[Quête majeure] Affaire brûlante à Brâkmar – Épilogue

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Message par Le Valet Noir 19.09.19 11:27

Après leurs voyages à Brâkmar, pour les uns dans les égouts, chez Kino pour les autres, les Têtes quittèrent Astrub pour quelques temps.


L’air était lourd, et les mines graves lorsque les trois Têtes actionnèrent le heurtoir en bronze du Manoir. Elles avaient voyagé sans véritables haltes depuis Brâkmar. Cela se voyait, cela se sentait.
 
On vint leur ouvrir. Derrière la porte d’entrée, la silhouette du Valet Noir flottait paisiblement dans le hall délabré, comme une ombre sur un mur.
 
« Des nouvelles de Keven ? demanda-t-il, contenant difficilement son impatience. »
 
« Non… mais Arlène est à sa recherche, relativisa le Roi de Cœur. »
 
 Le visage du propriétaire des lieux se referma. Puis il s’engouffra dans un couloir de son énigmatique demeure, sans autre forme de politesse.
 
« Je prends la grande chambre, affirma Scriabine. »
 
Les deux autres Têtes haussèrent les épaules, comme habitués par la situation.
 
« Je ne sais pas si nous aurons beaucoup le loisir de dormir ces prochains jours… souligna Kalirr, tout en traînant sa valise vers le petit escalier qui menait aux appartements des invités. »
 
 
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*     *


Le lendemain matin, de bonne heure, après un déjeuner fait de beaucoup de graines et peu d’amour, le couple du Cœur était dans la cour extérieure sagement assis sur un banc à lire des parchemins, tandis que Kalirr tournait frénétiquement en rond autour du vieux puits.

« C’est un désastre… maugréait le financier. Brâkmar devait être notre nouvelle pioute aux œufs d’or, censée éponger les déficits de cette satanée Fée Verte. Et voilà que tout est perdu, si facilement, si vite ! En claquant des doigts. »



Le Valet Bleu agrippa les rebords du puits, et s’adressa à ses sinistres tréfonds :


« Qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre de 3 000 bouteilles moi, hein ?! On n’a même plus de place au Temple. »


Emyn tenta d’apaiser son courroux :


« Tu trouveras de nouveaux débouchés, comme le trèfle l’a toujours fait, non ? Et puis, au moins l’alcool, ça ne se périme pas… »


« Les stocks Emyn, les stocks sont l’ennemi de finances bien tenues ! Notre trésorerie amorce une phase de chute libre, je préfère vous prévenir que tout ne sera pas défrayé ce mois-ci… annonça Kalirr »


« Ce ne serait pas la première fois… se crut bon d’ajouter Scriabine, avant de se rattraper : c’est pourquoi nous allons faire des efforts. »
 

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Le soir même, Kalirr pénétra dans la chambre réservée à la Dame de Cœur, en brandissant un fin rouleau de papier entre les doigts.

Il la retrouva assise, face à sa fenêtre ouverte, en apparence occupée à écouter les sonorités inquiétantes et étranges de la campagne crépusculaire. Emyn lui faisait la conversation.

« J’ai eu une confirmation de ce que vous pensiez concernant les Nez-Honnis. D’après un brasseur ces rates mettent régulièrement leurs services à louer, à des tarifs plutôt prohibitifs. Des expertes dans l’art d’ôter la vie, conclut le grand argentier. »

« C’est évident, ces créatures de l’ombre ont été engagées pour annihiler les Kha’tri, se conforta Scriabine. »



« Hum… nous n’avons pas de preuve formelle à ce sujet, rétorqua Emyn, plus circonspect. »


« De toute manière, il nous faut creuser, nous devons retrouver le commanditaire. J’envoie quelques tofus. Ne devrions-nous pas mobiliser quelques doigts ? Shanigami peut-être… suggéra Scriabine, songeuse. »


« Non, c’est trop risqué au vu du climat actuel, mieux vaut placer nos intermédiaires. D’ailleurs, nous n’aurions pas dû réaliser cette expédition… soupira Emyn. »

« Il n’y a pas de rentabilité sans risque… philosopha le Valet de trèfle, avant de repartir dans ses pénates »





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Le lendemain après-midi, Scriabine rejoignit son homologue du Trèfle dans la salle à manger du manoir, qui témoignait encore du repas agité qui avait eu lieu précédemment.

