet Noir, toutes les milices du Monde des Douze vous féliciteraient autant qu'elles vous jalouseraient.
Millésime 652
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Message par Le Valet Noir 28.06.20 13:57

Recoins paumés, sales et lugubres, tous les Doigts avaient déjà entendu parler des caches du Pique. Ainsi ses agents se déplaçaient, sans sac ni valise, mais avec l’assurance de trouver, sur leur chemin, un recoin où se planquer et du matériel pour s’équiper.

Divad, le Roi des ombres, avaient toujours veillé à l’entretien de ces nombreuses cachettes et, aujourd’hui encore, elles étaient comme des ambassades de la Main en territoire hostile. À ceci près que seule une poignée de Doigts en connaissaient l’existence. Le secret des emplacements était jalousement gardé et leurs localisations se transmettaient par le truchement du bouche-à-oreille entre des cartes similaires.

Au plus profond de la nuit, par des chemins de traverse ou des sentiers imaginaires, assassins et voleurs se retrouvaient alors dans un de ces endroits oubliés. Tout le Pique était réuni ici, sans un son, sans un cri : les agents du Valet Noir appréciaient la mélodie silencieuse qui vibrait en ce lieu reculé.

L’harmonie fut brisée par un tintement de grelots, annonciateur de travail. Le Valet de Pique se glissa dans le repaire par l’accès le moins pratique et, sans révérence ni politesse, commença son récit.

L’arlequine se fit aussi étonnamment compréhensible qu'elle s'avéra pressée. Les Doigts présents comprirent qu'il leur faudrait aller fouiller la cabane des « zozos pâles, hein ! » — les Opalins, confirma l'arlequine après qu'on lui eût posé la question — que les agents du Cœur avaient localisée sur la carte qu'elle leur remit. Le petit groupe devrait confirmer que la bicoque appartenait bel et bien aux Pandalais, déterminer si un Pandawa grassouillet – nommé « Chouine Trop ou un truc du genre... Chine Tôt, peut-être ? Ah, non, Shin Tow ! » – y résidait en ce moment et rapporter un maximum d’informations sur le lieu et ses occupants.

Évidemment, si c’était le Pique qui était appelé, il allait sans dire que le passage dans la bâtisse devrait demeurer inaperçu.

Le lendemain, au crépuscule, la compagnie quitta Astrub. Ses membres s’étaient laissé la journée pour préparer leur visite et pourvoir à leurs besoins. Au sud du Village d'Amakna, en lisière de la campagne, ils parvinrent en vue de la maison supposée. Il faisait déjà nuit.

C’était une paillote, érigée à la mode pandalaise, qui rappela à certains les habitations traditionnelles des rizières de Tamitsuko. D’une taille modeste, le bâtiment ne devait pas compter beaucoup de pièces, ce qui ne faciliterait pas une entrée discrète.

Les passants se faisaient rares à cette heure tardive, aussi les Doigts firent-ils un tour de la maison, à bonne distance. Un petit jardinet accueillait les visiteurs pour les conduire à la porte d’entrée, l’unique du bâtiment. De part et d’autre, deux braseros éteints encadraient l’huis, eux-mêmes cernés par deux fenêtres aux volets clos.

L'arrière de la demeure était semblable à l'avant : trois fenêtres équidistantes, aux volets fermés, perçaient la façade au mur lisse. Rien ne semblait indiquer aux membres du Pique que l’endroit était la propriété d’un clan quelconque et encore moins celui de la Triade Opaline.

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid House_in_the_mountains_by_efficiencylost_ddvmzrw-pre.jpg?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJzdWIiOiJ1cm46YXBwOiIsImlzcyI6InVybjphcHA6Iiwib2JqIjpbW3siaGVpZ2h0IjoiPD03MjAiLCJwYXRoIjoiXC9mXC9mMWM5OTk5MS0yM2UyLTQ1NGUtYWJkMi02YmQ4NjI4NmFjZDZcL2Rkdm16cnctODk5ODQ2ODktOTM5Ny00ZjQ5LTk1NGQtMjc5ZjM3NTM5OTUyLnBuZyIsIndpZHRoIjoiPD0xMjgwIn1dXSwiYXVkIjpbInVybjpzZXJ2aWNlOmltYWdlLm9wZXJhdGlvbnMiXX0
Image : House in the mountains par EfficiencyLost
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Message par Le Valet Noir 03.07.20 23:25

Le jardinet était entretenu avec soin et avait été manifestement dessiné par quelque paysagiste pandalais. Le chant d'un oiseau nocturne se mêlait aux bruits des insectes et du vent dans les branches. La nuit était chaude et uniquement éclairée par les étoiles et un quart de lune timide.

En plus de constater que toutes les possibles entrées dans la maisonnette étaient fermées, Simettra Adelpfi — Six de Pique de son état — prit quelques instants pour tenter de discerner si un quelconque filet de lumière s'échappait d'entre les volets clos, ou du pas de la seule porte d'entrée, dans l'idée de savoir s'il y avait de l'activité à l'intérieur de la bâtisse.
Seul le regard perçant d'une adoratrice de la Divine Chasseresse permettait de remarquer le fin rai de lumière qui filtrait sous l'huis. Un remerciement discret adressé à sa divinité franchit le lèvres de l'observatrice.

De son côté, restant allongée pour demeurer la plus discrète possible, Aphrodiane De Fenteflèche épiait attentivement les volets afin de déterminer de quelle façon ils s'ouvraient.

« Les volets s'ouvrent en deux vers l'extérieur. Ils sont assez bien entretenus. » expliqua le Huit de Pique à ses camarades dont l'un était assis juste derrière elle.

Le petit disciple de Sram répondant au nom de Pinnoze Can-Brius jeta un coup d'oeil en direction de ce dont parlait le Compagnon allongé. Il finit par se décaler afin de mieux scruter la porte de la bâtisse. Celle-ci — vous allez rire — n'avait pas bougé d'un pouce depuis leur arrivée et était toujours fermée.

Ces observations de loin s'éternisèrent, et Simettra décida d'y mettre fin. Il était évident pour la rouquine qu'entrer tous les trois à l'intérieur serait une ioperie sans nom, et elle espérait vivement que ses camarades partageraient son opinion. Pour s'en assurer, elle les invita à la suivre d'un simple signe de la tête, un peu plus à l'écart, en gardant toujours un œil sur l'habitation au cas où celle ci émettrait un quelconque signe de vie.

C'est à voix basse qu'elle s'exprima :

« Il y a de la lumière à l'intérieur, la maison est donc forcément habitée. Y aller tous les trois serait tout bonnement débile. Elle s'adressa à la seconde adepte de Crâ. T'as dit que les volets s'ouvrent vers l'extérieur, mais, là aussi, c'est trop dangereux de tenter quoi que soit si on ne sait pas ce qu'il y a de l'autre côté. »

Simettra prit une longue inspiration.

« Voilà ce que je propose. Moi et Aphrodiane, on reste à l'extérieur. Pinnoze, c'est toi qui vas rentrer : t'es un disciple de Sram, alors on peut utiliser ton invisibilité à notre avantage. »

Elle poursuivit en regardant alternativement ses complices avant de reporter son attention sur le Quatre de Pique.

« Le but va être de créer une diversion à l'extérieur pour faire sortir un habitant, et tu profiteras qu'il ouvre la porte pour te glisser à l'intérieur, nimbé de ton aura d'invisibilité, bien sûr. Je pense que les volets ont au moins un système de verrou depuis l'intérieur. Si c'est le cas, vois si tu peux le faire sauter sans te faire remarquer. »

La rouquine marqua une petite pause, avant de continuer.

« Pour le reste, ça va être de la pure patience. Le mieux est d'attendre que la maison s'endorme pour passer à l'action. Ce plan vous semble bon ?
»

La brune grimaça :

« C'est de la pure folie de faire quoi que ce soit si on ne connaît pas le nombre qu'ils sont dans cette bâtisse... Je suis d'avis que l'un d'entre nous se rapproche un minimum pour jeter un œil et voir s'il y a du bruit à l'intérieur ou non. Si toutes les fenêtres ont de la lumière ou non. Nous manquons d'informations pour agir correctement !
— Pour l'invisibilité,
avoua Pinnoze, je ne pourrai la tenir que quelques secondes... Je ne pourrai pas l'utiliser pendant le déverrouillage donc je serais aussi d'avis de faire un repérage avant.
— Quelques secondes seulement ?
s'étonna son homologue Acolyte. Ton dieu te boude ? Enfin... Ça contrarie le plan, alors...
— On parlera de plan après le repérage,
s'impatienta Aphrodiane, tu mets la charrette avant les boufous, Simettra.
— Oui, oui...
consentit cette dernière. Va pour votre repérage.
— Pinnoze, tu t'en charges ? »


Le disciple de Sram acquiesça. Il regarda la maison pendant quelques secondes avant de s'en rapprocher doucement.
L'adepte du Nuisible Invisible pénétra dans le jardinet et vint se coller contre la façade avant de se placer sous l'une des paires de volets. De la lumière filtrait effectivement à travers de fins interstices.
Pinnoze releva légèrement sa tête. Il colla sa tempe sur l'un des deux volets pour déceler d'éventuels bruits en provenance de l'intérieur. Quelques entrechoquements de vaisselle se faisaient entendre. Le Can-Brius laissa sa tête sur le volet tout en levant un poing fermé au-dessus de sa tête. Il agita ce dernier quelques secondes puis déplia un index et figea son mouvement.
Les bruits disparurent au bout de quelques minutes.
Après l'arrêt des bruits, Pinnoze baissa la tête et fit signe aux deux femmes qu'il n'entendait plus rien. Au milieu du jardinet, deux moskitos tout juste sortis de leur stade juvénile copulaient furieusement.

Le Sram rejoignit ses alliées et s'exprima à voix basse :

« J'ai entendu de la vaisselle et rien d'autre. Il ne doit y avoir qu'une seule personne.
— Ah,
l'accueillit la De Fenteflèche, tu as au moins été voir les autres fenêtres ?
— C'est une conclusion bien rapide ça...
ajouta l'Adelpfi. Ils peuvent être deux à faire la vaisselle, tu sais...
— Je vais aller voir les autres fenêtres, alors. »
annonça l'espion chétif.

Pinnoze retraversa donc le jardinet, se dirigea vers la deuxième paire de volets et réitéra sa tentative d'écoute. Aucun bruit notable ne parvint à ses tympans à cette occasion. Le fils Can-Brius releva son poing puis joignit son pouce et son index à l'attention des deux archères dissimulées puis il passa à l'arrière de la maison.

***

De ce côté-ci, le vent soufflait plus fort, sans pour autant décorner les bouftous. Les trois paires de volets étaient également fermées.
Pinnoze continua d'avancer à pas de Mulou et plaça son oreille contre le premier battant de bois venu. Le Sram crut déceler quelques bruits, mais sans grande certitude car il ne parvenait pas à les associer à une source précise.
Le Can-Brius changea de fenêtre pour tenter de se rapprocher de l'origine des bruits, de l'autre côté de la paroi. A la paire de volets suivante, il n'entendit plus rien. Avait-il rêvé ?
Après quelques secondes de réflexion, Pinnoze finit par se diriger vers la dernière fenêtre de la façade. Ici, il en fut certain, le Sram ne capta rien du tout. Perplexe, il revint se positionner contre la première paire de volets et tenta d'y entendre quelque chose une dernière fois.
Pinnoze n'eut pas davantage de succès. Le vent soufflait toujours et aucun bruit remarquable ne filtrait à travers les couches de verre et de bois.
Après avoir insulté le vent en son for intérieur, l'agent du Pique s'en retourna auprès de ses collègues.

***

De son côté, l'archère à la chevelure de sucre cuit commençait à s'impatienter. Voir le Sram déambuler autour de la maison pour en écouter les habitants vivre leur vie dans l'espoir de savoir que Shin Tow n'était pas seul, alors que cela lui paraissait personnellement évident, la laissait un peu perplexe. Enfin... Puisque la majorité avait décidé de faire du repérage, et que le Code interdisait de se quereller avec ses camarades, la chasseresse aux yeux d'émeraude se mura simplement dans le silence qui la caractérisait, se contentant d'attendre.

Avec un luxe de précautions, Pinnoze finit par revenir vers elle et Aphrodiane. Il était presque attendrissant de voir sa petite silhouette se déplacer à pas de Mulou. Une fois dissimulé à côté d'elles, le Sram chuchota :

« Devant, aucun son, alors que, derrière, il y avait de petits bruits pendant quelques instants, mais plus rien ensuite.
— Merci pour ces précieuses informations Pinnoze
, soupira l'Adelpfi... On sait que la maison est habitée, incroyable.
— Tu n'as rien entendu de plus ? Même pas une petite discussion entre plusieurs personnes ?
s'enquit Aphrodiane en faisant fi des railleries de sa semblable. Toutes les pièce sont éclairées ?
— Rien,
affirma le petit homme, donc il ne doit y avoir qu'une seule personne. J'ai préféré ne pas ouvrir, au cas où.
— Espérons qu'il soit vraiment tout seul dans ce bâtiment...
lâcha le Compagnon.
— On peut pas se contenter d'espérer, l'interrompit l'autre adoratrice de la Beauté Sylvestre, on n'est pas ici pour faire des suppositions...! Il faut qu'on trouve un moyen de savoir, sans l'ombre d'un doute, combien ils sont là-dedans ! Est-ce que c'est juste un lieu de passage et de repos ? Est-ce que la Triade s'en sert aussi pour ses affaires ? On doit découvrir à quoi ça ressemble dedans, voire même essayer de dresser un agenda des entrées et sorties de chacune des personnes qui occupent ce lieu. Son impatience prenait le dessus. Les « il doit y avoir » et les « espérons » n'ont pas leur place ici.
— Il faudrait les faire sortir alors,
réfléchit Pinnoze, pour pouvoir les compter comme des bouftous.
— Nous t'écoutons, Madame l'experte
, renifla la De Fenteflèche avec mépris. Je te regarderai de loin pour voir comment tu vas te planter à être aussi impatiente... »

La remarque de l'autre Crâ lui arracha un haussement de sourcils, mais la rousse se contint, afin de ne pas enfreindre le Code.

