Satané kama !
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Satané kama !
Des divans pour seul meuble. Armature en fer forgé, coussins incarnats, ils étaient disposés sur tout le périmètre de ce petit salon circulaire. Les murs incurvés, ainsi que le sol, étaient taillés dans une pierre blanche sur laquelle étaient peint neuf cercles noirs concentriques. Dernier ornement remarquable de la pièce, au milieu, un brasero crachait des flammes à en faire rougir les braises.
« Sache que je m’enorgueilli d’une telle visite, chère amie. », confessa une voix modulée. Son propriétaire observait le charbon se consumer ardemment, allongé sur un divan. Il replaça une mèche de ses longs cheveux anthracites d’une main tandis que l’autre lustrait, sans discontinuer, une petite barbiche de même couleur. Queue pointue, deux cornes angulaires, ce Disciple du Charmeur de Ver avait une peau cramoisie par l’astre solaire.
« Viendrais-tu réclamer mon… mon… Rooh ! Aide-moi ma belle, je bute.
– Ton aide.
– Ah oui ! Mon aide. Avec moi, fini les sévices et la subversion, bonjour les services et la subvention. »
La quarantenaire se tenait de l’autre côté de l’âtre. Robe brune, bouclettes blondes, elle regardait ses bottes, assises sur son coussin. À sa droite reposait un bâton, une crosse de berger que les amoureux de la Gardienne des Troupeaux Célestes affectionnaient tant. À sa gauche, une coupe multicolore dont le verre rappelait les vitraux d’une église.
« Dis-moi juste combien et je te dirais comment, reprit le barbu.
– Cinq cent mille kamas, répondit l’autre à demi-mot.
– Eh bien ma chère Faustine, la connaissance semble avoir un prix finalement. Bien sûr que je peux cela pour toi, mais mes conditions sont les même pour tous.
– J’écoute.
– Rembourser en six mois et je n’accorde aucun délai supplémentaire. En six mois et avec des intérêts à dix pourcents. »
Elle se rendit compte qu’elle avait une tache sur le bout de la botte. C’était sombre, des reflets violacés, probablement de l’essence de stramoine. Cette tache faisait rejaillir dans son esprit les spectres de ses échecs alchimiques. Quelle damnation d’être femme de science et de ne pouvoir trouver les réponses qu’on espère, faute de moyens. Elle pensa à ses fioles et ses formules de longues minutes avant d’être interrompue.
« Ça t’embête si on fait vite ? »
Elle ne répondit pas, elle n’aurait pas su quoi de toute manière.
« Ne t’enferme pas dans le mutisme, voyons. Tu peux toujours dire non.
– J’accepte.
– Oh, pas si vite ! J’ai encore un détail à ajouter. Si tu acceptes, il faudra porter la coupe aux lèvres. Tu seras alors sous l’emprise d’un breuvage de mon invention qui te laissera pour morte au bout de six mois. À moins, bien entendu, que tu me rapportes mes intérêts d’ici-là, en échange de l’antidote.
– Mais c’est… c’est…
– C’est juste une garantie très chère. Soit on me rembourse à temps, soit je me rembourse sur votre âme. Ainsi, chacun respecte ses engagements. »
D’un bond, le prêteur se remit sur ses jambes avec l’agilité du chacha et se dirigea vers la sortie, laissant l’unique huis ouvert.
« Lucie, ferme la porte. Laissons à notre amie Faustine le temps de la réflexion. », dit-il alors qu’il s’enfonçait dans un long couloir et qu’une jeune fille venait le remplacer.
• • •
Lorsqu’il revint, il ouvrit la porte prestement. Un sourire malin se dessina sur son visage quand il vit son deuxième emprunteur du jour la coupe aux lèvres, avalant la mixture.
