[Intrigue] Chasse au hibou

Au début, j’enquêtais sur une affaire de contrebande. Je dois dire que j’avais été un brin vexée en voyant que la milice de Bonta faisait appel à mes services pourtant renommés pour une simple histoire de vente de poisons dans la cité Blanche ; et je pensais que le suspect serait facile à coincer.
Mais mes investigations m’ont prouvé le contraire. Il y a bien plus qu’un peu de contrebande dans cette histoire ; l’individu sur qui je devais investiguer en cachait plus qu’il ne voulait bien le faire croire.
Un scientifique ayant étudié à l’université d’Amakna et défenseur engagé d’une bande de sauvages des îles, c’était le visage qu’il abordait. Aucun casier judiciaire ni rappel à la loi, un philanthrope humaniste et excentrique qui ne ferait pas de mal à une moumouche.
Pourtant, le professeur Eumeï fréquente Brâkmar et la cité des Voleurs, où il fait des livraisons durant ses présumées « études ». Et un Zobal correspondant à son signalement aurait été aperçu à plusieurs endroits avant un vol ou un meurtre, dont le plus récent dans la guilde des Cartomanciens de Sufokia. Ces recherches m’avaient pris un bon mois, mais j’étais alors sûre qu’il avait autant de visages que de masques.
Et une Huppermage en noir et blanc est venue, réduisant mon travail en poussière tout en me conseillant de ne pas poursuivre mon enquête.
J’ai perdu la majorité des informations collectées sur lui, mais obtenu un renseignement capital : le type a envoyé une personne pour me menacer. Ou il s’agit d’une mercenaire grassement payée, ou les deux travaillent ensemble.
Je tiens là l’espoir fou de pouvoir poursuivre l’enquête ; si cet Adellan bien travaille pour le compte d’une organisation, il est de mon devoir de reprendre mes recherches et la faire tomber, qu’importent les avertissements. A commencer par aller voir du côté d’Astrub ; peut-être que la taverne morbide qu’affectionne tant le Zobal est aussi fréquentée par cette Huppermage.



Bonta s’impatiente : ils demandent pourquoi une simple affaire de contrebande dure depuis un mois. Mais je veux être sûre d’avoir tous les rouages en main avant de leur présenter le dossier.
Je suis allée dans cette taverne, le Lépreux Chauve, tout à l’heure, dans le but d'y croiser cette bretteuse et d'établir un lien entre mes deux antagonistes.
Mes collègues disent toujours que j’ai tendance à voir des indices partout. Pourtant, la cliente hier m’a parue plus que louche sans que ça provienne d’une de mes lubies ; ou c’était une habituée et elle mentait en disant qu’elle ne les avait pas vus, ou elle était nouvelle cliente et mentait en prétendant venir depuis longtemps. Cependant, je ne m’attendais pas à voir la dame en noir entrer dans l’établissement ; j’ai avalé aussitôt une potion de Bonta. J’ai fait une erreur en fuyant de la sorte, que je dois m’empresser de corriger. Le lieu, les clients, le serveur, tout me semble suspect dans cette taverne.

La commandante Bontarienne reçut rapidement le billet. Elle écrivit prestement une réponse, se saisissant d'une plume, d'un parchemin et d'encre :

"J'ai pu me procurer ce qu'il fallait. En toute discrétion.

Dès que nous aurons finis de l'étudier nous ferons ce qu'il faut.

La chose sera sans doute lancée demain.

En vous remerciant pour votre mot.

M2 "

Après sa discussion avec Meredydd la veille, le Zobal qui avait obtenu son adresse remit le carnet portant l'écriture de Chloé au faussaire. La plan que les deux Doigts avaient préparé consisterait à faire circuler une lettre codée mais facilement déchiffrable, où la détective parlerait de son premier mari, le docteur Lenoir, en disant avoir découvert qu'il l'a trompait et qu'elle projetait de l'assassiner.
En effet, l'homme décédé il y a une dizaine d'années avait été retrouvé mort dans son manoir en compagnie de sa maîtresse sans que l'affaire ait fait suite. L'alibi parfait.

Voilà maintenant une journée que la presse d'excitait sur une fausse mais non moins réaliste lettre à propos de Chloé Do, détective coqueluche de la haute Bontarienne. Le Coeur Shanigami avait bien fait son travail.
Mais la Xélor savait pertinemment qui était responsable de ce coup monté ; et alors qu'elle enchaînait les débats avec la presse, Adellan reçut un message.

"Félicitations pour votre lettre. Je vous propose de trouver un arrangement dès que possible, à la taverne Atolmond de Brâkmar. Prévenez vos acolytes."

Ce que le Zobal fera.