« Impatiente ? Mon plan repose justement sur l'attente et la patience, et pas bêtement foncer sous des volets — avec le risque que quelqu'un les ouvre et qu'on se fasse repérer — pour juste entendre un probable bruit venant de l'intérieur qui nous dirait que — ô surprise — il y a du monde dedans. »

Aphrodiane gémit de désespoir en se demandant pourquoi elle était là.

« C'est bon, elle fait sa Iop... grinça-t-elle. Je vais bien rire le jour où tu vas ne pas prendre la peine de faire un repérage en disant « Hoo, ça va aller, je sais que ma cible est dedans... » et que, au moment de passer à l'acte, une dizaine de personnes hostiles te surprendront et t'enverront dans l'autre monde... Et, en plus, ton plan consiste à attendre, mais nous n'avons pas le temps pour ça ! On doit faire vite, et c'est pour ça que le pique s'en charge ! Donc il faut y aller avec un minimum de courage et de détermination ! J'ai un plan risqué, mais efficace. Mais il faut que l'un de nous fasse une diversion en tapant à la porte sous prétexte d'avoir perdu son chemin et demande de l'aide à l'occupant. Pendant la conversation, les deux autres iront ouvrir discrètement les fenêtres pour y jeter un coup d'œil pour être sûrs que la personne à l'intérieur est seule et rentrer pour la droguer par-derrière pendant que le leurre essaye de faire durer la conversation... S'il y a plus d'un habitant, lancez discrètement des bombes soporifiques et refermez les fenêtres.
— Et qui se chargerait de distraire la personne qui habite la maison ?
osa le Sram.
— Merci de t'être porté volontaire, Pinnoze
, ricana Aphrodiane.
— Je vais m'y coller
, coupa la seconde adepte de Crâ, vu que vous semblez tellement sur la même longueur d'onde, vous réussirez à mieux vous synchroniser.
— Ah
, se moqua le Huit de Pique, Simettra t'a sauvé, Pinnoze... »

Le Sram remercia l'archère d'un mouvement de tête.

« Allons-y maintenant, avant que les pioutes ne caquettent. »

Aphrodiane opina du chef et se dirigea furtivement vers l'arrière de la paillote, afin de se placer sous l'une des trois paires de volets. Pinnoze lui emboîta le pas et se mit en position sous la fenêtre de gauche.

***

Après avoir attendu que ses deux camarades — avec qui elle était ravie de faire équipe — se mettent en place, la rouquine laissa son arc et son carquois derrière elle, conservant tout de même ses deux dagues soigneusement dissimulées dans son dos en cas de besoin. Elle s'ébouriffa un peu les cheveux, ajusta son décolleté, ouvrit grand les yeux avant d'y enfoncer ses doigts puis elle se dirigea vers la maison, les yeux rougis et larmoyante. Puisqu'elle ne savait pas simuler les pleurs, alors autant les forcer.
C'est donc en jouant les Coeurs dans une mission du Pique que l'archère frappa deux petits coups timides à la porte, prête à jouer la comédie.

Du chemin, portées par le vent, étaient audibles les paroles d'une chanson paillarde. Leur volume allait crescendo, à défaut d'être chantées justes. La voix, manifestement alcoolisée, était indubitablement masculine.

L'archère se détourna de la porte pour regarder en direction de la voix, ne quittant pas son rôle d'égarée. Un homme, presque aussi grand que l'archère, venait dans sa direction, le pas mal assuré.

Voyant que personne ne répondait à la porte, et que l'inconnu approchait, Simettra prit la décision d'aller jusqu'à lui, certaine de ne pas voir son imposture déjouée par l'état d'ébriété du type titubant.

« M... Monsieur...? Bonsoir... je me suis perdue... et... »

L'archère ne finit pas sa phrase, attendant une première réaction. A peine avait-elle fait trois pas dans la direction de l'ivrogne que le loquet dans son dos se mit à bruisser. On déverrouillait la porte.

« C'EST À CETTE HEURE-CI QU'TU RENTRES ? »

Simettra sursauta, sans jouer la comédie cette fois. Une quinquagénaire en robe de chambre se tenait dans l'embrasure de la porte.

« MAIS... MAIS TU ES AVEC UNE FEMME ! » s'offusqua-t-elle en remarquant le Six de Pique.

L'homme n'avait pas encore pris pleinement conscience de la présence de Simettra. Il jeta un regard bigleux en direction de la porte de la paillote et fronça les sourcils autant que son triste état le lui permettait.

« Qu'est-ce... Qu'est-ce tu r... racontes ? »

La rouquine se retourna, agitant bien vite les mains dans l'espoir de dissiper ce malentendu.

« N... non..! On n'est pas... Il n'est pas..! Je cherchais refuge... et... et personne n'a répondu, et je l'ai vu arriver... et...
— Ôtez-vos sales pattes de mon mari, ensorceleuse ! »
s'indignait l'épouse bafouée.

Le boit-sans-soif baragouina quelques mots à l'attention de sa chère et tendre :

« Dis pas d'bêt... bêtises. J'la... J'la conn...connais pas. 'soir, moid'moiselle. S'cusez, 'ardon... Oups ! »

Joignant le geste à la parole, il frôla plus qu'il ne contourna Simettra pour se rapprocher de la maison.
La rombière siffla avec mépris.

« Dans quel état tu rentres ! Regarde-moi ça ! Tu tiens à peine sur tes jambes !
— Suf... Suffisamment pour faire l'chemin tout s... tout seul !
nota l'époux ivre.
— Qui est-ce qui m'a fichu un mari pareil ? » implora l'indignée.

Puis, revenant à l'archère, la bonne femme demanda :

« Qu'est-ce que vous faites devant chez moi à cette heure-ci, vous dites ? »

Simettra assistait à la scène sans trop savoir sur quel pied danser.

« Je... je me suis perdue... et je... je cherche l'hospitalité... les routes sont dangereuses de nuit... j'ai pas envie de... me faire... »
Elle laissa sa phrase en suspens, ses yeux toujours rougis.
La mégère, apprivoisée, oublia un instant son sac-à-vin marital — qui venait de rentrer à l'intérieur de la paillote.

« Pauv' petite. C'est pas bien grand chez nous, et j'suis pas bien certaine d'avoir le droit, mais... Si c'est pour une nuit. V'nez, ça va aller. 'faudra être repartie d'main matin, par contre ! Compris ? »

Un sourire rassurée habilla les lèvres de la Crâ.

« M... Merci beaucoup..! Je me ferai discrète, c'est promis ! »

***

Les deux membres du Pique étaient en place. L'un comme l'autre sursautèrent lorsqu'ils entendirent les paroles d'une chanson vulgaire briser la quiétude nocturne. Le beugleur de paroles se rapprochait, à en juger par l'augmentation progressive du volume des couplets.

Pinnoze plaqua son oreille contre la fenêtre dans le but d'évaluer le nombre approximatif de voix. Cependant, elles ne provenaient pas de l'intérieur de la maison, mais de l'autre côté de celle-ci.
Le curieux sursauta lorsqu'un hurlement déchira la nuit :

« C'EST À CETTE HEURE-CI QU'TU RENTRES ? »

Aphrodiane imita tardivement son compère, espérant déterminer s'il y avait encore du bruit à l'intérieur de la paillote.

« MAIS... MAIS TU ES AVEC UNE FEMME ! » s'époumonait une voix féminine.

Le Compagnon du Pique lança un regard noir à l'Acolyte.

« Ôtez-vos sales pattes de mon mari, ensorceleuse ! » s'indignait une épouse bafouée.

Le Can-Brius chuchota à sa comparse :

« Plan B ?
— Ouvre un peu la fenêtre
, lui murmura l'autre, et jette un coup d'oeil, s'ils sont qu'à deux, on peut encore le faire. »

Pinnoze s'exécuta.

« Doucement ! »
le morigéna l'archère.

Les volets ne bougèrent pas d'un pouce. Ils étaient manifestement verrouillés de l'intérieur. Quel dommage que le Sram n'ait pas songé à vérifier ce détail durant son premier passage !
Face à cet échec, l'expression d'Aphrodiane se passa de commentaire. Le fervent du Grand Sournois regarda l'archère et chuchota.

« Peut être que le tien n'est pas verrouillé ? »

Aphrodiane vérifia en douceur si un verrou était visible depuis sa position. Ses investigations lui permirent de déduire qu'une barre métallique empêchait très certainement toutes les paires de volets de s'ouvrir.
De ce qu'elle et Pinnoze en voyaient, il leur serait difficile de glisser quoi que ce soit dans un éventuel interstice, celui-ci étant systématiquement trop réduit.
Une idée effleura l'esprit de l'archère qui se mit à observer les murs de la maisonnette dans le but de déterminer s'il était possible de les escalader. Hélas, les murs en question étaient toujours aussi lisses qu'à l'arrivée des trois agents du Pique.

Et merde... se dit la brune.

Le petit Sram la regarda :

« On peut essayer les fenêtres de devant, s'ils sont rentrés.
— Ça va être la même chose... Mais tu peux essayer, si l'envie t'en prend... Pour ma part, je vais jeter un léger coup d'oeil de l'autre coté.
— Quel autre côté ?
— L'autre côté d'où tu vas...
Aphrodiane désigna deux directions. Tu vas vers la gauche et moi je regarde à droite... »

Le disciple de la Grande Ombre au Tableau acquiesça et s'en alla vers la fenêtre de gauche de la façade avant.

***

Pinnoze zieuta discrètement ce qui se tramait depuis le coin de son mur et il aperçut Simettra en grande discussion avec une femme d'âge mûr. Le Sram tenta d'ouvrir doucement les volets les plus proches de lui, mais ceux-ci étaient également verrouillés. Rester davantage risquerait de compromettre la présence de l'agent du Pique. Il valait mieux qu'il retourne se dissimuler.
Après avoir juré intérieurement au sujet de la sécurité de l'endroit, le Quatre de Pique se planqua derechef au coin de la maison le plus proche tandis que l'Adelpfi pénétrait à l'intérieur de la paillote.

***

De son côté du bâtiment, Aphrodiane découvrit un barbecue sous appentis le long de la façade. Isolé de cette dernière par un revêtement de pierre, il évitait à l'édifice de s'enflammer à chaque préparation du repas.

La Cra observa attentivement l'appentis pour déterminer si elle pourrait s'y hisser sans trop de mal. L'opération semblait faisable.

Jetant un coup d'oeil aux alentours, elle s'attela à l'escalade avec une extrême discrétion. L'archère réussit sans peine à prendre pied sur le toit et se retrouva aisément sur le chaume. S'y déplacer sans bruit, en revanche, lui serait impossible.

« Bon, pas le choix. »
se dit-elle fatalement.

La grimpeuse de toit observa les environs de la maison depuis son perchoir, sans risquer le moindre déplacement qui aurait pu trahir sa présence : face à elle, le toit et, derrière celui-ci, l'avant de la maison avec le jardinet. Une porte claqua. Sur sa droite, la façade au barbecue. Sur sa gauche, le toit et, plus loin, la façade que Pinnoze avait logiquement longée. Derrière elle, le vide — trois kamètres à partir du rebord — et le petit jardinet arrière.

La monte-en-l'air redescendit avec les mêmes précautions que durant son ascension et, une fois au sol, elle s'éloigna suffisamment de la maison pour revenir à sa cachette de départ.

***

L'intérieur de la paillote était chichement aménagé. On y trouvait l'essentiel, dans un minimalisme presque étudié, mais guère plus. Quelques ornements rappelaient Pandala — des estampes, notamment, ainsi que des calligraphies expertes — et l'intruse estima la superficie d'un coup d'oeil global à environ vingt tatamis.

C'était une pièce unique qui constituait l'ensemble de l'habitat. L'ivrogne était en train de s'écrouler sur sa couche et commença à ronfler peu après que sa tête ait touché l'oreiller. Son épouse maugréa, et adressa un sourire contrit à son invitée en l'incitant à s'avancer davantage.

Timidement, Simettra rejoignit le centre de la pièce, parcourant celle-ci du regard.

« Je vous remercie encore... C'est vraiment gentil de votre part de m'offrir l'hospitalité. Si je peux vous soulager d'un quelconque poids pour vous remercier, demandez-moi..! »

Une table basse à l'opposé du coin couchage. Des oreillers en guise de sièges. De la vaisselle de porcelaine près d'une fontaine. Malgré leurs dehors amaknéens, les deux époux vivaient à la pandalaise, se dit l'espionne.

La quinquagénaire sourit derechef et balaya sa proposition d'un geste de la main.

« Je veux bien que tu m'aides à déplier un futon, ce sera ta place pour dormir. Mon mari ronfle, je ne te garantis pas une bonne nuit de sommeil, mais au moins auras-tu un toit au-dessus de la tête. »
— Ce n'est rien, ce n'est rien... Qu'est ce que... qu'est ce qu'un futon..?


La rouquine posa son regard sur l'ivrogne avec un sourire amusé, presque innocent, mais en profita pour le détailler autant qu'elle le pouvait, dans le but de peut-être identifier le fameux Shin Tow.
La maîtresse de maison lui désigna un matelas plié trois fois sur lui-même et, ce faisant, l'archère eut le temps de détailler les environs. Aucune trace d'un autre occupant, en-dehors du mari qui n'avait rien d'un Pandawa ventripotent.