« Le porkass ! L’infâme pourceau ! Je le ferai cuire dans sa propre fange ! Enragea Kalirr, tout en renversant une tasse sur la vieille nappe. »


« Des nouvelles de Kino, je suppose ? »

« Lui-même ! Figure-toi qu’il nous informe « en toute amitié » que nos dernières bouteilles ont été remplacées par cet alcool blanc dont les Bras-Soeurs nous avaient rebattu les oreilles lors de notre rencontre. »




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La matriarche de la Main profita d’un déjeuner en tête-à-tête, le lendemain, pour signifier l’avancée des recherches du Cœur à Kalirr :

« Nous avons du neuf concernant les Nez-Honnis. Je pense que cela va te plaire. »



Kalirr avait stoppé l’avancée de sa fourchette, qu’il reposa dans son assiette, pour mieux assimiler l’information qui allait suivre.


« Premièrement, elles ont bien été soldées pour liquider les Kha’tri. Deuxièmement, le commanditaire est un Pandawa, déclara Scriabine avec un air satisfait. »


« Pilère qui fricote avec Pandala, l’Alcool Blanc, les Kha’tri… Un nom pour ce commanditaire ? »


« Pas de nom. Ce ne sont plus des coïncidences à ce stade. Des Pandalais en veulent à nos intérêts dans la région. Nous devons remonter la piste de l’Alcool Blanc, préconisa la matriarche »


« En fait, j’ai déjà mené quelques investigations sur ce spiritueux. Il s’avère que la Fille Pernode en a déjà fait les frais. Mais apparemment il est surtout vendu aux classes du dessous, loin du marché de la Fée Verte. Il viendrait de Sufokia. »


« Sufokia… cela est bien loin de nos réseaux traditionnels. Mais je vais tenter d’en savoir plus, soupira Scriabine. »


« Quoi qu’il en soit, je me charge de contacter nos partenaires de Pandala pour prendre la température. Où est Emyn ? »

« Avec… notre hôte. Ils n’ont pas quitté le perchoir de la matinée. »




*


*     *


Lorsque le Roi de Cœur fut mis au courant des dernières avancées en date, le carnet d’adresses de Kalirr fut mis à contribution. Différents Pandalais de sa connaissance ou de celle de ses Doigts eurent le plaisir de voir la Main se rappeler à leur bon souvenir et…

Une semaine après l’envoi d’une myriade de coursiers ailés, un seul type de réponse parvint à la cachette du Valet Noir.

Les Têtes en présence y apprirent que plus personne ne souhaitait avoir affaire aux représentants du Trèfle sur l’île, ce partenariat étant devenu bien trop risqué pour des raisons inhérentes à la culture locale. Le message était marqué du sceau personnel de Gustave Paumier — anciennement partenaire de la Main — et de celui du désarroi.




*


*     *


Il était temps de convoquer un sommet stratégique pour statuer sur la conduite à adopter. La réunion débuta après un souper silencieux, dans l’antichambre. Les traits des uns se faisaient masques de fatigue là où d’autres n’affichaient qu’agacement, alors que l’inaccessible maître de la Main semblait apprécier la douceur de l’été.

Scriabine brisa le silence.

« Il semblerait que nos concurrents pandalais ont fait barrage à nos produits sur le territoire brâkmarien en plus d’intimider nos partenaires sur l’île de la Déesse Qui Mousse. »

« Par le truchement de ces fameuses Nez-Honnis qui ont exterminé les Kha’tri, précisa le Roi de Cœur »

« Et c’est sans compter la traîtrise des Bras-Soeurs ! Vitupéra le Valet de Trèfle. »

Le Valet Noir hocha la tête et balaya ces inquiétudes d’un revers de la main.

« Qu’en est-il de Keven ? »

La question désarçonna les Doigts présents.

« Il est question de problématiques autrement plus pressantes que celle d’un vulgaire contrebandier. Brâkmar menace… commença Scriabine. »

« Brâkmar est secondaire, très chère, lui sourit le vieil homme. A-t-on des nouvelles d’Arlène ? »

Kalirr fulminait en songeant aux pertes sèches, aux déficits, et aux insuffisances de trésorerie et aurait haussé le ton si la porte de la pièce n’avait pas été ouverte brusquement dans un concert de protestations et de carillons.

Arlène venait de faire une entrée aussi remarquée qu’odorante. Couverte de suie et porteuse d’une odeur de brûlé caractéristique, elle salua, tout essoufflée, les personnes attablées.

Scriabine porta un mouchoir à ses narines, Kalirr leva un sourcil interrogateur et Emyn sourit à son maître après avoir incliné la tête en direction de la nouvelle venue.

« Il semblerait que notre arlequine soit arrivée ! »

« Quel sens du spectacle, c’est édifiant, murmura la matriarche. »

L’acrobate du Pique tira une chaise sur laquelle elle s’affala avec soulagement, s’empara d’une tasse et en vida le contenu à grandes goulées.

Le Valet Noir lui laissa le temps de reprendre ses esprits — si pareille chose était possible — et l’interrogea sur sa mission.

