Souvenirs Enfouis

Je n'ai jamais vraiment été seule, d'aussi loin que je me souvienne elle a toujours été là. Dans l'ombre, cherchant sans cesse un moyens de me nuire, à moi, aux autres.
Mais ce ne fut pas toujours le cas.


J'étais encore jeune, à cette époque-là je vivais toujours sur l'île d'Otomaï. Nous nous entendions comme deux sœurs, pouvant compter l'une sur l'autre quoi qu'il arrive. Nous avions chacune des aptitudes différentes mais complémentaires. Moi, c’était la chasse, je ne manquais jamais ma cible. Elle en revanche maîtrisait l'art du langage, et obtenait presque tout ce qu'elle désirait seulement en discutant avec quelqu'un.

Je l'admirais énormément...

Nous recevions chacune un entraînement spécifique afin de développer nos compétences, chacune notre tour nous progressions dans notre domaine de prédilection, moi chassant du gibier de plus en plus gros, elle faisant de même, mais de manière totalement différentes. Et nous rentrions tous les soirs, heureux de voir le sourire satisfait de celui qui prenait soin de nous.
En somme, nous vivions une enfance dont nous ne pouvions nous plaindre.

Je me souviens encore de notre chambre, étrangement il y avait deux lits dans celle-ci. Je me souviens que l'Homme tenait à ce que nous ayons chacune notre espace, tout en étant ensemble. Il avait donc aménagé une pièce de sorte à ce que celles-ci puissent contenir nos deux chambres. La mienne était très sobre, des couleurs sombres ornaient les murs et seul mon arc prônait fièrement au-dessus de mon lit. Son côté à elle était beaucoup plus coloré, des tas de babioles de toutes sortes étaient dispersés sur ses meubles, le tout dans chaos étrangement ordonné. A vrai dire, nos côtés représentaient assez bien nos personnalités. Elle était toujours très joviale, un sourire aux lèvres et son rire retentissant dans toute la demeure. Chaque fois que quelqu'un parlait avec elle, il souriait. C'était systématique. Je suppose que c'est cette aura qui émanait d'elle qui lui apportait ce don de persuasion. Elle savait comment apporter la joie autour d'elle. Tout le contraire de moi.
Elle était aussi étrangement très naïve, prête à croire n'importe quelles histoires qu'elle entendait et à vouloir monter une grande expédition pour retrouver un énième trésor perdu. Là encore, elle était mon opposé parfait.

Mais il a fallu qu'elle le rencontre. Il lui dit qu'il était ici à la recherche d'un trésor disparu il y a quelques années, et dont la valeur nous était inconcevable. Évidemment elle crut cette histoire et voulut en savoir plus. Il lui expliqua que ce trésor avait appartenu à une grande famille de nobles d'Amakna, mais que suite à un terrible accident, la famille fut contrainte de se débarrasser de leurs biens, et que le plus précieux de tout leur trésor aurait totalement disparu de la surface de la terre suite à cela. Mais un informateur lui aurait appris qu'une rumeur veut que ce trésor disparu se trouve sur cette île, et que celui qui le retrouverait serait en mesure de faire regagner leur gloire d'antan à cette famille et devenir riche, ou bien de rayer leur existence du monde des Douze, et ce à tout jamais. Il révéla enfin que ce mystérieux trésor était, si on en croit les rumeurs, un petit carnet écarlate, mais dont le contenu restait encore à ce jour un grand mystère.
Elle resta ébahie face à une telle histoire, et se mit une mission en tête. Retrouver ce mystérieux carnet afin d'enfin devenir une véritable chasseuse de trésors.

Alors elle commença à négliger peu à peu son entraînement afin de se concentrer sur la recherche du carnet. Il lui fallut pas moins de 7 ans, mais elle y arriva. Elle retrouva le carnet perdu. Mais quelque chose avait commencé à changer chez elle, au fur et à mesure que ses recherches avaient avancé, elle souriait de moins en moins, ne rigolais presque plus et avait fini par totalement délaisser son entraînement.
Je sais aujourd'hui encore que si je l'avais empêché de poursuivre ses recherches, elle serait toujours la même. Alors c'est vrai que c'est assez ironique, mais dans un sens, c'est moi qui ai fait d'elle ce qu'elle est devenue, et je ne pense pas pouvoir me le pardonner. Mais le jour où elle a vraiment basculé et arrivé un peu plus tard.

Ce jour-là, elle c'était décidé à reprendre son entraînement, suite à des longues discussions persuasives avec l'Homme. Elle arriva donc dans la salle prévue à cet effet, et il lui dit que la leçon d'aujourd'hui portés sur la patience et comment la gérer. Il lui donna donc comme consigne de s'enfermer dans un placard de l'étage et de patienter quatre heures. Elle s’exécuta sans poser de questions. Et elle patienta. Les trois premières heures passèrent sans qu'elle s'en rende compte, mais la dernière lui parut durée une éternité, si bien que quand celle-ci arriva à son terme, elle s'empressa de rejoindre l'Homme, impatiente de retrouver son sourire satisfait en récompense. Mais elle ne trouva rien de ce qu'elle attendait. Alors qu'elle entra dans la pièce elle vit l'Homme, allongé au sol et baignant dans son sang. J'ai ressenti en cet instant précis le mélange de tristesse, de haine et de regret qui l'assaillis. Sur le bras de notre mentor se trouver un message, gravé à même sa peau laissant son sang s'écouler doucement.
Celui-ci disait simplement :

« Remettez-nous le carnet »

Elle se rémora alors tout les moments qu'elle avait passés à chercher ce maudit carnet, et qu'elle n'avait pas pu passer avec l'Homme à cause de son égoïsme et son désir autosatisfaction. Et c'est à ce moment-là qu'elle bascula, ce fut le choc de trop. Elle se laissa sombrer dans une folie meurtrière, m'enfermant de sorte que je ne puisse pas la stopper. Elle quitta Otomaï et se mit à tuer et torturer de simples paysans. C'est là qu'à mon tour je compris que je venais de la perdre lorsque je ressentis le plaisir qu'elle prenait à lentement arracher la vie à ces personnes.

Elle garda le contrôle prêt de six mois, six mois de meurtre et de torture incessante. Mais elle finit par relâcher sa garde. Je pus alors reprendre le contrôle et, à mon tour, l'enfermer au plus profond de mon être. Je changeai d'apparence afin qu'on ne puisse pas la... me retrouver.
Plus d'un an et demi est passé avant qu'elle ne refasse surface. J'avais réussi à me refaire doucement une petite vie, trouvant une sorte de job. Mais une connaissance à moi est réapparu, et est morte sous mes yeux.
Elle a profité de ce moment de faiblesse pour reprendre la place. Elle n'est restée qu'une quinzaine jours à la surface, durée pendant laquelle elle se remit à tuer et torturer. Au total, elle s'en est prise à vingt-sept personnes durant cette période. Aucune n'a survécu. J'ai eu la chance de pouvoir reprendre le contrôle avant qu'elle ne puisse se mettre à tuer les personnes de mon entourage.

J'ai enfin trouvé un endroit où je me sens chez moi. Et je ne veux pas le perdre. Il paraît que vous êtes un des esprits les plus brillants de notre ère. C'est pour ça que je suis à Saharach, c'est pour ça que je vous cherche depuis maintenant plus d'un mois.




Je veux que vous tuiez Edain.