Simettra se dirigea vers le matelas, le prit, et l'emmena ensuite vers le fameux coin de couchage. Le style correspondait effectivement à Pandala, mais rien ne laissait penser que cet endroit était utilisé par un Opalin grassouillet en tant que point de chute. Tentant de tout de même trouver quelque chose et ne pas repartir bredouille, l'archère joua son va-tout :

« Auriez-vous... quelque chose à boire ?
— Je me suis fait une tisane de camomille, plus tôt dans la soirée. Il m'en reste. »


Suspendant son geste, l'hôte attendit une réaction de son invitée.

« Avec plaisir...! »

Elle qui espérait un verre d'alcool, elle se conterait de cela.
Le liquide était encore tiède et fut servi dans un service à thé qui n'aurait pas fait tâche dans un intérieur Pandawa.

Dans l'impossibilité de faire quoi que soit d'autres sans commencer à éveiller quelques soupçons, la Crâ termina de déplier son futon, avant de savourer la tisane qui lui avait été offerte dans un silence quasi-religieux. Si l'hôte d'un soir n'avait rien à ajouter, elle irait se coucher en la remerciant encore une fois pour son hospitalité, puis attendrait que la maison s'endorme profondément.

La petite bonne femme regarda son invitée siroter sa tasse, la lui prit des mains lorsqu'elle en finit le contenu, la lava et la mit à sécher puis lui souhaita une bonne nuit avant d'aller se coucher auprès de son cher et tendre mari.

La paillote finit ainsi par s'endormir.
La rouquine attendit plus d'une heure et demie avant de tenter quoi que ce soit. C'est au bout de ce laps de temps qu'elle se glissa doucement en-dehors du futon, faisant désormais passer la discrétion en priorité. Calculant chacun de ses pas avant d'avancer, elle se cala sur les ronflements de l'ivrogne dans le but de dissimuler un bruit parasite. Fort heureusement, les tatamis absorbaient les éventuels sons liés au déplacement de l'inquisitrice.
Debout dans la pièce, elle chercha du regard ce qui pouvait éveiller sa curiosité, où cacher quelques secrets.
Les effets personnels des deux occupants étaient rangés dans une malle laquée qui en jouxtait une autre, verrouillée celle-ci.

Simettra Adelpfi n'était pas une voleuse, et elle ne pouvait même pas effleurer l'idée de crocheter une serrure dans ces conditions. Heureusement pour elle, le Sram voleur était à portée. C'est donc silencieusement qu'elle se dirigea vers la porte d'entrée, dans le but de faire entrer son complice du Pique dans la paillote.

Son trajet se fit sans encombres, et, si elle se tendit lorsqu'il lui fallut déverrouiller la porte d'entrée, elle prit tant et tant de précautions que l'ouverture de cette dernière lui parut durer une éternité et faire un boucan de tous les shushus. Enfin, l'huis pivota, libéré de la clenche, et nul ne broncha à l'intérieur de la maisonnée. Les ronflements du mari et la camomille de l'épouse avait, pour le premier, camouflé l'éventuel grincement des gonds et, pour la seconde, profondément endormi sa consommatrice.

L'adrénaline qui parcourait le corps du Six de Pique l'empêchait de cligner des yeux, par chance, mais cela ne durerait pas toute la nuit.

***

La porte d'entrée s'ouvrit, pour laisser passer la tête de Simettra.
Son premier réflexe fut de porter un doigt à sa bouche pour signifier à ses camarades, si ceux-ci pouvaient la voir, de ne pas faire le moindre bruit.

Aphrodiane, à distance, se tendit et obtempéra depuis sa cachette. Pinnoze, lui, recula. Il avait failli se prendre la porte contre laquelle il avait décidé de se plaquer, au cas où. Il allait ouvrir sa bouche, mais la referma en voyant le signe de Simettra.

Bon, elle est vivante... C'est déjà ça. se dit le Huit de Pique.

D'un geste de la main, le Six fit signe au Quatre de s'approcher. Une fois celui-ci à porté, elle se pencha et murmura au creux de son oreille :

« J'ai besoin de tes talents pour crocheter un coffre, en faisant le moins de bruit possible. Tu ne parles pas une fois à l'intérieur ni même maintenant. Tu rentres, tu me dis d'un signe de la main si c'est possible pour toi ou pas d'ouvrir le coffre. Si c'est le cas, tu le fais, et ensuite tu t'éclipses de la maison. C'est compris ? »

Le sram acquiesça et s'avança vers l'archère. Tous deux entrèrent dans la paillote.

***

A l'intérieur, l'archère indiqua à Pinnoze la malle en question d'un mouvement de la tête. Le petit homme se dirigea vers l'objet et s'assit pour en inspecter la serrure.

Le Sram laissa vagabonder son esprit durant la procédure, se demandant si c'était les deux occupants de l'édifice qui avaient incendié l'entrepôt de Madrestam.

La serrure était plus ornementale qu'autre chose, nul besoin d'être un expert en crochetage pour en venir à bout à condition d'être correctement équipé. Le fils Can-Brius parvint donc, en moins de 10 allers-retours de son rossignol, à déverrouiller le mécanisme de fermeture de la seconde malle laquée.
Après l'avoir ouverte la malle, il signala à Simettra que l'opération était un succès.

La rouquine s'approcha, lui demandant d'un signe de main de rester à côté. Pinnoze se décala pour lui laisser suffisamment de place. Aussi prudemment que lorsqu'elle avait ouvert la porte, Simettra souleva le couvercle de la malle pour en dévoiler le contenu.

A l'intérieur reposaient, soigneusement pliés, des habits protégés des Vilinsekts. Coupés à la pandalaise, ils étaient taillés dans de la soie. Tuniques, pantalons, ceintures, tous étaient de grande taille. Seul un fort gabarit pouvait s'en vêtir. Un très fort gabarit, même.
Au beau milieu de ces réflexions, le ronflement qui rythmait les exactions des deux cambrioleurs s'interrompit.

L'homme et la femme se figèrent. L'un regardant en direction des deux dormeurs, l'autre lui intimant de sortir d'un mouvement du crâne. Cette dernière demande passa donc inaperçue.

Les ronflements reprirent. S'agissait-il d'une crise d'apnée du sommeil ?

L'archère retint un énorme soupir de soulagement, attirant le regard du Sram d'un geste. Continuant de lui donner des indications par signes, elle tenta de lui faire comprendre de garder les deux amants dans son champ de vision tandis qu'elle continuerait de fouiller la malle, déplaçant soigneusement les vêtements sans les déplier, espérant qu'ils dissimulaient à leur tour autre chose.

Effectivement, un nécessaire d'écriture — pinceau, pierre à encre, et encre séchée — était contenu dans un petit coffret sur le couvercle duquel étaient marquetés quelques idéogrammes semblables à certains de ceux qui ornaient les murs.

Après quelque dizaines secondes à essayer de décrypter ses gestes , parfois équivoques, Pinnoze fixa les deux dormeurs. Le couple dormait innocemment.

L'archère continua de fouiller la grosse malle, gravant autant qu'elle le put ce symbole dans sa mémoire. A part des vêtements de grande taille, elle n'y trouva rien de nouveau.
Remettant tout en place comme elle l'avait trouvée, elle referma la malle avant de tapoter le bras de Pinnoze, lui indiquant de verrouiller la serrure.

Le Sram lâcha du regard les deux amants. Il suivit alors l'indication de l'archère et ressortit ses outils. Ce coup-ci, Pinnoze échoua dans sa manoeuvre et ne parvint pas à ses fins.
Il commença à s'énerver, ce qui le fit grincer des dents. Il savait qu'il ne devait pas faillir sinon... Il préféra ne pas y penser. Il réitéra alors son opération.

Le rejeton Can-Brius mit un peu trop d'entrain dans son exaction et, s'il parvint à verrouiller correctement la malle de bois laqué, son excès d'enthousiasme perturba quelque peu le sommeil de la dormeuse qui se retourna à deux reprises.

L'archère donna deux petites tapes sur l'épaule du Sram, lui faisant remarquer qu'il commençait à sacrifier sa discrétion et risquait de les faire repérer. Pinnoze ne remarqua pas immédiatement qu'il avait fait du bruit.

Les deux époux remuèrent, l'une gêné par l'autre, mais leur sommeil n'en pâtit pas outre mesure.
Le disciple du Nuisible Invisible se détendit avant de se relever.

D'un signe de la main, Simettra indiqua à Pinnoze qu'il pouvait quitter les lieux et, ne prenant aucun risque, qu'elle partirait avec lui.
Le plus discrètement qu'elle put, elle se dirigea vers le futon qui lui avait servit de couche, et tenta de le replier pour faire croire à un départ très matinal afin de ne pas simplement partir comme une voleuse.
Le Sram fila.

***

Pendant ce temps, Aphrodiane continuait sa veille à l'écart. Cette dernière ne fut troublée que par un seul évènement notable : le vol silencieux d'une chouette au plumage opalin qui vint se percher dans les branchages surplombant l'agent du Pique. L'animal hulula à trois reprises et se tint coi.

Pinnoze finit par ressortir de la paillote, avec un luxe de précautions tout particulier.

***

Lors de son rangement, l'agent du Pique encombré par son volumineux couchage se débrouilla tant et si mal qu'il se prit le pied entre deux tatamis et perdit l'équilibre. Si sa chute se fit sans trop de heurts, elle l'intrigua lorsqu'elle se releva.
Là où elle s'était tenue précédemment, un peu partout dans la paillote, les tatamis étaient plus ou moins souples sous ses petons graciles. Or celui sur lequel elle avait chu ne lui avait pas fait le même effet, lui semblant plus ferme que ses semblables.

Intriguée par cette différence de texture entre ce tatami et les autres, la femme à la chevelure caramel essaya de soulever l'anomalie.

L'élément fut déplacé non sans mal car il fallait que la disciple de la Divine Chasseresse conserve un maximum de discrétion. Une fois le tatami — plus lourd que prévu — délogé de son emplacement, un courant d'air se fait sentir et, alors que les yeux de l'archère s'adaptaient petit à petit à l'obscurité ambiante, une impression lui tenailla le ventre et lui frappa l'esprit : une cavité était dissimulée sous le revêtement.

L'hésitation saisit l'Adelpfi solitaire. Devait-elle continuer à pousser son investigation, ou devait-elle quitter les lieux au risque d'envoyer une autre équipe fouiller la maisonnette plus tard, les preuves risquant de disparaître ?
C'est son caractère impulsif qui l'emporta sur sa raison, Simettra décidant d'explorer ce souterrain secret.
Simettra s'engagea dans le trou, y glissant ses pieds sans en apercevoir le fond. L'expérience était malaisée autant qu'elle était troublante et, à force de tâtonnements, l'archère finit par toucher du bout de sa botte droite une petite surface plane sur laquelle elle put prendre appui.
Ce rebord s'avéra être le sommet d'un escabeau de fortune, quoique renforcé et capable de supporter une lourde charge, et la première des neuf marches qui la conduisirent au fond du puits creusé sous la paillote.
En bas, le courant d'air était plus fort et rafraîchissait le visage de l'investigatrice.

Ses yeux mirent un peu de temps à s'adapter à l'obscurité, et la jeune femme regretta de ne pas avoir son arc avec elle. Il lui aurait permis de s'éclairer d'une flèche enflammée. Elle observa, autant qu'elle pouvait, les alentours.

Simettra se trouvait sous terre, c'était indubitable. Palpant les parois alentours, elle se rendit compte que l'excavation se poursuivait face à elle en un tunnel assez large pour laisser trois personnes de son gabarit l'emprunter côte à côte.

L'aventureuse le savait, continuer seule était aussi risqué que stupide. Elle remonta donc à la surface, aussi silencieusement que possible, vérifia que ses hôtes étaient toujours bien endormis d'un regard, et se dirigea vers la porte.

Le couple dormait, l'un ronflant, l'autre ronronnant.

***

De la porte entrouverte, le visage de l'archère dépassa plus de dix minutes après le départ de Pinnoze. A ses deux camarades, elle fit signe de venir, sans un bruit.

Tous deux firent ce qu'elle leur demandait et rejoignirent l'archère.

Une fois ses complices à portée de chuchotis, elle leur expliqua la situation :

« J'ai trouvé un passage qui mène sous terre. J'peux pas y aller seule, j'y vois pas grand chose et je sais pas sur quoi on pourrait tomber.
— On risque de se faire repérer si on y entre
, marmotta le Sram.
— T'es du Pique ?
le brusqua la rousse. Les deux tourtereaux sont endormis, les tatamis absorbent les bruits de pas qui sont en plus couverts par les ronflements de l'homme, alors si tu te fais repérer dans ces conditions, songe vraiment à changer d'enseigne. »

Le sram baissa la tête devant pareille rebuffade. Le Huit intervint :

« Il veut sans doute dire que si on rentre dedans et que l'on allume par la suite une lumière quelconque et qu'il y a une des personnes en bas... On sera grillés tout de suite. Pinnoze releva la tête en voyant l'autre archère pendre sa défense. Mais on n'a pas le choix. La question est : on rentre dans ce tunnel tous les trois ou non ?
— Il y a suffisamment de place pour trois
, expliqua Simettra, mais je pense qu'il vaudrait mieux que l'un d'entre nous reste en haut, oui, c'est plus prudent. »

Aphrodiane De Fenteflèche regarda les deux dormeurs.