« Eh bien vous voici l’heureux propriétaire de cinq millions de kamas, monsieur Dancrage. »
Kalirr- V♣
- Gestionnaire IIILe maître-gestionnaire est un marionnettiste habile. Il est en mesure de gérer plusieurs réseaux aux quatre coins de Terra Amakna en même temps et, parfois même, de les voir s'entremêler.Négociateur IILe négociateur expert maîtrise son art autant que son discours. Il n'aura pas peur de traiter avec des marchands, des commerçants ou tout autre personne rompue à l'exercice.Juriste (Bonta)Par sa connaissance fine de la loi, le juriste est en mesure de rentabiliser au maximum ses opérations et même, parfois, de légaliser les actions des moins morales. Compétence personnalisable en fonction de la juridiction.EscrocCompétence favorite des tricheurs, aigrefins et arnaqueurs en tout genre. Elle permet aussi bien de plumer quelques pious nés de la dernière pluie que d'identifier un vieux renarbo tentant de vous berner.Millésime 646Où la Main redéploie ses Doigts.Millésime 647Où la Main recommence à faire parler d'elle.Millésime 648Où la Main fait respecter son Code.Millésime 649Où la Main se pique de noblesse.Millésime 650Où la Main s'engage dans un bras de fer.Millésime 651Où la Main fait peau neuve.Mystérieux Papa NowelPour survivre à Nowel, il faut devenir Nowel.DésincarnéAu-delà du Seuil, certains restent à demeure.
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Re: Satané kama !
« Et il ne manque pas un kama. Ça t’en bouche un coin, Lucie. Elle avait parié que vous ne seriez pas capable de régler vos dettes en temps et en heure, mais c’était mal vous connaître. N’est-ce pas, monsieur Dancrage ? »
• • •
L’essieu fatigué couinait à chaque tour de roue. La vielle charrette suivait un chemin de crête, redescendant dans la vallée. Les deux dragodindes faméliques semblaient connaître la route car leur maître tenait mollement les rênes, encapuchonné dans un grand manteau sombre comme la nuit qui les enveloppait.
Le chariot arriva en bas, au milieu des champs et des ruisseaux, sur une petite voie de cailloux blancs. La lune ne se montrait pas ce soir, pas plus que les étoiles dissimulées derrière une épaisse couche nuageuse. Les dragodindes s’arrêtèrent d’elles-mêmes, devant une auberge esseulée qui bordait la route. Les deux chaînettes rouillées qui soutenaient l’enseigne de bois, balancée d’avant en arrière par une légère brise, grinçaient.
L’encapuchonné sauta de son promontoire avec grâce, dans un mouvement ample de cape. Il se retrouva sur le sentier, puis dans l’auberge close. Tel un spectre, sans un bruit, il se dirigea vers l’étage. Un long couloir, la deuxième porte, il entre.
Un vieillard en robe de chambre dormait d’un sommeil définitif. Pas de sang, pas de lutte, sûrement du poison. Le visiteur nocturne empoigna le malheureux de ses doigts osseux que le Grand Sournois lui avait légué. Il balança le corps chétif sur son épaule et ressortit comme il était entré.
Depuis le perron, il vit qu’une ombre s’était glissée sur sa charrette. Chapeau à plume, parfum raffiné. Il n’en fit pas de cas, chargea le macchabé à l’arrière et prit place sur le banc de bois, à la gauche du visiteur chapeauté. Les dragodindes repartirent aussitôt.
Les deux voyageurs firent route ensemble, sans un mot. La cariole arpentait une pente douce, sur une route droite, passant sur quelques ponts qui enjambaient les nombreuses rivières de ce pays. Le parfumé rompit le silence.
« C’était sa femme. Le contrat, c’était sa femme qui l’avait déposé. Vengeance, adultère. C’est assez commun, banal même. Je ne serai pas surpris que l’amante ait subi un sort identique. Une époque heureuse pour qui sait manier la dague… et pour qui vend des cadavres. Je me suis toujours demandé qui pouvait en être acheteur, certes ça ne me regarde pas mais quand même. »
La charrette s’arrêta à la croisée des chemins. La capuche pivota sur sa droite et, sous son chapeau bleu, le Valet de Trèfle sentit le regard glacial du croque-mort s’abattre sur lui.
« À gauche. », indiqua Kalirr.
Les dragodindes se remirent en marche, comme si elles avaient compris les dires de l’agent du Valet Noir.
« Vous avez de la chance que mes gars aient du boulot dans la région ce soir, sinon la balade aurait tourné court. Le suivant devinez. Mmh ? Alors ? Ouais, une vengeance. Bon, pas un adultère cette fois. Une histoire de poteau de bornage déplacé au milieu d’un champ. Rien de bien intéressant mais ça fait toujours quelques pièces. »
L’essieu s’arrêta de couiner devant un corps de ferme. Comme dans l’auberge, le grand manteau noir disparu et revint avec une carcasse qu’il jeta à l’arrière. Un homme d’une quarantaine d’année, la gorge tranchée. Une forte odeur d’excréments s’en dégageait ce qui ne manqua pas d’incommoder le voyageur.
