[Récit photo] Les rêves de Kalirr

Qu'y a-t-il sous le chapeau ? Que se passe-t-il lorsqu'il ne contrôle plus son esprit ? Ses nuits sont courtes mais remplies de rêves, de cauchemars et d'envies. Nous découvrirons, ici, les escapades de Kalirr à travers quelques images soigneusement extirpées de sa psyché. 

Lorsque Kalirr atteignit les hautes sphères du Trèfle, ses nuits furent emplies de rêves de pouvoir et de conquêtes. Espérons, pour ses complices, que ça ne reste qu'un rêve.

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Le lit avait deux grands rebords en bois sculptés qui s’élevaient de part et d’autre du matelas de plume si bien qu’on eut cru le disciple du Dieu des bêtes embarqué sur une petite chaloupe. Il s’était vêtu d’un pyjama bleu ciel, tête découverte et gobelet à la main. Il versa le contenu d’un sachet de poudre dans l’eau qu’il avala cul-sec.

Il bâilla longuement avant de s’endormir presque aussitôt. Le rêve était bleu et or. Bleu pour l’humeur et pour la mer profonde, calme d’ordinaire mais qui sait engloutir, d’une tempête imprévue, le marin qu’il l’aurait trop défiée. L’or pour l’envie et pour la richesse qui, comme la marée, s’en-va et revient. Dans son rêve, il se tient sur la vague. Pas en-dessous, pas à côté mais bien dessus. Il flotte sur l’or chaud et noie à sa guise les baigneurs qu’il observe le jour.

Le rêve se trouble et se fane laissant le Valet de Trèfle dans un songe obscure. Des mots courent sur sa cochlée, frappent sur ses tympans comme un marteau sur une enclume. Le visage, la figure d’ébonite apparaît mais le voilà sans orbite, sans paupière, sans ses yeux d’améthyste. Kalirr, dans un hurlement, sort de ce cauchemar. Le visage est toujours là.

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Il fallait faire taire ces voix, les faire taire pour de bon et sans que cela ne se sache. Si d’autres Doigts, si la Table des Compagnons apprenait cela, s’en était fini de sa position de Valet de Trèfle. On aurait remis son jugement en cause, peut-être l'aurait-on enfermé ou pire.

C’est anonymement qu’il se faufila parmi les causes perdues et les futurs miraculés du temple d’Éniripsa d’Amakna. On orienta ce jeune homme aux troubles psychiques vers un apprenti qui l'attendait dans les archives. Il l’interrogea, le pressa de question. Il fit la lecture, tantôt à voix haute, tantôt dans un murmure à peine audible.

Et, enfin, il trouva ! Les yeux, c’étaient les yeux. Il sortit un ouvrage et lut sur le ton pédant que prennent parfois ceux qui savent pour souligner leur importance. C’est la page des yeux violets qui attira son attention, car les yeux de la jeune Peurpeule étaient de ce teint-là.

Une fois la lecture achevée, Kalirr se sentit partir. Il tomba à genou réclamant de l’eau. Le pauvre apprenti parti en courant chercher ses remèdes, laissant le temps au larron de déchirer la page digne d’intérêt et de la dissimuler dans sa poche. Il laissa cinq mille kamas en offrande et partit sans demander son reste.

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À la bibliothèque d’Amakna, il avait trouvé un hibou. Un savant qui, disait-on, était versé dans les langues oubliées. Il le trouva sans mal et contre un bel anneau d’or lui fit traduire les textes qu’il voyait dans ses songes. L’emplumé s’en fit une joie d’autant plus grande qu’il n’avait pas vu de draconique depuis des années.

Kalirr repartit donc avec les textes, ceux de ses rêves et ceux du temple de la déesse Éniripsa. Il ne lui en fallait pas plus pour conclure et pour agir. Il se rendit sur les plages astrubéennes, sous l’immense coque de bateau qui, parfois, sert d’abris aux amours interdits. Et au milieu des cœurs et des promesses gravées sur le bois, il s’aida de sa dague pour inscrire un message.