« Tu les as drogués ou pas ?
— L'homme est bourré comme un vieux pochetron, je doute qu'il se réveille. La femme, c'est moins sûr. Elle a bu une tisane à la camomille, donc en théorie ça devrait aller.
— Donc celui ou celle qui restera en haut devra avoir assez de drogue somnifère au cas où... Qui veut rester ici ?
— Je propose que ce soit moi
, intervint Simettra. Ils me connaissent alors ce sera bien plus facile si ils viennent à se réveiller.
— Hummm... Ça se tient, oui
, reconnut le Compagnon.
— Et que fera-t-on s'ils se réveillent et qu'on est toujours à l'intérieur ?
s'inquiéta Pinnoze.
— Je refermerai le passage derrière vous et me recoucherai, l'air de rien.
— Ça me va
, déclara le Sram avant de se tourner vers Aphrodiane.
— Hum... D'accord, répondit cette dernière. Passe devant Pinnoze. »

La rouquine ouvrit un peu plus la porte pour laisser entrer les deux Doigts, vérifiant au passage que tout était calme à l'extérieur aussi.

Hormis un rapace nocturne qui hululait non loin, rien de notable ne venait troubler le rapide coup d'oeil de l'archère.
Le courant d'air qui s'engouffrait par la porte entrouverte faisait voleter les mèches de cheveux des uns et des autres.

Simettra Adelpfi adressa un simple sourire au rapace, avant de se dépêcher de faire rentrer ses camarades afin d'éviter que le froid ne trouble le sommeil de ses hôtes.

***

Sans précaution particulièrement prise durant la fermeture de l'huis, celui-ci claqua violemment, sèchement rabattu par le courant d'air vicieux.

Les archères et le crocheteur se pétrifièrent, tournant leurs visages inquiets vers les endormis, avec le maigre espoir que leur sommeil était plus lourd qu'une caisse de gros boulets.

Si la dormeuse sciait du bois, ce n'était hélas plus le cas de son mari qui commençait à bredouiller dans un demi-sommeil :

« ...m... faute... rentr...é. »

L'homme gigotait, se léchait les lèvres, fronçait les sourcils et serrait les paupières.

Rapidement, le Six parcourut la pièce du regard, la connaissant déjà plus ou moins, afin de trouver un endroit qui pourrait servir de planque aux intrus. A part l'orifice béant, aucune cachette ne sauta au visage de la paniquée.
L'ancien dormeur grimaça, et commença à s'étirer.

Simettra écarquilla les yeux et, d'un mouvement appuyé de la tête, elle indiqua à ses complices de se faufiler sans tarder dans le trou. À peine les deux membres du Pique engouffrés dans le passage, la Crâ remit du mieux qu'elle le put le tatami qui en masquait l'ouverture en place.

C'est, à peu de choses près, ce moment que choisit le lourdaud pour s'asseoir difficilement.

Profitant du fait qu'il était encore embrumé par le sommeil, l'archère reprit le futon qu'elle avait replié, le déroulant aussi rapidement que possible et s'y étendit précipitamment.
Le somnolant bâilla et fixa, avec fort peu de conviction, la scène qui se déroulait sous ses yeux. Du moins, il l'aurait fait si la luminosité le lui avait permis. En l'état, il était quasi-aveugle et finit par se laisser retomber en arrière sur le futon marital.

Moins d'une minute plus tard, les ronflements reprirent, au grand supplice des tympans de l'archère.
Un supplice, mais également un soulagement. La fidèle de Crâ continua de défaire le futon, avant de s'y installer plus confortablement.
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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Empty Re: [Quête Majeure] Un plat qui se mange froid

Message par Le Valet Noir 03.07.20 23:26

Les deux intrus tombèrent plus qu'ils ne descendirent — en tentant de se faire aussi discrets que possible — dans la cavité précédemment décrite.

Le Sram s'appuya sur l'escabeau pour se relever tant bien que mal. Une fois debout, il chuchota :

« Tu as de la lumière ? »

Sa comparse s'assit fort peu dignement, et se mit à fouiller dans ses affaires.

« Laisse-moi chercher dans mon havre-sac... »

Elle y fouina quelque instant et en sortit une torche qu'elle alluma.

Tous deux se trouvaient sous terre, c'était évident. Correctement éclairés, ils se rendirent compte que l'excavation se poursuivait face à eux en un tunnel assez large pour laisser trois personnes de leur gabarit l'emprunter côte à côte.
La flamme de la torche oscillait vers l'arrière, malmenée par un filet d'air, mais ne montrait aucune signe de faiblesse.
Les deux agents du Pique se levèrent et se lancèrent dans l'exploration du conduit.
Le tunnel était frais, même humide. Çà et là, des plaques de mousse avaient colonisé les parois. Selon l'orientation et la disposition de l'ouvrage, les deux spéléologues estimèrent que le passage avait été creusé sous la paillote et passait sous sa façade de droite.

***

A la surface, le temps s'écoulait inexorablement et aucun bruit ne filtrait d'en-dessous du tatami factice.
Ayant confiance en ses camarades, l'archère se contenta d'attendre, surveillant les deux amants. L'un d'entre eux lâcha une flatulence aussi peu discrète qu'inattendue, mais ce fut bien là le seul évènement croustillant qui se produisit jusqu'à ce qu'elle obtienne des nouvelles de ses comparses du sous-sol.

***

L'avancée de nos deux taupes noctambules se poursuivit, sans rencontre majeure.
Un système d'étais permettait à l'ensemble du tunnel de ne pas s'effondrer et d'ensevelir ceux qui en empruntaient l'unique galerie rectiligne. Ici et là, l'ouvrage s'enfonçait ou remontait, selon la nature du terrain, mais jamais exagérément.
La promenade souterraine durait depuis une bonne dizaine de minutes, qui en avaient paru le double, tant la notion du temps échappait aux fouineurs. Ces derniers n'ayant pas pris la peine d'estimer la longueur de l'ouvrage, ils n'auraient su dire quelle distance ils avaient déjà parcourue.
Puis, d'un coup d'un seul, le courant d'air forcit. La flamme virevolta davantage.

« Visiblement, on se rapproche de la fin. »
fit remarquer l'archère aux aguets.

Effectivement, l'écho de leurs pas n'était plus le seul bruit notable qui venait troubler la progression des deux agents du Pique. La rumeur nocturne d'une faune champêtre se distinguait, au loin, et enflait au fur et à mesure qu'Aphrodiane et Pinnoze poursuivaient leur route.

« C'est... le bruit d'une forêt qu'on entend ?
— Cela se pourrait, oui. On va continuer un peu avec la torche, mais dès que l'on voit une lumière naturelle on l'éteint. »


Bien vite, les investigateurs distinguèrent le bout du tunnel. Obstrué par une toile de jute bariolée à la sauce camouflage dissimulée derrière deux cépées de noisetiers, il était invisible depuis l'extérieur, pour qui n'en connaissait pas l'emplacement, et avait été creusé dans la pente d'un monticule qui avait tout d'un tertre.

***

Enfin dehors ! L'air libre ! L'odeur d'humus ! Le bruit des insectes nocturnes, des oiseaux de nuit, de la vie ! La clarté des étoiles, amenuisée par le couvert forestier épars ! La lueur du quart de lune qui perce, blafard, à travers les frondaisons !
L'archère et le piégeur détaillèrent les environs : ils se trouvaient dans un petit bois, guère large — tout juste un timbre-poste collé entre les enveloppes vallonnées de trois champs amaknéens.

Aphrodiane observait attentivement l'environnement qui l'entourait, cherchant la paillote du regard, mais cette dernière demeurait invisible.

« Où sommes-nous ? lui demanda son acolyte.
— Va savoir... répondit-elle évasivement.
— Il faudrait rentrer, peut être qu'on est sur le territoire de ces chienchiens...
— On prend quand même la description de ce lieu
, objecta l'héritière de la maison De Fenteflèche. On pourra ensuite essayer de trouver où il se situe. »

Pinnoze détailla les alentours : en-dehors du petit bois, seuls les trois grands champs ondulaient sous la fine brise nocturne.
Le hululement d'une chouette, dans le lointain, venait troubler sporadiquement les observations des deux lascars.
Le Sram se creusait la mémoire afin de déterminer quelle forêt pouvait correspondre à celle où ils se trouvaient, mais sans succès.

« Reste devant l'entrée et ne bouge pas,
lui ordonna le Compagnon, je vais essayer quelque chose.
— D'accord. »
obtempéra le disciple du Grand Sournois qui alla se planter devant l'entrée.

Aphrodiane grimpa dans un résineux aux branches basses et prit de la hauteur pour déterminer comment étaient disposées les étendues cultivées et identifier leurs contours. Peut-être étaient-ils illustrés sur la carte qui leur avait été remise quelques jours plus tôt ?
Hélas, le document cartographique n'indiquait pas le cadastre : les champs n'y étaient pas délimités de manière précise.
L'agent du Pique abandonna et retourna vers Pinnoze.

« C'est bon, j'en ai marre de cet endroit, on retourne au tunnel.
— Tu as réussi à savoir où on est ?
s'enquit le Sram.
— Non, j'en ai aucune idée et je n'ai pas envie de le savoir. »

Pinnoze hocha la tête avant de laisser passer Aphrodiane en première dans le tunnel. L'archère ne l'attendit pas.
Alors qu'il s'apprêtait à se frayer un chemin à travers les noisetiers, un chuintement surprit le Sram. Perché, quelques pieds au-dessus de sa tête, un rapace nocturne le scrutait.
Le Sram se retourna, il regarda l'oiseau avant de lui souffler une série de petits « Pcht ! Pcht ! Pchhhht ! » destinés à le faire s'envoler. Pour toute réaction, l'emplumé inclina démesurément sa tête sur le côté sans donner l'impression de vouloir quitter son perchoir.
Après quelque dizaines de secondes, Pinnoze abandonna et retourna dans le tunnel.

***

A nouveau réunis dans le souterrain, les deux Doigts rallumèrent la torche. Aphrodiane confia cette dernière à l'Acolyte :

« A bientôt, je reste pour explorer les alentours. On se retrouve plus tard. »

Le Sram accepta ce revirement de bord sans montrer d'étonnement, saisit la source de lumière et retourna sur ses pas.
Comme à l'aller, le trajet se fit sans encombres.
Parvenu au puits d'accès après avoir marché sans se presser, Pinnoze grimpa sur l'escabeau et entreprit de gratter la paroi de bois qui le séparait des habitants de la pièce du dessus. Dans l'attente d'une réponse, il éteignit la torche.

L'obstacle se souleva quelques instants plus tard, déplacé par une silhouette qui tendit une main secourable au petit Sram. Ce dernier ne dédaigna pas l'aide proposée et refit surface à l'intérieur de la paillote.

***

Une éternité plus tard, alors que la camomille malmenait les résistances de Simettra, l'archère entendit gratter. Le bruit venait... Oui, il provenait d'en-dessous des tatamis et, plus précisément, de celui qui dissimulait l'entrée du passage secret.

La chancelante se releva et, un peu plus difficilement qu'auparavant — fichue fatigue ! —, elle souleva le tatami pour saisir la main du plus petit de ses complices.
Elle l'aida à se hisser, avant de lui désigner la porte de regarder dans le trou pour savoir si Aphrodiane suivait. Le Sram était seul.
Ne voyant pas la seconde fidèle de Crâ remonter, le Six referma le passage pour ne laisser, cette fois-ci, aucun courant d'air venir troubler la quiétude des lieux. Enfin, elle replia une ultime fois son futon et accompagna Pinnoze vers la porte. Là, elle déverrouilla l'huis avec autant de délicatesse que possible tous deux quittèrent la paillote.

Le Can-Brius et l'Adelpfi se trouvaient désormais entre les deux braseros éteints, tournant le dos à la porte d'entrée qu'ils avaient précautionneusement refermée derrière eux.
L'archère s'en éloigna pour aller retrouver son arme de tir laissée plus loin et discuter avec Pinnoze sans crainte d'être repérée.

Son carquois de nouveau sur son dos, elle se sentit tout de suite bien plus à l'aise. Une fois le Sram à ses côtés, elle lui demanda dans un chuchotis :

« Elle est où, l'autre ?
— Elle est de l'autre côté du tunnel
, lui expliqua son compère aux doigts lestes. Elle voulait y rester pour prendre plus d'informations et savoir où se trouvait ce lieu.
— Et alors, il y avait quoi ?
— Une forêt
, répondit laconiquement l'homme.
— Une... forêt ?
répéta une Simettra intriguée.
— Oui, mais je ne sais pas laquelle. »

L'archère le coupa dans ses réflexions.

« Attends, attends, comment ça une forêt ? T'as pas plus d'explications que juste « une forêt » ? Vous étiez en sous-sol, nan ? Alors comment vous êtes arrivés dans une forêt ?
— Il y avait un tunnel et on l'a emprunté pour finalement tomber sur une sortie dans une forêt.
— Et le tunnel était vide ? Rien du tout ?
s'impatientait la rousse.
— Juste un escabeau, confessa le Sram.
— Hmm...
apprécia l'autre. Donc Aphrodiane, elle, est toujours dans cette forêt ? C'est ça ?
— Normalement oui
, opina Pinnoze.
— Tu saurais la retrouver ?
— Oui
, sourit le petit voleur, il n'y a qu'un seul chemin dans le tunnel.
— Nan
, gémit sa camarade, je veux dire, sans prendre le tunnel. Depuis l'extérieur.
— Non.
Le crocheteur était embêté. Elle ressemblait à n'importe quelle forêt. »

Simettra contint difficilement son exaspération.

