Commandant Meredydd Éranée

Le destin. Voilà une chose en laquelle la terre à terre commandante de Bonta ne croyait plus depuis longtemps. Désabusée, trainée dans la boue, épuisée par un monde bien trop sombre, elle avait fait le choix de rester debout. Même s'il n'y avait pas de destin, et seulement les erreurs des Hommes, elle avait fait le choix de protéger sa cité. Des menaces extérieurs. Et d'elle même.

Ayant tout perdu, elle estimait ne plus rien avoir à perdre. Pas même la vie. Au fond de son cœur, elle savait. Elle voulait rejoindre les siens qui l'attendaient depuis longtemps déjà. Mais elle avait une dernière tâche à accomplir, auparavant. Et c'est en cherchant à se venger de monstres, qu'elle en découvrit un autre. Elle qui ne croyait ni au bien ni au mal, elle ne savait plus qu'en penser. Erreur des hommes ? Ou erreur de la nature ?

Elle était terrifiée par cette chose. Et craignait plus encore que l'on découvre ses nombreux doutes et ses craintes, alors qu'elle portait cette armure de noirceur autour de son cœur pour se protéger. Mue par la peur, elle fit des choses terribles, pour rester en vie assez longtemps pour la combattre. Et peut être la vaincre.

Mais la commandante comprit trop tard qu'elle affrontait un mal bien trop fort pour elle. Se sentant toujours aussi seule, avec trop peu d'alliés et ne faisant confiance à personne, elle prit des risques inconsidérés, jouant avec un feu bien trop brulant.

Une dernière chance lui fut offerte. Et elle fit le choix de ne pas la saisir, épuisée qu'elle était par les ténèbres qui l'entouraient. Ce fut un risque de trop. Son ennemi avait un coup d'avance.

Prévenue de son échec à peine quelques instants avant que l'on ne frappe à sa porte, son esprit calculateur ne put rien préparer. Et c'est ainsi, peur au ventre, qu'elle affronta son ennemi.

Elle savait qu'elle n'était guère douée, arme en main. Et elle découvrit à son grand dam, que l'ennemi avait bien trop de ressources pour elle. Blessée, elle sentie le poison commencer à s'insinuer en elle, et n'eut que le temps de proférer quelques dernières paroles courageuses, avant de tomber.

Ses yeux se voilant, elle ne vit pas son adversaire s'approcher d'elle, une pierre dans la main. La même pierre qui l'avait lancée à l'origine, sur ce destin funeste. La même pierre pour laquelle elle avait vendue son âme. Et alors que son ennemi s'apprêtait à la frapper avec cette roche, son esprit était ailleurs.

Elle se demanda d'abord si elle en avait fait assez. Si ce serait assez pour permettre aux prochains d'affronter cette chose. Ses informations transmises mais pas à tous, son plan encore en marche, elle n'était qu'un engrenage dans une machine déjà bien huilée. Sans jamais savoir si la chose fonctionnerait, éventuellement. C'était là l'erreur majeure de la commandante depuis le début. Beaucoup de théories. Mais où étaient les faits ? Elle s'était cru plus forte qu'elle ne l'était. Et ce fut sa chute.

Alors que la pierre s'approchait de son crane, elle revit alors les siens. La cité était blanche. Entourée d'un fin halo de brume, comme si tout n'était qu'un rêve. Se tenant sur le pas de la porte, elle les vit.  Son père. Sa mère, qu'elle n'avait que trop peu connue. Son époux, perdu depuis peu. Et sa fille, morte depuis trop longtemps. Elle leur sourit. Pas d'un des sourires hypocrites qu'elle abordait depuis trop longtemps. Un vrai sourire sincère. Une larme coula de sa joue, alors que son enfant vint l'enlacer, de même que son époux. Cette fois-ci, elle ne traversa pas un écran de fumée. Ils étaient là. Plus réels que jamais. Alors Meredydd les enlaça en retour. Et son époux lui parla, de sa même voix réconfortante :

"Tu es chez toi."

Elle était heureuse. Enfin. Dans la mort, elle trouvait enfin la délivrance.

La pierre vint alors se fracasser contre le crane de la femme. On n'avait entendu qu'un cri, une femme hurlant à la garde, la porte de sa demeure ouverte. Les passants parlèrent d'un vieil homme en belle tenue partant quelques minutes avant le drame, et d'un Pandawa en armure souple quittant précipitamment les lieux juste après le cri. Le commandant Meredydd Éranée s'était éteint à l'âge de 41 ans, assassinée.