« Pitié, dit-il en portant la main devant son nez. On est obligé de voyager avec ça ? »
Pour toute réponse, le chariot repartit.
Il arriva dans un petit hameau enveloppé de brumes. C’était une allée unique, une route de terre battue, au centre de laquelle se trouvait une petite place qui avait pour seul aménagement un puit. Les dragodindes s’arrêtèrent à son côté.
Comme précédemment, le charretier disparu dans une habitation et revint avec le corps sans vie d’une femme aux cheveux blancs. Elle rejoignit les deux autres trépassés quand une voix se fit entendre au loin.
« Eh ! Qui c’est-y qu’est là ? Répondez ! »
Deux soldats improvisés sortirent des brumes. Une torche à la main, ils tirèrent la petite matraque qui leur servait d’arme. Aux yeux de Kalirr, ils ressemblaient plus à des paysans qu’à des gardes mais c’était un problème qu’il fallait résoudre. Le Valet de Trèfle se mit debout sur la banquette.
« Du calme, messieurs. Du calme. Nous sommes de simples voyageurs, nous ne vous voulons aucun… »
Sans lui laisser terminer son discours, l’encapuchonné saisit une longue faux qu’il tira de l’arrière du charriot et s’avança vers les deux plantons.
La lame de sa faux rougissait, tandis qu’il psalmodiait des paroles incompréhensibles. La brume autour des troubles-nuit s’épaississait, prenait la forme de crânes géants. Les oiseaux nocturnes, qu’on entendait jusque-là dans le lointain, semblaient s’approcher comme répondant à l’appel de leur maître.
Les deux héros s’enfuirent sans même avoir tenté de lutter et la cariole repartit.
« Impressionnant, commenta Kalirr à la sortie du hameau. J’avais déjà vu le sortilège de Peur une fois mais rien de comparable. Sram doit vous avoir en haute estime. Bien, maintenant que nous avons terminé la tournée, j’aurai une faveur à vous demander. »
Le chariot s’arrêta au milieu d’un pont.
« Notre ami commun m’a assuré que vous seriez en mesure de me prêter quelques kamas. Une somme importante pour ne rien vous cacher. Cet ami m’a confié que vous l’aviez déjà fait pour un autre, il y a longtemps. Un de mes pairs, le regretté Alessekandre. Alors, seriez-vous en mesure de… de réaliser cela à nouveau ? Il va sans dire que je vous rembourserai jusqu’à la dernière pièce. »
Quelques grenouilles coassaient en bas du pont. Le vent se mêlait aux feuilles et aux roseaux et, bien que la nuit fût fraîche, en d’autres circonstances elle aurait été bien agréable.
« Six millions de kamas, il ne m’en faut pas moins. Bien sûr, si vous n’êtes pas en mesure, je me contenterai de votre don et réunirait la somme complète par d’autres… »
L’encapuchonné sauta à l’arrière de sa charrette. Au milieu des macchabés, il ouvrit un coffre et en extirpa un sac de cuir.
« Six millions, dit-il d’une voix grave et caverneuse. Guettez le bruit de mon essieu, il indiquera la fin. Le moment pour vous de régler votre dette. »
Le Valet de Trèfle s’empara du sac et s’inclina largement. Il n’eut pas le temps de remercier le collecteur de cadavres car ce dernier reprit la parole aussitôt.
« Mais par respect pour le Valet Noir, en souvenir des temps anciens, je vais vous confier ceci. Votre soif d’or, monsieur Dancrage, ne vous conduira qu’à un endroit : allongé dans cette charrette. »
Les dragodindes repartirent et Kalirr resta seul sur le pont, le sac entre ses bras.
Kalirr- V♣
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Re: Satané kama !
Couink… couink…
L’essieu rouillé s’était fait entendre depuis un bon quart d’heure. Le disciple du Trèfle attendait sous le sapin qu’on lui avait indiqué. La charrette s’arrêta à son niveau et Kalirr jeta le sac à l’arrière. Il contenait la somme dite.