« Et autour de cette forêt ? Dis-moi que vous avez au moins essayé de voir ce qu'il y avait autour ou quelque chose du genre et pas que vous vous êtes contentés de « oh non, c'est une forêt qui ressemble à n'importe quelle forêt avec un accès direct dans le lieu supposé où vient Shin Tow selon le Cœur. Si on repartait sans même chercher à pouvoir avoir un point de repère qui pourrait — je ne sais pas moi, au hasard — nous permettre de retrouver l'autre bout du tunnel qui est plus que sans aucun doute utilisé pour les passages du bout de gras ou alors — vraiment au hasard, hein — nous permettre de rentrer dans la maison sans passer par la SEULE porte d'entrée et avoir l'avantage de l'effet de surprise ? »

L'archère reprit son souffle.

« J'espère vraiment que l'autre ne va pas faire la ioperie de revenir par le tunnel et bien explorer les alentours pour savoir où se situe cette putain d'entrée qui nous est offerte sur un plateau d'argent. »

Pinnoze réfléchissait.

« La seule chose que j'ai vue à part des arbres, c'était un hibou. Et, oui, ne t'en fais pas. C'est pour ça qu'elle est restée là-bas : pour prendre plus d'informations.
— Un hibou ?... »
hoqueta l'énervée.

Elle regarda son homologue avec une lueur de désespoir dans le regard, se demandant s'il estimait vraiment cette information utile.

« Bon... C'est pas grave... »

Elle se tut un instant pour réfléchir, avant de reprendre.

« Le tunnel, il est long ?
— On a un peu marché, mais je ne connais pas sa longueur.
— Hmm... Et c'est toujours tout droit ? Ou bien le tunnel a des virages ?
— Oui. Toujours tout droit. »


Nouveau silence. La jeune femme regardait en direction de la maison. Intérieurement, elle essayait de se souvenir du mieux qu'elle le pouvait de l'aménagement de l'unique pièce et, surtout, de la direction dans laquelle partait le tunnel.
En malmenant sa mémoire, la rouquine parvint à extorquer une bribe d'information à ses petites cellules grises.

« J'espère que tes jambes peuvent tenir. » asséna-t-elle sans pitié.

Sur ces mots, elle se releva et se dirigea vers la façade de droite de la paillote. Partant de là, elle commença à marcher tout droit, sans changer de direction, dans l'espoir de tomber sur cette fameuse forêt.

« Comment ça ? » lui cria le Sram.

La chasseresse était déjà en train de s'éloigner et ne répondit ni ne jeta un regard en arrière. Pinnoze, d'abord stupéfait, finit par suivre l'archère.

***

La paillote dans leur dos, coupant à travers champs dans une ligne droite approximative, la décocheuse de flèches et le crocheteur foulèrent la terre meuble et frôlèrent les épis dressés sur leur route, à travers les vallons et les collines cultivées.
Il leur fallut moins d'une dizaine de minutes pour arriver en vue d'une insignifiante zone forestière, et un quart d'heure en tout pour rejoindre le fameux boisement « timbre-poste ».

Sur le chemin, Simettra avait promené son regard autour d'elle, cherchant de potentiels repères qui pourraient lui servir à s'orienter ultérieurement, et à retrouver l'endroit. Une fois sur place, elle craqua ses doigts à la vue du petit bois, heureuse d'enfin retrouver un environnement qui lui était familier et dans lequel elle se sentirait à l'aise. Elle se tourna ensuite vers le jeune homme.

« Bien, a priori, c'est là-dedans que devrait se trouver l'entrée du tunnel. Tu te souviens de signes particuliers qui se trouvaient à proximité ?
— La seule chose qui sortait de l'ordinaire était le hibou
, confessa Pinnoze.
— Le hibou, hein ? Il y doit y en avoir pas mal dans cette forêt...
râla sa comparse.
— Mais tu as déjà vu un hibou avec une couleur de lait de bouftou ? » l'interrogea le Sram.

Simettra haussa un sourcil.

« Un hiboux couleur de lait ? Une chouette, oui, mais un hibou ? Ah, ça nan, jamais. Donc on est à la recherche d'un hibou blanc ? C'est déjà un bon début.
— Mais comment on appâte un hibou ? »
réfléchissait l'autre Doigt.

Le temps d'un instant, l'archère mit sa main dans sa poche et tripota un objet, avant de se reprendre et de passer à autre chose, laissant l'objet en question où il se trouvait. Elle se tourna en direction du Sram.

« Bonne question. On aurait de la bouffe pour volatiles, ç'aurait été parfait, mais j'ai rien de tel sur moi. Si t'as une idée, je suis toute ouïe, sinon... Sinon je pense qu'on va devoir ratisser la forêt jusqu'à peut être le trouver. Lui ou Aphrodiane. Si j'ai bien compris, elle est toujours ici. »


A deux, le Quatre et le Six se mirent à la recherche du Huit.

« Il vaudrait mieux qu'on se sépare, non ? Proposa Pinnoze.
— Hmm... Acquiesça l'autre. Attends ici. »

Simettra s'approcha d'un arbre de belle taille, y repéra quelques prises solides sur lesquelles elle pourrait s'appuyer, et se mit à prendre de la hauteur afin d'avoir une vue d'ensemble sur le petit bois. Son comparse, lui, resta sur le plancher des bouftous, s'inquiétant de la possibilité de la voir chuter.

Le couvert forestier ne permit pas à la grimpeuse de voir très loin dans le bois. Les troncs, les branches et les feuillages brouillaient sa vue.

« Evidemment... râla-t-elle. Mettons ça sur le compte de la fatigue... »

Elle désescalada quelque peu son perchoir, observant toujours au loin dans l'espoir de se dégoter un point de vue dégagé qui lui permettrait de repérer la De Fenteflèche ou le rapace. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Le bois, de ce qu'elle parvint à en apercevoir, avait poussé sur le relief de ce qui ressemblait à une vieille butte. Différentes essences, résineuses comme feuillues, s'étaient développées et avaient fini par former cette zone boisée d'une centaine de kamètres de long sur une vingtaine de large. C'est donc bredouille qu'elle rejoignit la terre ferme.

« On va faire comme t'as dit, déclara l'Adelpfi. Je m'occupe de la partie droite et toi de la gauche, ça te va ? On se rejoint ici dans... Disons dix minutes, un quart d'heure. »

Le petit Sram signifia son assentiment et partit dans la direction indiquée.

***

La rouquine ratissait donc la partie Est de la forêt, gardant en tête cette drôle d'histoire de hibou blanc, et l'information selon laquelle la troisième Pique était, selon les dires de leur camarade verticalement contrarié, restée sur place pour « prendre plus d'informations ». C'est donc en silence qu'elle déambulait entre les arbres, cherchant l'un, l'une, voire même un lieu pouvant potentiellement dissimuler l'entrée du tunnel.

De son côté, après être sortie faire sa reconnaissance du tertre, Aphrodiane s'était dissimulée en se camouflant le mieux possible dans des arbres. Elle en était arrivée à se maquiller le visage et à revêtir une cape sombre. Elle patientait donc, deux couteaux de lancer à lame noire dans les mains, et guettait l'arrivée d'une proie potentielle.
Le temps passait, et l'idée de quitter cet endroit lui était venue à l'esprit, mais celle-ci se dissipa lorsqu'elle aperçut Simettra visiblement en train de chercher quelque chose, au loin. L'embusquée demeura immobile et un sourire narquois se peignit sur son visage maculé lorsque le Six de Pique se dirigea vers elle sans se douter de ce qui l'attendait.

***

Le fils Can-Brius finit par retrouver, au cours de ses investigations de l'autre côté du bois, l'entrée masquée du tunnel. En revanche, il ne parvint à repérer ni l'oiseau rare ni sa collègue brune. Le Sram se demanda un instant si son alliée n'avait pas changé d'allégeance tant sa faculté à demeurer insaisissable lui rappelait celle des favoris du Grand Sournois.

***

L'Adelpfi, quant à elle, avait beau scruter les environs, elle ne parvenait ni à repérer son objectif ni à observer le rapace qui obnubilait son camarade.
Aphrodiane profita de l'inattention de sa collègue pour lui fondre dessus en sautant de son perchoir. Les deux femmes roulèrent au sol, faisant voler l'humus odorant, et le Huit prit le dessus en profitant de l'effet de surprise. Plaçant l'une de ses lames sous la gorge de son alliée dont elle avait tiré la tête en arrière, elle lui murmura à l'oreille d'un ton moquer :

« Tu t'es trompée de direction, ma chère... »

Satisfaite par sa démonstration de force, l'affreuse relâcha son étreinte et rangea ses couteaux. Simettra se massait le cou d'une main.

« Tu n'es pas assez sur tes gardes, lâcha l'assaillante avec jubilation. Ressaisis-toi ou tu ne feras pas long feu... Elle laissa une poignée de secondes à sa victime pour reprendre ses esprits. Suis-moi, je vais te conduire à l'entrée du passage. J'espère juste que Pinnoze n'y entrera pas sans lumière... Sinon on sera bonnes pour ne faire le voyage du retour plus qu'à deux. Allez, on y va ! Et dans la discrétion. »

Remise de ses émotions, Simettra se dit qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que de se laisser faire. La camomille avait été plus efficace qu'elle ne le pensait de prime abord, tant et si bien qu'elle l'avait empêchée de réagir malgré ses talents de défense plus que corrects.
Elle suivit donc la masse sombre de sa « camarade » en silence.

***

Les deux adoratrices de la Dame de Carreau rejoignirent la double cépée de noisetiers derrière laquelle Simettra découvrit une toile maquillée servant de camouflage à une cavité creusée dans le monticule forestier. Dissimulé de cette façon, il était impossible de tomber sur le passage secret par hasard. Pinnoze attendait les deux femmes à l'intérieur.

Il ne s'était pas éloigné de la sortie durant ses recherches. Après celles-ci, il était rentré dans le trou et, alors qu'i s'apprêtait à s'asseoir, il vit les deux femmes se rapprocher depuis l'extérieur.

« J'espère que tu n'es pas allé trop loin dans le tunnel sans lumière, Pinnoze... »

Le Sram paraissait indemne, ce qui répondait en partie à la question du Compagnon qui y avait découvert, durant ses investigations personnelles, trois pièges destinés à entraver la progression d'intrus désireux d'atteindre la paillote.

L'adoratrice de la Grande Chasseresse aux yeux d'émeraude soupira, soulagée d'enfin retrouver tout le monde.

« Bien, je pense qu'on aura rien de mieux ce soir, et je commence à avoir du mal à tenir debout personnellement. Je propose qu'on rentre faire notre rapport, si vous êtes bons de votre côté aussi.
— Ça me va
, accepta le jeune homme.
— Humm...
marmonna la troisième. Oui, il vaut mieux rentrer. On ne sait jamais... Si des personnes arrivent, on risque de faire échouer la mission.
— Bien
, acta Simettra. Dans ce cas, retournons à la planque. Au mieux, on croisera quelqu'un à qui faire notre rapport et, au pire, on l'écrira sur place. »

Sans vraiment attendre de confirmation de la part de ses pairs, la rouquine tourna les talons et se mit en direction du lieu dans lequel ils avaient reçu leur ordre de mission deux journées plus tôt.

***

Parvenue la première sur les lieux, Simettra Adelpfi — disciple de Crâ exténuée de son état — se munit du nécessaire d'écriture adéquat et entreprit la rédaction du compte-rendu de leur nuit passée à proximité de la paillote affiliée la Triade Opaline.

A son arrivée, l'émérite inspectrice des travaux finis Aphrodiane De Fenteflèche prit le message et le relut attentivement.

« Alors, c'est l'ouest pas l'est, et il y a des pièges dans le tunnel près de l'entrée que l'on peut voir seulement avec de la lumière. Ils sont dirigés vers l'extérieur donc ils protègent l'entrée des intrus, mais ne sont pas destinés à la personne qui veut sortir du tunnel. »

L'autre adepte de Crâ soupira ostensiblement. Sa comparse n'avait pas attentivement lu le papier, ne remarquant pas qu'il était indiqué que c'était à l'Est de la maison que se trouvait la sortie du tunnel, et non pas à l'Est tout court.

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid EY2RJb-rapport-paillote

« Pour moi, c'est bon. Je laisse Pinnoze le regarder. »

Attendant qu'on lui confirme cette nouvelle version, Simettra se saisit d'un autre bout de parchemin, sur lequel elle commença à dessiner.

Le discret et conciliant Pinnoze Can-Brius avait suivi ses collègues tout du long. A la demande du Compagnon, l'Acolyte s'attaqua à la lecture consciencieuse du document rédigé par son homologue. Au bout de plusieurs minutes studieuses, il leva la tête du compte-rendu et le tendit à son autrice.

« Je n'ai rien à ajouter, tu as pensé à tout.
— Bien, sourit la jeune femme à la chevelure caramel. Alors il ne nous reste plus qu'a le transmettre aux Têtes. Je vais passer au Lépreux et dire à Camille de le leur donner. »

Sur ces mots, la fervente chancelante de Crâ quitta la cachette avec leurs précieuses découvertes puis elle se dirigea vers la taverne précédemment évoquée où elle délivra le tout au spectre de service. Ses instructions ne souffrant d'aucune incompréhension, l'archère qui bâillait à s'en décrocher la mâchoire prit la direction de son domicile où elle s'accorda un repos bien mérité.