L’Arlène leur expliqua qu’elle était parvenue à remonter la piste de Keven, après qu’il leur ait faussé compagnie, la nuit de la récupération de la flûte d’Amelin.


Cela n’avait pas été facile, elle perdit plusieurs fois sa trace : l’homme étant prudent et habitué à passer inaperçu. Mais le réseau du Cœur et les contacts de l’arlequine avaient finalement permis à cette dernière de dénicher l’oiseau dans l’une de ses planques.


Néanmoins, l’endroit était victime d’un incendie, et le Valet de Pique avait dû pénétrer dans le bâtiment en proie aux flammes. Après de longues et torrides minutes d’investigation, alors que la tête commençait à lui tourner et ses habits à dégager une désagréable odeur de brûlé, elle avait fini par découvrir le contrebandier enchaîné au fond d’une cave.

La menace de l’y laisser cuire avait délié la langue du filou et celui-ci s’était mis à table. Il avait craché toutes les informations encore tenues secrètes sur le contenu du coffret de la flûte d’Amelin et du Calice de Ji Rofl. Un troisième objet s’y trouvait : un vêtement cousu d’or qui…

« Le Gilet de Jonas, s’était agité le Valet Noir ! Poursuivez, poursuivez ! »

Un vêtement cousu d’or qui lui avait été dérobé il y a quelque temps. Il n’avait jamais vu le gars, mais celui-ci lui avait donné l’air d’en savoir long sur lui. C’était un blondin, avec un accent du Sud.

Sa fierté en prit, littéralement, un coup, lorsqu’un madrier s’abattit sur lui, coupant court à son échange avec Arlène. Cette dernière avait fini par s’extraire du piège aux allures de four et avait rejoint ses pairs aussi vite qu’elle l’avait pu, sans passer par la case Lépreux Chauve ni profiter de sa mystérieuse — mais ô combien pratique — buanderie. D’où son état.

Les dernières paroles de l’arlequine fumée restèrent brièvement suspendues dans les airs et ce fut Scriabine qui l’interrogea la première :

« Keven serait donc mort... Il n’a pas eu le temps d’en révéler davantage au sujet de celui ayant dérobé le « Gilet » ? »

L’acrobate aux grelots ouvrit la bouche, leva un doigt ganté, et réfréna le flot de paroles qui menaçait de jaillir. Elle roula des yeux, souleva un sourcil puis l’autre, et finit par répondre un laconique :

« Non. »

Le Valet Noir coupa court à cet échange et reprit la parole.

« Voici ce que vous allez faire : tout d’abord, retrouvez le nom de ce bandit du Sud, prenez contact et reprenez ce Gilet qui m… appartient à la Main. »

Un silence de trop ponctua cet ordre. Scriabine toussota poliment, puis se leva en posant doucement ses poings sur la table.

« Je ne voudrais pas vous manquer de respect, après tout, vous nous hébergez, mais… nous ne pouvons pas nous permettre d’écumer les innombrables détrousseurs à tête blonde du Sud du pays pour retrouver un hypothétique trésor, alors que nous venons tout juste de perdre un de nos marchés les plus rentables… »


Le regard du Valet s’embauma d’un agacement viscéral, qu’il essaya de contenir avant de répliquer.

« Le Gilet de Jonas est source de bonne fortune, expliqua doctement l’honoré vieillard, dès qu’il sera en ma possession, la Main… »

« Voici ce que vous allez faire, l’interrompit la Dame de Cœur, vous allez ôter de votre esprit ce Trésor l’espace d’une soirée, et vous allez nous écouter. »

Les conversations et débats qui découlèrent de cet échange durèrent une bonne partie de la nuit et se poursuivirent bien après que le soleil se soit levé.



*


*     *
 

Les quatre têtes avaient des cernes marqués au charbon. Les coiffures étaient approximatives, les vêtements plissés ou brûlés. Mais elles étaient là, au pied du manoir, prêtes à quitter le Nid.

« Il est temps de rendre une petite visite à ce cher Gustave et identifier ceux qui cherchent à nous nuire.
— J’ai quelques noms en tête, ils feront l’affaire. 
— L’Acratophore devrait s’avérer utile, une fois de plus.
— Exact, il faudra également y envoyer quelqu’un. Quand aura lieu la prochaine soirée ? »

— Et pour le gigi de Jojo, quoi qu’on fait ?
— Il y a plus urgent !
— Mais l’Vieux avait l’air d’y t’nir, non ?
— Pas autant que moi à ma tête... et à nos kamas. »

 
Alors que l’élite de la Main disparut dans le chemin boisé, et que les voix s’éteignirent, le Valet s’était réfugié dans sa tour, seul avec ses tourments et ses oiseaux.
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