« Pas pour cette fois, monsieur Dancrage. Vous avez donc trouvé la somme. Une entrée d’argent exceptionnelle ou un autre généreux prêteur ? »
• • •
Le lampion accroché à l’avant de la barque éclairait à quelques coudées à peine. Les brumes qui enveloppaient la rivière étaient si épaisses que les berges étaient dissimulées, invisibles aux yeux du Valet de Trèfle.
Heureusement pour lui, le batelier connaissait son affaire. Le disciple de l’As des Dés, debout à l’arrière, plantait sa pique dans le sol tourbeux du cours d’eau et manœuvrait l’esquif avec habileté. Enveloppé dans un long manteau à capuche, il faisait la conversation avec le jeune homme en bleu qui avait payé la traversée.
« Vous n’êtes pas de mes clients habituels, vous respirez la vie cher monsieur. Qu’allez-vous donc chercher dans le cimetière d’Amakna ?
– Sauf votre respect, mon obole sert à payer le passage pas la conversation.
– Oh bien, un inconnu mystérieux. Je vois, je vois, quelque chose d’inavouable donc. Vous savez, j’ai transporté des pilleurs de cadavres, des assassins et des bandits de la pire sorte aussi. Je reste muet comme une tombe.
– Mmh… »
La barque glissa sur les eaux jusqu’à s’arrêter près d’un petit ponton que deux lanternes indiquaient, phares miniatures guidant les barges ou les nageurs inconscients. Le grassouillait nocher immobilisa son embarcation pour que le voyageur puisse mettre pied à terre.
La chaloupe reparti, disparu dans les brumes. La voix de l’Écaflip à la pigouille – qui s’était mis à chanter – faiblissait à mesure qu’il s’enfonçait dans l’épais brouillard.
« Il était une sorcière, chat rond, chat rond, petit patapon. Il était une sorcière, qui changeait en cochon, rond-rond, qui changeait en cochon… »
Bien vite, Kalirr se retrouva seul. Autour de lui, le silence, parfois brisé par un bruissement de feuilles ou le clapotis de l’eau dont il préférait ignorer la provenance. Il décrocha une des lanternes et s’enfonça dans le cimetière, suivant un petit chemin de cailloux blancs. À la première intersection, il prit à droite. Tout droit à la suivante jusqu’à la tombe à la stèle fendue. Là, il quitta le sentier sur sa gauche et s’enfonça dans l’herbe jusqu’à la grille entrouverte d’une crypte.
Il se glissa à l’intérieur de l’édifice. La lanterne éclaira plus fortement car le lieu était clos et les brumes avaient disparu. Le Valet de Trèfle fit un bond en arrière en voyant l’énorme monstre qui se dressait devant lui, aux crocs saillants et aux griffes acérées. Il attrapa en vitesse sa potion de rappel, laissant choir la lampe mais se ravisa juste avant de boire la première goutte.
Il reprit le lampion et admira la statue qui lui faisait face. Il pesta intérieurement mais dû bien admettre que le travail était de qualité. La sculpture faisait deux fois la taille de l’Osamodas et représentait un Ouginak à trois têtes. La première était souriante, amicale. La seconde, les babines retroussées, montrait ses canines et bronze qui reflétaient la lumière. La dernière, gueule ouverte, semblait toute disposée à mordre.
L’agent du Trèfle contourna l’œuvre d’art et emprunta l’escalier qui était caché derrière. La descente fût longue mais sans encombre. Après le voyage sur les fleuves et les chemins brumeux, s’en était presque agréable.
Kalirr posa les pieds sur la dernière marche et contempla le hall qui s’ouvrait devant lui. Tout en marbre et en colonnes, les tentures rouges et les braseros brûlants faisaient de ce lieu un endroit bien plus accueillant que la surface. Un comptoir de pierres blanches était disposé au fond et trois personnes semblaient deviser derrière. Il s’en approcha.
« Tiens-tiens, de la visite. Bonsoir étranger, apostropha un des trois anciens derrière le comptoir. Qu’est-ce qui vous amène par ici ? Rhapsodie ou ritournelle ? Chorale ou cantate ?
– Rien de tout cela, messieurs. Je ne suis pas venu pour le lyrisme, je cherche le maître des lieux.
– Tu entends ça Damaranthe ? Monsieur souhaite écouter le Renommé Prince des Poètes sans Vertus. Fiche le camp jeunot, le Prince ne reçoit pas.