Dans les heures qui suivirent le dépôt de la missive, chacun des trois agents du Pique reçut la visite d'une arlequine de sa connaissance. Celle-ci leur expliqua à tous qu'elle avait remis leur document à qui de droit et se permit d'éclaircir certains points. Tous reçurent une franche accolade et joyeusement félicités. Le trio du Pique avait obtenu des résultats, il ne restait plus qu'à les exploiter...
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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Empty Re: [Quête Majeure] Un plat qui se mange froid

Message par Le Valet Noir 18.07.20 15:22

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid XOgWJb-diligence-Sazuya

Illustration : Sazuya


A leur départ d’Astrub, le ciel était encore bleu et seuls quelques bouftons blancs et épars s’y étiraient paresseusement. Une petite brise faisait voleter les cheveux indisciplinés et les plumeaux bravaches quand elle ne venait pas tout simplement caresser les joues.

Enfin, ça, c’était avant de gravir les trois échelons rouillés d’un marche-pied grinçant et de franchir la petite porte d’une cellule obscure qui n’avait, pour tout mobilier, que deux banquettes rembourrées et défraîchies qui se faisaient face.

Le compartiment capitonné était percé de trois ouvertures mineures. De part et d’autre s’ouvraient deux fenêtres ridicules qui auraient pu prétendre au titre de meurtrières et une grille de communication censée permettre l’envoi d’ordres aussi brefs que sonores à destination du maître du véhicule. Pour l’heure, ce dernier était inaudible. La faute revenait au clapet obstruant la fameuse grille.

La diligence s’était mise en branle, après que ses utilisatrices du jour y soient montées. Les animaux de trait avaient commencé à avaler les lieues comme ils l’auraient fait d’herbe grasse ou du fond de culotte de quelque aventurier bravache, et le martèlement de leurs sabots était rapidement venu s’ajouter au vacarme des boiseries et autres parties métalliques de l’édifice roulant.

Un Osamodas à la livrée bleutée et au chapeau à la plume reconnaissable entre mille avait accueilli les passagères lorsqu’elles s’étaient faufilées dans le compartiment. Kalirr et ses drôles de dames. Le Trèfle en route vers une destination inconnue. S’agissait-il d’une promenade destinée à renforcer la cohésion du petit groupe des argentiers ou bien d’autre chose ? Chacune se posa la question en son for intérieur, mais toutes patientèrent.

Après un quart d'heure de cette bruyante mais muette chevauchée, Astrub ne fut plus qu’un lointain souvenir et, si la promiscuité avait réuni des tempéraments d’habitude opposés, la petitesse et l’étroitesse de la cabine transformèrent cette dernière en un four. Les passagers commençaient à étouffer et l’unique tentative d’ouverture d’une des fenêtres latérales se solda par un avortement immédiat lorsqu’un nuage de poussière — la même qui était soulevée par les sabots des bêtes de trait — s‘engouffra dans l’habitacle.

Toussant à qui mieux-mieux, le Trèfle et ses pousses se résignèrent à leur triste sort et, après s’être dévisagés dans la pénombre, convinrent qu’il leur faudrait faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Les fronts s’emperlèrent et, à la suffocation, il fallut ajouter une semi-surdité. Tout en pestant contre l’état du réseau routier amaknéen, l’homme à l’origine d’un tel voyage finit par éclairer de sa lanterne celles qui voyageaient à ses côtés, jusqu’à présent, à l’aveugle.

« Il est en Amakna, Mesdames, une maison. Le Pique et le Cœur sont formels, la propriété est Opaline et nous savons, par certaines sources, qu'un gros bonnet de cette Triade y sera de passage prochainement. »

Le Valet, tirant un mouchoir brodé de sa poche, s’essuya le front sur lequel commençaient à s'accumuler quelques gouttes de sueur.

« En l'absence de nos ennemis, il semblerait que la bâtisse soit entretenue par un couple de concierges. Votre mission est des plus délicate et vous n'avez pas le droit à l'erreur. Voyez s'il nous est possible de faire de ces deux compères des alliés de choix, le prix m'importe peu si le résultat est là. Nous savons aussi qu'il existe un tunnel sous la bâtisse, pour entrer et sortir discrètement. Tâchez de vous renseigner un peu sur lui, nous comptons envoyer le Carreau reboucher tout cela à sa manière. Mais — et, là, écoutez-moi bien — jamais, pas un instant, même une seconde, la Triade ne devra suspecter que nous avons découvert cet endroit. »

Le dernier mot fut à peine prononcé que la voiture s'arrêta net. Les dames, revigorées par le vent chaud qui caressait leurs visages rougeauds de ses doigts intangibles, observèrent la diligence s'éloigner dans un nouveau nuage de poussière avant de reporter leur regard sur la petite paillote bâtie non loin et érigée avec le bon goût du sud pandalais.
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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Empty Re: [Quête Majeure] Un plat qui se mange froid

Message par Le Valet Noir 18.08.20 19:01

Fort heureusement pour son teint de porcelaine, la bijoutière s'était munie d'un petit tube de crème solaire. Deux pointes, une sur chaque joue en écoutant religieusement Kalirr tout en étalant la lotion sur ses jolies pommettes. Qu'est-ce qu'il faisait chaud aujourd'hui, et les longs trajets en charrette ça n'avait jamais été son truc. Mais l'heure n'était pas aux plaintes et Yenepha compte bien se rendre utile pour cette vengeance finement planifiée. Enfin, un peu d'action ! La vision de l'entrepôt en flammes était encore vivace dans son esprit.
 
Elle se tourne vers ses comparses d'emblème.
 
« Ce couple, sait-il à qui appartient la maison qu'ils tiennent ? Ne peut-on pas leur raconter qu'ils ont été embauchés par des trafiquants spécialisés dans la vente de gosses à des fins sexuelles et que s'ils ne souhaitent pas plonger avec les ordures qui tirent les ficelles, ils doivent coopérer et nous filer un coup de main ? Une fois n'est pas coutume, si une option sans paiement est possible, ce serait forcément sa préférée... Quitte à imaginer de sordides scénarios. Et voilà, ils sont à l'arrêt.
— Nous risquons d'attirer leur attention si nous faisons cela. S'ils sont ne serait-ce qu'un petit peu interrogés, ils avoueront directement. Et puis, ils sont peut-être fidèles aux Opalins. Je pense qu'il faut essayer de parler le moins possible des propriétaires pour qu'ils ne se doutent de rien, compléta Olgah. »
 
Petite moue déçue, elle avait déjà sélectionné un éventail de détails immondes capables de donner des haut-le-cœur au plus endurci des saligauds de Brâkmar. L'achat discret l'air de rien, à son sens, il n'y avait rien de moins sûr. Beaucoup moins sympathique que d'instiller la peur au préalable. Mais avec le temps, Yenepha avait appris à se fier aux idées de Olgah.
 
« D'accord, donc, agiter assez de kamas pour les faire changer de bord sans pour autant soulever une raison quelconque à tout ce tintouin. C'est le genre de coup douteux auquel je ne me fierais pas, surtout si comme tu le soulignes il y a une histoire de fidélité, mais après tout ... Si ça se trouve, c'est un couple disciples d'Énutrof et tout sera très simple. T'as une idée précise en tête ?
– Je pense qu'il faut déjà essayer de se renseigner sur eux d'abord. Trouver quelque chose que l'on a, qui les intéresse, et qui pourrait justifier plusieurs allers et venues. Ça peut être des kamas, mais aussi des services. S'ils ont des problèmes avec un voisin, on envoie le carreau s'en occuper. Il faut gagner leur confiance à tout prix ! Mais il faut que notre proposition ne paraisse pas suspecte pour ne pas attirer les soupçons. »
 
Yenepha acquiesce et quitte la diligence avant de proposer sa main à Olgah pour l'y aider, telle la femme galante qu'elle était.
 
« Madame Olgah, si vous êtes prête, allons-y »
 
Olgah tend sa main gantée, et descend en souriant à sa collègue
 
•   •   •
 
Le toit de la paillote était visible au-dessus du buisson derrière lequel les dames avaient été déposées. En quittant leur cachette feuillue, elles firent quelques pas sur la route et se retrouvèrent face à un jardin taillé dans le bon goût pandalais. Sur la gauche, un bassin. Une eau limpide – bien que stagnante – dans laquelle se baignaient quelques poissons, à l'ombre des nénuphars. Sur la droite, des petits arbres – dont les feuilles rassemblées formaient un cercle parfait – étaient actuellement taillés par un homme en salopette qui tournait le dos à la route. Entre la gauche et la droite, le centre était une fine allée de sable blanc qui conduisait à une porte – close – en bambou.
 
L'endroit, bien que celui-ci ravissait les mirettes de la bijoutière. Concentrée sur l'homme affairé à la taille des arbustes, elle désigna ce dernier d'un mouvement de la tête et demande à voix basse
 
« L'homme concierge ou jardinier en surplus ? Allons donc le féliciter pour son ouvrage appliqué. Tu n'aurais pas un vaste jardin en friche qui aurait besoin d'un peu de talent et d'huile de coude par hasard, toi ? »
 
Et la blonde se fendit d'un grand sourire façon commerciale motivée, prête à ouvrir la danse aux côtés de sa partenaire.
 
« C'est vrai que j'aurai bien besoin des conseils d'un tel expert ! Vraiment c'est du sacré travail ! »
 
Olgah se diriga vers l'homme, en faisant, tout comme sa voisine, son plus beau sourire
 
« Bonjour monsieur ! »
 
L'homme à le mine rougeaude se retourna vers les dames. Devant ces deux beautés citadines, habillées et parfumées, il en fit tomber sa cisaille. Passant ses pouces derrière les bretelles de sa salopette, il enchaîna : « B'jour, m'dames. Qu'puis-je pour vôs êtes agr'ab'e ?
– Votre jardin est vraiment ma-gni-fique ! J'en suis époustouflée !  Vous êtes comme un artiste !
– Juste waouh, monsieur. Êtes-vous seul homme ici à vous occuper de ce superbe espace ? Nous n'avons pas pu nous empêcher de faire une halte devant tel ouvrage »
 
La bijoutière rabat quelques mèches blondes derrière une oreille sans quitter des yeux le brave à salopette. Puis, la main en visière, Yenepha lâche un petit gémissement plaintif.
 
« Quelle chaleur, vous êtes bien plus tenace que nous, à travailler sous ce soleil impitoyable...
– Oh, c'est qu'deux – hic ! – trois z'a'bustes, compléta celui qui s'était retourné et avait, manifestement, abusé des quelques délices sacrés par la Grande-Ourse-Qui-Mousse.   C'vrai qu'ô fait cogne – hic ! »
 
Le malotru, pas même il ne propose un verre d'eau à une demoiselle en détresse. Puis elle réalisa bien vite qu'elles avaient affaire à un fichu ivrogne. La blonde avait très envie de reculer d'un pas devant l'assaut de son haleine alcoolisée. Travailler saoul, voilà qui n'était pas sérieux mais qui en revanche, pouvait se révéler être arrangeant. Vaillante, elle reste solidement campée sur ses positions, retenant parfois sa respiration afin de s'octroyer une petite pause.
 
«  Ah oui, oui, ça cogne ! Et vous êtes bien payé monsieur j'espère, pour tout ce savoir-faire ?
– Ah parce que ce n’est pas chez vous ? C’est bien dommage ! Vous prenez aussi soin de l’intérieur ?
– Boh, l'salaire est su'tout – hic ! – en natu'e. L'inté'ieu – hic ! –, c'ma, ma – hic ! –, ma femme. »
 
Stupeur et tremblements, venait-il de dire qu'il ne gagnait pas de kamas ? Mais quelle était cette sorcellerie ?! La bijoutière blêmit, si cette personne n'est pas soumise aux lois naturelles qui encadrent si bien leur monde, alors comment exercer pression sur lui ?!
 
« En... en nature ? Comment ça monsieur ... ? », bredouilla la joaillère.
 
Est-ce que le bougre parle de... Non, non tout de même pas. Si ? Rapidement, elle passe en revue les agents du cœur qui peut-être seraient prêts à faire grimper la mise sur ce terrain-ci. Par Crâ non, pas Kaleilah ! Il fallait vite trouver autre chose ! Avant de laisser la parole à l'ivrogne elle enchaîne
 
« Si j'avais un homme aussi passionné que vous à mon service, pour ma part, il serait payé en kamas sonnants et trébuchants. Une somme digne du travail fourni, non mais regardez-moi ces ... ! »
 
Elle se tourne et désigne d'un geste de la main la première plante ou branche qui lui apparaît. Pas de chance, elle n'a aucune idée de ce que c'est. Mais elle ne se laisse pas démonter pour autant et soupire de plus belle.
 
« Magnifique... »
 
Bonheur et prospérité ! Pas un kamas à dépenser pour ce bougre... Mais bon vu son état, il devait être payé en gnôle... Et donner du vinaigre à l'employé d'un Opalin, qui doit surement le stocker dans la maison, c'est vraiment une erreur de débutant. Olgah fait oui de la tête en gardant son sourire pour accompagner les dires de la bijoutière.
 
« Boh, c'est qu'ôn'a la piaule gratis, pis la bouffe, pis le... »
 
Avant qu'il n'ait pu achever sa phrase, la porte s'ouvrit avec fracas, laissant paraître une femme en tablier, un seau à la main.
 
« T'as pas encore terminé espèce d'arsouille ?! complimenta-t-elle avant de remarquer les deux Doigts. Ah, je vois ! On batifole avec de jolies dames. Je vais te passer le goût d'la finesse citadine, moi ! »
 
Elle lança le seau vers le jardinier qui ne lévita que par un coup du sort.
 
« Va donc me remplir ça ! »
 
S'exécutant, le malheureux – qui avait une sensation de déjà-vu – disparu sur le chemin, le seau à la main. La matrone restait sur le pas de la porte, bras croisés sur sa poitrine, détaillant les deux succubes qui envoûtaient son époux de leurs charmes.
 
Très vite, la bijoutière fait ses calculs. Un pauvre bougre qui picole pour oublier qu'il n'est pas heureux, et une mégère dominante qui mène à tous les coups la danse dans le couple. C'est elle qu'il faut se mettre dans la poche en priorité ! Sa réaction ne se fait pas attendre. Elle s'exclame assez fort en regardant Olgah.
 
« Ah les hommes, hein ! J'ai exactement le même modèle à la maison ! Je comprends mieux pourquoi toi tu préfères les femmes hein ! »
 
Danger écarté, elle se tourne ensuite vers la dame au tablier.
 
« Nos excuses madame ! Nous ne voulions en aucun cas distraire votre époux. C'est juste que, ce charme qui se dégage de ce jardin, nous étions curieuses de savoir pour combien il bossait ! C'est que, même en ville, on ne trouve pas d'arbustes aussi bien entretenus et nous nous demandions si la maison était aussi bien tenue ! »
 
Olgah acquiesce aux dires de sa voisine en souriant.
 
« Oui ! C'est plus simple avec les femmes haha !
– En effet, nous sommes vraiment impressionnées par le jardin ! Et une telle maison... Elle ne peut être que magnifique ! »
 
La fierté succéda à la jalousie. Voyant le danger écarté, la quarantenaire s'autorisa même un sourire.
 
« Merci. Oh, vous savez c'est comme tout du travail et surtout beaucoup de temps, souligna-t-elle. Mais je vous arrête, mon époux ne loue pas ses services, nous avons suffisamment à faire ici, entre le jardin et la maison.
– Il est certain, Madame, que ni vous ni votre mari n'avez besoin d'une charge de travail supplémentaire, loin de moi cette idée. Le travail de qualité c'est de l'investissement en temps et en énergie, il ne s'agirait pas de bâcler l'ouvrage ou de vous tuer à la tâche. »
 
Elle fronce un peu les sourcils et adopte la figure d'une femme consciencieuse. Elle s'approche un peu et baisse d'un ton, comme pour aborder un sujet un peu plus privé.
 
« Je trouve ça magnifique de pouvoir travailler en couple. Vous semblez être deux personnes qui méritaient d'être heureuses. Mais votre mari semblait si vague sur la question du salaire, que nous n'avons pas pu nous empêcher de nous en inquiéter. Mais je me rends bien compte que tout ceci ne me regarde pas et vous avez eu raison d'intervenir. »
 
Yenepha rit, faussement gênée, avant de reprendre sur un ton plus léger.
 
« Vous travaillez ici depuis longtemps ?
– Eh bien, voilà presque cinq années que nous sommes ici, oui. »
 
Disant cela, elle s'approchait de la petite clôture de bois et, donc, des deux commères qui lui tenait le crachoir.
 
« On ne vous a jamais vu par ici. Z'êtes nouvelles dans le coin ?
– Oui ! Nous nous occupons d'une gazette de décoration et de jardinage ! Et nous sommes en quête d'inspiration. »
 
Olgah s'approche un petit peu de la clôture et fait son plus grand sourire.
 
« Vous savez, votre jardin nous donne des idées, seriez-vous d'accord de nous laisser nous en inspirer pour nos prochains numéros ? Et... pourrions-nous visiter votre demeure ? Nous pourrions faire une interview !
– Ah vous... vous tenez un journal ? Eh bien, je... non désolé, je ne préfère pas qu'on parle de nous, répondit-elle, manifestement ennuyé par cette information nouvelle.
– Oh, c'est bien dommage, vous auriez fait un carton. Mais... Vous accepteriez au moins que nous nous en inspirions ? On ne vous nommera jamais ! Mais vos idées, elles doivent être partagées au monde ! C'est de l'art, du vrai !
– Je... nous, vraiment, je ne préfère pas mesdames. »
 
Sur ces mots, le mari revint et porta le seau à l'intérieur de la maison avant de retourner à sa cisaille pour s'occuper du dernier arbuste qui avait besoin d'un coup de lame.
 
La bijoutière pose sa main sur l'épaule de Olgah en riant.
 
« Chère amie, ce couple de travailleurs semble tenir à garder leur joli coin et leurs grandes idées dans la discrétion. Et nous respectons totalement ce choix de pudeur. Ne craignez rien, pas un mot pas une image sans votre accord écrit noir sur blanc. Nous sommes déjà ravies d'en avoir pris plein les mirettes. Peut-être changerez-vous d'avis un jour qui sait ! Ou peut-être même que vous aurez envie de vous mettre à l'écriture d'articles de décoration à nos côtés haha, lorsque l'entretien de cette maison sera devenu une mission qui ne vous motive plus assez, qui sait ? À l'occasion il faut que vous passiez nous rendre visite, ou ouvrira une bouteille, un bon petit dîner en toute simplicité pour vous remercier de votre temps, et peut-être vous pourrez nous donner votre avis sur la déco ! Oh euh... pardon, serait-il possible de vous demander un verre d'eau ? Je parle je parle et le soleil lui tape toujours... s'il vous plaît.
– Oh, euh... mais naturellement. Approchez, donc, répondit la femme avec hésitation, en regagnant l'intérieur de l'habitation. »
 
•   •   •
 
L'intérieur de la paillote était chichement aménagé. On y trouvait l'essentiel, dans un minimalisme presque étudié, et guère plus. Quelques ornements rappellent Pandala — des estampes, notamment, ainsi que des calligraphies expertes — et les invitées estimèrent la superficie d'un coup d'œil global à environ vingt tatamis. C'est une pièce unique qui constituait l'ensemble.
 
L'hôtesse s'approcha d'une petite bombonne. Quelques coups de piston et la voilà qui tire de l'eau dans trois verres. Autour d'une table basse, elle invita le Trèfle à prendre place sur de petits coussins, disposant les verres face à ses invitées surprises.
 
Yenepha s'installe et incline la tête.
 
« Nous vous remercions. »
 
L'assoiffée boit deux gorgées avant de jeter un œil aux alentours. Pour le coup, elle n'avait pas grand-chose à dire. Autant les arbustes elle pouvait faire mine de s'extasier, autant là... Puis elle fatiguait vite quand il s'agissait de complimenter à l'aveugle. La bijoutière jette un coup d'œil en coin au Compagnon de Trèfle. Une question lui brûlait les lèvres : Et maintenant ?
 
« Un peu plus et je me changeais en poussière je crois... ! »
 
Elle avait l'impression de broder sans savoir où aller. Se faire des alliés... Kaleilah elle aurait certainement su y faire.
 
« Vous n'avez l'air de manquer de rien, ici... ?
– C'est vrai que tout va pour le mieux. Et vous même, où habitez-vous donc ? Je serai bien curieuse de voir la décoration de deux spécialistes, enchaîna-t-elle pour maintenir la conversation.
– Pour ma part, je viens d'acquérir une petite maison de campagne tout au sud non loin des rivages mais je ne vous dis pas le mal que j'ai à faire avancer les travaux... La décoration, ce n’est pas pour tout de suite, surtout pas avec mon mari aux commandes de tout ce chantier... Et sinon, je suis de Bonta. »
 
La bijoutière reprend une gorgée, l'effort qu'elle devait fournir pour continuer à bavasser était de plus en plus pesant. Elle avait juste envie de se tirer. Finalement, elle aurait vraiment préféré son plan plutôt que de tailler le bout de gras à l'aveugle en attendant on ne sait quel signe des Douze.
 
Elle était à deux doigts de se lever en hurlant « MILICE, PAS UN GESTE, ON SAIT QUE VOUS VENDEZ DES GOSSES ! » Mais elle n'en fit rien... inspiration, expiration...
 
« Si vous voulez voir de plus près mes petits secrets en décoration, va falloir me soudoyer.
– Et sinon... waouh ! J'adore vos tatamis ! J'hésite à en mettre dans ma future petite maisonnette, c'est si... confortable sous les pieds. Ça vous dérange si je retire mes chaussures pour aller joyeusement gambader sur ces merveilles rembourrées ?
– J’ai une maisonnette à Madrestam pour ma part, je fais ce que je peux avec la décoration mais ce que j’aime par-dessus tout c’est vraiment observer celle des autres pour m’en inspirer, mais une fois que c’est moi qui suis aux commandes... je me retrouve sans trop d’idées ! Puisque ma chère amie veut tâter les tatamis, vous voulez bien me raconter l’histoire de la maison ? C’est quelque chose qui me passionne !
– Eh bien... oui, allez-y, autorisa la maîtresse de maison, un brin surprise par la demande du cinq de Trèfle. L'histoire de la maison ? Je serai bien incapable de vous détailler cela, madame. Nous ne sommes ici que depuis deux ans, à peine. »
 
La bijoutière retombe en enfance et se défait de ses talons hauts avec le sourire d'une gosse. Elle laisse sa partenaire tenir la conversation et part à l'assaut des tatamis. Jouant les expertes, elle les tâte, les observe de près, fait quelques pas, un petit saut, le tout en lâchant un commentaire de temps à autre – plus pour elle-même qu'autre chose mais ça reste audible.
 
« Ah oui c'est vraiment bien ça... C'est tout de même plus pratique que le tapis si je veux dissimuler l'accès à notre cave. Oh peut-être même que ça peut se clouer directement au plancher ? Ce serait fabuleux, il faut que j'en parle à mon mari. »
 
Dans le dos de leur hôte, Yenepha sautillait sur les tapis orientaux si confortable pour la voûte plantaire.
 
Ses petits commentaires amusaient la femme qui souriait franchement, un sourire qui ne se s'affaissa qu'une petite seconde à l'évocation d'une cave à dissimuler. Un petit affaissement qui n'échappa pas au regard du Compagnon assise en face.
 
La bijoutière piétina un peu plus longuement un des tatamis. Son pied gracile le trouvait plus dure et ferme que ses semblables, d'ordinaire si tendre pour les petons de la femme d'affaire.
 
« C'est vrai que c'est une cachette parfaite ! On peut facilement les soulever ces tatamis ? »
« On peut... oh, non ! Vous savez, c'est bien fixé tout ça. Notez que ça ne facilite pas l'entretien, hein.
– C'est bien dommage... On aurait cru pourtant, et puis, fixer de telles choses c'est tout de même triste, si on veut réarranger la salle, on est bloqués... Enfin bref, donc, vous vivez ici avec votre mari ! Vous êtes logés et nourris, vous avez eu une sacrée opportunité tout de même ! Vos employeurs sont bien sympathiques haha ! »
 
Olgah prit son verre à deux mains en montrant un sourire presque carnassier.
 
« Vous savez, nous rémunérons les personnes qui nous aident. De plusieurs façons même. Notre chef est assez riche et il pourrait s'adapter à vos envies en échanges de quelques idées, quelques réponses à nos questions ! Dans notre métier, il y a des opportunités à ne pas manquer, et je crois bien que nous sommes tombées sur une de celles-ci, et croyez-moi, malgré notre jeune âge, nous savons les repérer ! Alors je m'excuse d'insister encore, mais seriez-vous d'accord, en anonyme de nous répondre ? Vos patrons n'en sauront rien, c'est avec vous, qui vous prenez soin de cette demeure que je veux m'entretenir, pas avec la personne à qui il appartient. C'est vous et votre mari les artistes.
– Je... j'ai peur de ne pas très bien comprendre, s'inquièta-t-elle.
– On paye les personnes qui répondent à nos questions. Des kamas, des services, enfin ce que vous voulez. Nous nous adaptons à vous. Et cela, en anonyme bien sûr. Parlez-en à votre mari avant de refuser ! ajouta Olgah qui commençait un peu à s'impatienter
– Je... des questions sur... ma décoration ? Je ne pensais pas votre profession à ce point avare en information. Enfin si... »
 
La femme, devenue cramoisie, hurla de sa voix nasillarde :
 
« DENIIIIIIIIIIS ! »
 
L'autre rappliqua du jardin et eut un regard surpris pour la blonde qui gambadait pieds nus sur les tapis. Finalement, il s'approcha de sa compagne. Le duo regardait Olgah, l'une attendant les questions, l'autre ne sachant ce qui se passait là.
 
« Alors... Ce n'est pas très compliqué ! Vous me dites ce que vous voulez, et en échange, vous répondez à nos interrogations, sans poser de question. Donc, si vous êtes d'accord, nous procéderons toujours de la même manière. Avant la publication d'un numéro, nous vous prévenons grâce à un tofu. Ensuite, nous décidons d'une date pour notre rencontre, on vous pose nos questions, on vous paye, et voilà. Rien de plus ! Nos numéros sont souvent variés et c'est pour cela que nous pouvons vous solliciter plusieurs fois à des intervalles non fixes. Et si jamais vos demandes varient entre chaque rencontre, faites-le nous savoir par tofu, comme je vous l'ai dit auparavant, nous avons les moyens nécessaires. »
 
Olgah fit une pause pour laisser le temps au pauvre couple d'ingurgiter toutes ces informations. Après quelques secondes elle reprit en rigolant
 
« Enfin, je vous préviens tout de même, si vous venez à nous demander des sommes vraiment astronomiques, on risque de ne pas suivre. Haha. »
 
Il semblerait que Olgah aussi veuille accélérer les choses. Le Compagnon parle, parle et parle, à propos d'échanges de services alléchants et autres réjouissances certes louches, mais bien rémunérées. La bijoutière acquiesçait de temps en temps à l'arrière et tandis que son aînée continuait dans sa lancée, elle s'était aperçue que l'un des tatamis sous ses pieds ne manquait pas de se démarquer.
 
Profitant de la diversion, elle se penche et scrute la chose de plus près. Bien sûr, elle se doutait du pourquoi du comment, mais puisque Olgah improvisait un trafic d'informations sur le thème de la décoration, au moins, cela leur ferait une première question à poser.
 