– Si riche le Valet Noir devint qu'il put ainsi. À loisir dans un grand commerce s'engager. Et lors régna secrètement en une riche clandestinité. L'ombre du Valet Noir et de ses vils amis, récita Kalirr laconiquement.
– Qu’est-ce que c’est que ça gamin ? Demanda celui qui se nommait Damaranthe.
– C’est le Lai des Maraudeurs Dama, répondit un de ses compères.
– Non messieurs, c’est une carte de visite, rétorqua Kalirr. Je suis un émissaire du Valet Noir et j’exige audience auprès du maître des lieux.
– Oh, dans ce cas, c’est différent. Pardonnez de ne pas vous avoir reconnu. Traversez la salle du Tar Taré, derrière nous. Continuez toujours tout droit dans la salle aux Chants Déguisés. Le Prince a ses appartements au bout. »
Le disciple du Charmeur de Ver s’inclina et parti en direction de la première pièce.
• • •
La première salle était toute petite. Il y avait pourtant, face au Valet de Trèfle, une véritable marée douzienne. Les instrumentistes étaient tous au coude-à-coude, qui avec un luth, qui avec un tambourin.
Chacun jouait et chantait une mélodie différente de son voisin mais tout le monde en même temps. Pour compléter la torture acoustique, les sons résonnaient et se répercutaient dans toute la pièce. Kalirr tira par la manche le musicien le plus proche.
« QU’EST-CE QUE C’EST QUE CETTE CHOSE ?! Hurla-t-il.
– DU TAR CONTEMPORAIN, répondit l’autre avant de se remettre à taper sur sa timbale. »
Par la force, le disciple du Trèfle se fraya un passage au milieu des artistes. Il était près de la sortie quand, sans signal apparent, tous les mélomanes s’arrêtèrent d’un coup. L’Osamodas s’arrêta également, observant autour de lui. Son cœur se mit à battre de plus en plus fort, comme pour combler l’absence des tambours. Prit d’une panique soudaine, l’agent du Valet Noir fila à vive allure vers la sortie, écrasant des pieds, poussant des corps et des instruments sans ménagement.
• • •
La seconde salle était plus spacieuse. Il y avait, ça et là, quelques groupes d’artistes. Kalirr traversa la salle des Chants Déguisés plus calmement. Il reprenait son souffle et ses esprits en écoutant les quelques mélodies qui arrivaient à ses oreilles.
« On aime bien avec les malandrins
Aller faire un tour dans le bois tout près
On aime bien avec les malandrins
Aller faire un tour en forêt
On y passe l'après-midi
On taxe les pèlerins, le reste on s’en fout
On y passe l'après-midi
La forêt elle est rien qu'à nous »
« C'est un vilain tueur,
Qu’a tout plein de liqueur,
Qui porte de l’acier,
Chez les gens du quartier,
Il a plein de cyanure,
Caché dans sa ceinture,
Y'a la toxicité,
Et ça c’est son métier,
Et s’il fanfaronne,
C’est qu’il vous affectionne,
Et avec la jusquiame,
Il y a toujours un drame,
Et puis y'a vot’e magot,
Qu’il dérobe quand il faut,
Et quand c'est les vacances,
Il a des sous d'avance.»
« Zoum zoum zoum-zoum-zoum
Zoum zouzoum zoum-zoum
C’est pour l’pactole, tagadagada
Qu’on apprend la traîtrise
C’est pour l’pactole, tagadagada
Qu’on apprend la traîtrise
Le grand Dédé, j’lui casse le nez
Qu’est d’jà couleur vinasse
T'as un caveau ? Me tourne pas l’dos
Ou tu s’ras une carcasse.
Zoum zoum zoum-zoum-zoum
Zoum zouzoum zoum-zoum. »
• • •
Un nouveau hall accueilli Kalirr. Un serviteur, qui changeait les torchères, s’approcha de lui pour le conduire dans une grande bibliothèque. Au bout de celle-ci un homme grattait du papier sur un lutrin. Il se tenait debout et lorsqu’il vit Kalirr approcher, reposa sa plume et fit quelques pas.
« Il est fréquent que je rencontre des voleurs, commença-t-il, mais rarement dans mon domaine.
– Il est rare que je rencontre des poètes, continua Kalirr, mais je ne me prive pas de frapper à leur porte si la chose est nécessaire. Êtes-vous le Prince des Poètes Sans Vertus ?