Le tatami ressemblait en tout point à ses semblables mais, contrairement à ces derniers, il semblait solidement fixé sur une planche de bois. Tandis que Yenepha observait, Olgah ne trouva qu'une courte réponse à sa demande :
 
« Et... que souhaitez-vous savoir ?
– Votre tarif, qui pourrait, s’il nous convient, permettre le début d’une belle collaboration ! Nous avons déjà quelques questions à propos de votre maison et de votre jardin, bien sûr, mais souvent nous publions des articles spécifiques et c’est là que nous aimerions revenir vers vous dans le futur.
– Eh bien, je... je dirais que cela dépend de vos demandes. Nous... la femme jeta un œil à son mari qui affichait un regard méfiant, de ces regards agités des animaux perturbés par un bruit inhabituel alors qu'ils boivent au ruisseau. »
 
Elle reprit : « S'il ne s'agit là que de décoration et que vous nous garantissez l'anonymat alors... bon oui, en ce cas... peut-être que quelques cinq mille kamas seraient envisageables.
– Je vous garantie l’anonymat ! Nos demandes peuvent varier selon les articles je ne peux pas vous assurer que cela ne touchera qu’à la décoration ! Nous avons par exemple fait un article spécial sur les salles cachées des grands châteaux qui a d’ailleurs très bien fonctionné ! Donc partons sur 5 000 kamas, et si jamais après une interview, vous n’êtes pas satisfaits nous pourrons renégocier. En tout cas, vous êtes bien raisonnables !
– Bien, alors je... merci. »
 
La femme se leva et fit quelques pas pour rejoindre son époux.
 
« Alors nous attendrons de vos nouvelles.
– C’est moi qui vous remercie ! »
 
Olgah se lève à son tour avant de remarquer que l’acolyte était toujours affairée avec le tatami. Elle se dirigea alors vers un meuble au hasard pour s’extasier devant ce dernier en espérant détourner l’attention du couple et laisser du temps à Yenepha.
 
Sans grande gêne, la bijoutière s'était penchée sur le tatamis fixé pour tenter de soulever ce dernier, avec le plancher, profitant que son aînée était lancée dans la conversation. Olgah avait ramené l'attention du couple vers elle, mais pour combien de temps ?
 
De son côté, Yenepha soulevait, sans mal, le tatami. L'accès entrouvert, elle découvrit une béance creusée sous la maison et un petit escabeau de bois qui permettait de descendre. Les dires de Simettra se confirmaient. L'entrée était bien sous un tatami. Inutile de se faufiler pour explorer un tunnel qui avait déjà été exploré, autant aborder le sujet avec leurs nouveaux meilleurs amis.
 
« Oh ça alors ! C'est merveilleux ! Quelle ingéniosité ! Le tatami, la nouvelle tendance de la cachoterie ! Au revoir le tout pierre ou le tout bois, bonjour la trappe secrète chaleureuse et confortable.  Mais c'est profond en plus ! Est-ce un tunnel ? Incroyable, cela a dû demander un travail colossal. »
 
Elle relève sa tête qu'elle avait plongé dans le trou et regarde de ses yeux émerveillés le couple ainsi que Olgah.
 
« Vous pourriez nous parler de ce bel ouvrage contre rémunération ? Bien entendu tout ceci sera anonyme et exclusivement théorique, pas de faits ou de détails dans une quelconque parution. Mais cela pourrait clairement nous inspirer pour détourner ce bel ouvrage à notre manière et inclure l'idée dans un numéro tel celui des pièces secrètes des grands châteaux.
– Oh, euh. Eh bien, vous... savez ces vieilles maisons, surtout proche du château. Remplies de galeries et de passages. Enfin, il a été rebouché depuis Vhel et... euh...
– Et ô faut faire t'attention aux é... z'éboulements, compléta le mari. »
 
Ainsi donc, il y avait des risques d'écoulements. C'était assurément une bonne nouvelle. La blonde se relève, c'est qu'elle commençait à avoir mal aux genoux à crapahuter sur les tatamis de long en large. Retournant à la table elle s'adresse au compagnon
 
« Qu'en pensez-vous très chère ? Passionnant, non ?
– En effet ! C’est très intéressant mais ... vous ne m’aviez pas dit qu’il était fixé madame ? ajouta Olgah d’un ton presque déçu. Je comprends votre méfiance, c’est tout à fait normal mais bon... J’espère que cela n’adviendra plus lorsque nous travaillerons ensemble ! En tout cas, nous prendrons le temps qu’il faudra pour faire créer une relation de confiance, ne vous en faites pas !
– C'est la seule exception, mais à force on n'y pense plus vous savez. Mesdames, sans vouloir vous chasser, nous avons encore... des choses à faire aujourd'hui, ajouta-t-elle en cramponnant le bras de son époux.
– Oui, oui nous y allons. Merci pour votre hospitalité
– Et à bientôt, je l'espère...
 
La maîtresse de maison les raccompagna à la porte, leur souhaitant une bonne soirée, entre autres politesses.
 
La porte se referma avec rapidité, de même que le tour de clé qui ne se fit pas attendre. Les deux agents du Trèfle se retrouvèrent seules dans le jardin. Le soleil avait poursuivi sa course et la fin d'après-midi devait approcher à grand pas.
 
Chacune des dames repartit de son côté, conservant dans leur mémoire la conversation qu’elles avaient eu là.
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Message par Le Valet Noir 23.08.20 17:56

[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid OIiWJb-Pyrofolie
Hortaxe, dragodinde d’albâtre, commençait à montrer des signes de fatigue. Kalirr, son cavalier bleu-nuit, affichait, quant à lui, de fermes signes d’impatience. A leur suite venait le sabreur Basilio, monté sur une dragodinde de location dont les mycoses avaient aiguillé le choix du Bolet. Voilà plusieurs heures que les deux complices et leurs montures fouillaient la montagne haute des Craqueleurs sans succès. Ils avaient parcouru le sentier principal, passant du versant astrubéen à l'amaknéen, dans le sens de l’aller puis celui du retour, avant d’entamer l’ascension du mont Skora-Us.
 
Malgré tout ce chemin, ils n’avaient pu retrouver l’agent du Carreau qu'ils recherchaient. Pourtant, d’après Camille, Thomas Naubel-Terbha devait passer la journée avec l’ingénieux Typhon Tournedeau dans cette région du monde. C'était à n'y rien comprendre...
 
Alors qu’ils s’apprêtaient à rebrousser chemin, le long cri d’un homme terrifié attira leur attention vers les cieux bleutés. Les deux paires d’yeux ne voulurent pas croire ce qu’elles virent. Un homme s’élevait vers les nuées — avoisinant presque les hauts pics rocailleux — avant de retomber jusqu’au sol. Effaré, stupéfait, le duo se hâta en direction du lieu du prodige, guère éloigné, qui résonnait encore du choc sourd attestant de la rencontre entre cette bonne vieille roche montagnarde et l'enveloppe charnelle du volant éphémère.
 
Au bout d'un petit sentier, le sommet d’un monticule leur permit d'apercevoir, en contrebas, l’ingénieur et l’artificier discuter au-dessus du corps d’un gisant geignant. La disposition naturelle des lieux réverbérait les paroles des deux hommes dans leur direction.
 
« Il y a eu un souci avec le détonateur, sûrement.
– AAAAAHAAAAAH !!
– Mais non ! Ce doit être un souci avec le détonateur. 
– AAHAHAAAAAH !
– C’est ça, c’est ça.
– J’AI… J’AI… AAAAH!
– Il faudrait augmenter un peu sa puissance.
– Plus de puissance et il explosera avant de sauter. Il faudrait pouvoir accompagner la propulsion de… »
 
Le Valet de Trèfle s’était rapproché des deux scientifiques qui venaient de le remarquer, son âme damnée sur ses talons.
 
« J’espère qu’on ne vous paye pas pour ces idioties ?
– Bonjour, monsieur Dancrage.
– Oh, monsieur Dancrage ! Mais non, on ne fait pas de biopsie ! On travaille sur mon projet de propulse-chute. C’est comme un parachute mais… »
 
D’un signe de la main, le maître des kamas arrêta l’ingénieur. Son champignon de main tâtait du bout d'une de ses lamelles jumelles les restes du malheureux cobaye. Les gémissement de ce dernier allaient decrescendo, au grand soulagement des tympans de chacun.
 
« Allez donc panser ce malheureux, Typhon. Quant à vous, Thomas, venez par ici. »
 
Sur le ton de la confidence, le Carreau, à défaut d’un chef à sa Tête, prit ses ordres du Trèfle. Il se vit remettre une copie du manuscrit des agents du Pique, ainsi qu’une petite carte pour faciliter son accès au tunnel. Il n’avait reçu qu’une mission : piéger le passage pour qu’il s’effondre au moment opportun. Le Bolet l'assisterait dans cette tâche.
 
•   •   •
 
L'entreprise était ardue. Il fallait, pour l’artificier, garnir le sous-sol de bombes qui se devaient d’être discrètes, activables dans un temps futur mais à la date incertaine et, si possible, par le biais d'un déclenchement retardé ou à distance.
 
Thomas avait bien une idée, une lubie qui tournait à l’obsession... Il avait en mémoire ses lectures sur la prodigieuse compagnie des Gras Mouflets qui, durant les années 560, s'enorgueillissaient de faire partie des mercenaires roublards les plus prisés des royaumes en guerre. 
 
L’imposante bedaine de ces jeunes voyous, généreusement entretenue par les mets, gras et copieux, du sud amaknéen — et surtout de leur mère, Mama Hilté — ne les empêchaient pas de se déplacer dans les galeries creusées par l’ennemi. Là, ils y déposaient les charges explosives qu’ils actionnaient à distance, à l’aide d’un scarafeuille et d’une flammèche endormie.
 
Le Trois de Carreau avait pu rencontrer un des derniers représentants de la troupe, il y avait une dizaine d’années, et entendait bien reproduire les exploits de ses pairs. Aussi se livra-t-il à une semaine d’intense lecture, de recherches et de notes griffonnées à la hâte.
 
•   •   •
 
La bête lui faisait face. Sale, hideuse, d’une odeur méphitique qui rappelait les excréments qui jonchaient la plaine. Elle ne faisait que la moitié de sa propre taille, mais elle n’en était pas moins une menace.
 
Un coup de patte, un battement d’aile, et voilà que la créature décolla. Elle filait à vive allure, tête en avant. Le choc semblait inévitable, les dommages certains. Notre héros roula sur le côté et, in extremis, décocha un trait enflammé vers le monstre qui tomba lourdement au sol, carbonisé. Ainsi s’acheva le combat entre une flammèche et une moumouche. 
 
Pendant ce temps, à quelques pas, un Doigt malintentionné dégommait des scarafeuilles fuyards à coup de tromblon tandis qu'un autre Doigt couvrait ses arrières, taillant en pièces les créatures revanchardes. Tous deux fouillaient, de temps à autre, les viscères de leurs victimes et en extirpaient de petits organes ronds. 
 
Notre flammèche remarqua le tireur au moment même où le regard de celui-ci se posa sur elle. Il s’avançait à présent. Voilà un adversaire qui s'annonçait bien plus coriace que le précédent. Alors qu’elle s’apprêtait à fuir, un petit pot de verre emprisonna la créature ignée et il lui vint — elle ne sut trop pourquoi — la soudaine envie de dormir. Elle céda à l’appel de la fatigue et sombra dans les limbes d'un sommeil sans rêves.
 
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[Quête Majeure] Un plat qui se mange froid Flammz12

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Cent pas. C’était la distance qui séparait Thomas d’une étrange installation. Au milieu d’un champ, trois caisses étaient reliées par de fines mèches à un petit pot de verre. À côté de l'artificier, bien loin du flacon, une cage renfermait un scarafeuille à la carapace rouge. Basilio se tenait à proximité de l'animal, sabres au clair.
 
Lorsqu’il s'assura que tout était en place, l’agent du Carreau fit un signe de l'index au Bolet et celui-ci se mit à piquer l’animal, de plus en plus fort et de plus en plus rapidement. D'aucuns auraient dit qu'il prenait plaisir à accomplir cette sinistre besogne. La bête ne pouvant se défendre, engoncée derrière ses barreaux, elle ne put que lâcher un long cri de détresse. 
 
De son côté, dans sa fiole, la flammèche vacilla et s’éveilla en sursaut puis, comme guidée par son instinct, laissa s'exprimer ce que sa rage avait de plus brûlant. Elle explosa et emporta, avec elle, les trois caisses de poudre.
 
Satisfait du résultat, Thomas indiqua au tortionnaire qu'il pouvait suspendre son geste et c'est de sa propre rapière qu'il abrégea les souffrances de la pauvre créature chitineuse.
 
•   •   •
 
Le Trois de Carreau boiteux admirait le résultat de son travail. Les caisses d’explosifs avaient été soigneusement dissimulées derrière la paroi de terre que son homologue chapeauté avait excavée et rebouchée. Seul défaut à son système, le petit pot de verre contenant la flammèche demeurait partiellement visible pour qui s'aventurait dans le tunnel sans lumière, mais l'artificier ne souhaitait pas l’enfoncer davantage dans le sol meuble.
 
Cette journée de labeur les avait exténués, lui et son camarade, et ils ne désiraient plus qu’une seule chose : rentrer. Ils rassemblèrent le reste du matériel de l'adepte de la poudre et retournèrent jusque sous la paillote chercher leur premier complice qui faisait le guet. Ensemble, ils sortirent du tunnel, évitant soigneusement les trois pièges dissimulés à l’entrée, retrouvèrent le second planton et quittèrent les lieux.
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