– Lui-même. Et vous êtes un disciple de ce cher Valet Noir. Quel exploit a-t-il encore accomplit ?
– Je suis navré, cher monsieur, mais je ne viens pas pour vous raconter son histoire.
– Et pourquoi donc ? C’est pourtant le lieu ! Lorsque j’ai raccroché la dague pour la remplacer par la plume, j’ai bâti ce temple. Avez-vous pu écouter mes ouailles s’exercer dans les salles antérieures ? »
Kalirr agita sa main comme pour chasser cette question sans intérêt.
« Monsieur, autrefois vous avez côtoyé mon maître, vous portiez alors le nom d’Henri Adesse. C’est en souvenir de ce temps que le Valet Noir m’envoie pour quérir votre aide. Une aide financière. Je sollicite auprès de votre personne un prêt qui sera remboursé intégralement à l’heure dite, soyez-en sûr.
– Mmh… le Valet s’est toujours entouré des plus terre-à-terre et des plus pragmatiques. Pas pour son plus grand plaisir, d’ailleurs. Vous parlez d’une époque aujourd’hui révolue. Je suis désormais le chroniqueur de la vie des bandits. Je consigne leurs histoires car aucune ne mérite l’oubli. Toutefois, les voleurs ne sont pas les êtres les plus bavards. Vous avez besoin d’argent ? J’ai besoin de matière ! Racontez-moi et je vous prêterai. »
Le Valet de Trèfle prit une voix plus douce et posée pour répondre à son hôte.
« La somme dont j’ai besoin est conséquente. Sept millions.
– Vous les aurez. Alors, quel pan trépidant de votre vie de pillard allez-vous me conter ? »
Kalirr soupira mais se résigna assez vite. Si c’était là la condition pour obtenir la somme demandée, ce n’était pas cher payé. Il pourrait toujours s’arranger un peu avec la réalité pour ne pas trop en révéler.
« Connaissez-vous la famille de Nadres ? »
« Il est fréquent que je rencontre des voleurs, commença-t-il, mais rarement dans mon domaine.
– Il est rare que je rencontre des poètes, continua Kalirr, mais je ne me prive pas de frapper à leur porte si la chose est nécessaire. Êtes-vous le Prince des Poètes Sans Vertus ?
– Lui-même. Et vous êtes un disciple de ce cher Valet Noir. Quel exploit a-t-il encore accomplit ?
– Je suis navré, cher monsieur, mais je ne viens pas pour vous raconter son histoire.
– Et pourquoi donc ? C’est pourtant le lieu ! Lorsque j’ai raccroché la dague pour la remplacer par la plume, j’ai bâti ce temple. Avez-vous pu écouter mes ouailles s’exercer dans les salles antérieures ? »
Kalirr agita sa main comme pour chasser cette question sans intérêt.
« Monsieur, autrefois vous avez côtoyé mon maître, vous portiez alors le nom d’Henri Adesse. C’est en souvenir de ce temps que le Valet Noir m’envoie pour quérir votre aide. Une aide financière. Je sollicite auprès de votre personne un prêt qui sera remboursé intégralement à l’heure dite, soyez-en sûr.
– Mmh… le Valet s’est toujours entouré des plus terre-à-terre et des plus pragmatiques. Pas pour son plus grand plaisir, d’ailleurs. Vous parlez d’une époque aujourd’hui révolue. Je suis désormais le chroniqueur de la vie des bandits. Je consigne leurs histoires car aucune ne mérite l’oubli. Toutefois, les voleurs ne sont pas les êtres les plus bavards. Vous avez besoin d’argent ? J’ai besoin de matière ! Racontez-moi et je vous prêterai. »
Le Valet de Trèfle prit une voix plus douce et posée pour répondre à son hôte.
« La somme dont j’ai besoin est conséquente. Sept millions.
– Vous les aurez. Alors, quel pan trépidant de votre vie de pillard allez-vous me conter ? »
Kalirr soupira mais se résigna assez vite. Si c’était là la condition pour obtenir la somme demandée, ce n’était pas cher payé. Il pourrait toujours s’arranger un peu avec la réalité pour ne pas trop en révéler.
« Connaissez-vous la famille de Nadres ? »
Kalirr- V♣
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